2024: LA PRESIDENTIELLE DE TOUS LES POSSIBLES

25 - Novembre - 2019

A un peu plus de 4 années de la présidentielle de 2024, les acteurs politiques se livrent déjà à de feutrées stratégies et autres calculs politiques pour tirer leur épingle du jeu politique. Du président Macky Sall qui semble se baliser le terrain pour un troisième mandat, à Ousmane Sonko de Pastef/Les patriotes qui doit d’abord se tirer d’affaire dans cette histoire de 94 milliards de FCFA, en passant par le leader de Rewmi, Idrissa Seck qui cogite une grande coalition autour de sa personne, de l’amnistie ou de la réhabilitation possible de Karim Wade et de Khalifa Sall, sans oublier l’autre opposition qui se cherche dans le Congrès de la renaissance démocratique (Crd), 2024 s’annonce être l’année de tous les possibles.

Le débat sur le troisième mandat du président Macky Sall a fait couler beaucoup de salive, emportant même des collaborateurs du chef de l’Etat, en l’occurrence l’ancien Directeur des Sénégalais de l’extérieur, Sory Kaba, et l’ancien ministre conseiller, Moustapha Diakhaté limogés pour s’être prononcés en défaveur du troisième mandat. Mais, jusque-là, la question reste entière, dans la mesure où les juristes eux même restent divisés sur la possibilité ou pas pour le président Macky Sall de briguer le suffrage universel pour une troisième fois. Si d’un côté, des constitutionnalistes comme Ameth Ndiaye estiment que ce serait «juridiquement impossible, politiquement trop risqué» pour le président Macky Sall de vouloir faire un troisième mandat, ou encore son collègue Ngouda Mboup qui brandit l’article L.27 qui stipule que «Nul ne peut exercer deux mandats consécutifs», d’autres à l’image du Professeur Babacar Guèye soutiennent que Macky Sall, peut être candidat en 2024, pour solliciter un nouveau mandat. Le Professeur Gueye ajoute qu’une disposition transitoire devrait être inscrite dans la Constitution au cas où l’on ne souhaiterait pas que le Président demande un mandat de plus en 2024. Ce qui revient à dire que si le chef de l’Etat décidait de soumettre cette question aux «7 Sages», sa candidature pourrait passer au vu des cas précédents, notamment celui de l’ancien président Me Abdoulaye Wade. D’ailleurs, de l’histoire politique du pays l’on retient que le Conseil constitutionnel n’a jamais ramé à contre-courant de la volonté du président.

D’aucuns seraient tentés de demander aux populations de s’en tenir à la promesse faite par le chef de l’Etat lui-même de ne pas solliciter un autre mandat. Certes le président avait dit publiquement qu’il ne fera que deux mandats mais, les exemples de revirement font légion. Que dire de la promesse faite de réduire son premier mandat de sept à cinq, de sa promesse de ne jamais nommer par décret son frère Alioune Sall, ou encore de son engagement à mettre sur pied un gouvernement composé de 25 ministres, etc ? Autre chose, le chef de l’Etat a tout fait pour annihiler toute velléité visant à le suppléer au sein de sa formation politique, et même au niveau de la grande majorité présidentiel, en interdisant tout débat autour de la question de son mandat. En fin stratège politique, il a réussi à mettre sous sa coupole tous les «aboyeurs», dont le maire de Podor, Aïssata Tall Sall, Souleymane Ndéné Ndiaye, Modou Diagne Fada, Abdoulaye Baldé, entre autres. Mieux, pour avoir «affaibli» ses alliés, il serait en droit de solliciter leur soutien en 2024, si toutefois le Conseil constitutionnel lui donnait carte blanche, car n’ayant aucun leader au sein de la ladite coalition prêt à le succéder.

IDRISSA SECK MANŒUVRE EN DOUCE

Sorti deuxième de la présidentielle dernière avec 20,51%, le patron du parti Rewmi, Idrissa Seck jouera son va-tout à la présidentielle de 2024 prochain, qui sera sa quatrième présentation à une présidentielle. Déjà, il parait clair que le candidat malheureux, resté aphone depuis sa dernière déclaration tenue après les résultats de la présidentielle, cogite quelque chose. En tout état de cause, il structure autour de sa personne une grande coalition qui regroupe Pape Diop de Bokk Giss Giss, Cheikh Hadjibou Soumaré, Malick Gakou du Grand parti, sans oublier Me Madické Niang, El Hadji Issa Sall. Si les derniers cités connaissent déjà leur poids électoral, pour avoir participé à la présidentielle de février dernier, à savoir Issa Sall (4,07%) et l’ancien ministre Madické Niang (1,48%), les autres leaders n’ont pas pu se jauger pour avoir été recalés par le filtre du parrainage et les «7 Sages». Ainsi donc, sauf retournement de situation, le président de Rewmi sort du lot dans cette coalition qui se forme dans le but d’exister politiquement.

OUSMANE SONKO FERA-T-IL PARTIE DE LA COURSE ?

Le leader de Pastef/Les patriotes, Ousmane Sonko fort de son score de15,67%, doit faire son petit bonhomme de chemin ailleurs. Lui qui est considéré par certains analystes, depuis un moment maintenant, comme le seul sur le terrain politique contre le régime du président Macky Sall, a formé une coalition nommée Coalition Jotna/Patriotes pour l’alternative qui a tenu son assemblée générale constitutive, le 31 août dernier. Pour se démarquer de ceux que l’analyste politique, Momar Diongue appelle «les politiciens classiques», Ousmane Sonko et sa coalition disent «œuvrer à l’indispensable renouvellement de la politique, dans le discours comme dans les actes, sous-tendu par les valeurs et l’éthique du patriotisme, du dévouement au peuple, de l’intérêt général et de l’exemplarité citoyenne à tous les niveaux».

Mieux, ils prétendent s’inspirer des Conclusions des Assises nationales et des Recommandations de la Cnri actualisées, pour donner corps et vie à leur projet commun de transformation sociale, entre autres. Mais, l’ancien inspecteur des domaines doit d’abord régler ses comptes avec “Dame justice“ dans l’affaire l’opposant à l’ancien directeur des Domaines, Mamour Diallo, qui l’accuse de «diffamation et d’injures publiques» dans l’affaire des 94 milliards. Sa sortie sur une supposé «combine» qui se tramerait pour bousiller son casier judiciaire afin de l’empêcher de se présenter à la présidentielle de 2024, renseigne de l’inquiétude qui anime le patron de Pastef. De toute évidence, il aura raison de s’inquiéter pour son avenir politique, au vu des cas Karim Wade et Khalifa Sall.

KARIM WADE ET KHALIFA SALL CONTRAINTS DE FAIRE PROFIL BAS

Le vent de décrispation avait soufflé en sa faveur. Lui, c’est l’ancien maire de la ville de Dakar, Khalifa Sall qui a bénéficié d’une grâce présidentielle, tout juste après les retrouvailles Wade-Macky à l’inauguration de la grande mosquée mouride, Massalikoul Djinane. Sa première sortie devant la presse, après son élargissement de prison, avait été qualifiée de «molle» par bon nombre d’observateurs. Mais, celui qui a donné du tournis à tous les régimes qui voulaient le contrôle de la capitale sénégalaise, semble avoir raison de mettre de l’eau dans son «bissap». Il ne figure toujours pas dans le fichier électoral, donc non encore éligible à une quelconque élection. Il n’est pas le seul à se retrouver dans la même situation. Avant lui, le fils de l’ancien président, Karim Wade avait bénéficié d’une grâce présidentielle qui n’absout pas toute sa condamnation. Tous les deux leaders ont besoin d’une loi d’amnistie pour bénéficier de la plénitude de leurs droits afin de prétendre briguer le suffrage des Sénégalais. Toutefois, il leur reste cette possibilité d’introduire une demande de réhabilitation au niveau du Parquet de Dakar qui va effectuer une enquête dans leur lieu d’emprisonnement, Reubeuss. Cette enquête sera transmise au Parquet général, à savoir Lansana Diaby qui va saisir la Chambre d’accusation qui est libre d’accepter ou de rejeter ladite demande. Une réhabilitation leur permettrait de figurer à nouveau sur les listes électorales. Si Karim Wade peut introduire une telle demande dès à présent, pour avoir été gracié depuis plus de 3 ans, l’ancien maire de Dakar doit prendre son mal en patience jusqu’en septembre 2022. Entre temps, ces deux leaders sont obligés de bien se tenir à carreau pour bénéficier, soit d’une loi d’amnistie, soit d’une réhabilitation car le recouvrement de l’intégralité de leurs droits, avant la présidentielle de 2024, ne serait pas sans conséquence pour le régime en place.

L’AUTRE OPPOSITION QUI SE CHERCHE

Il convient de noter que ces leaders ne sont pas les seuls à mettre sur pied des stratégies pour exister politiquement, d’ici les prochaines joutes. Il existe, en fait, au sein de l’opposition, d’autres plateformes, à l’image du Congrès de la renaissance démocratique (Crd) qui cherchent à se faire une place dans le landerneau politique. Toutefois, il parait difficile de mesurer le poids politique de cette entité du fait des leaders qui la composent. Il y a, entre autres, le leader du Mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo devenu député par la formule du «plus fort reste», le patron de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), Abdoul Mbaye et de Thierno Alassane Sall du mouvement pour la République des Valeurs, incapables tous les deux de dépasser l’épreuve du parrainage à la présidentielle dernière. A ceux-là s’ajoutent les responsables politiques comme Cheikh Guèye de la Ld Debout membre de la “Taxawu Senegaal“, du Professeur Bouba Diop, coordonnateur de Taxaw temm, ou encore du Juge Ibrahima Dème du mouvement “Ensemble“, etc. Cette plateforme qui a fait de la lutte pour la transparence dans la gestion des ressources naturelles du pays son cheval de bataille ne compte pas rester inerte dans ce jeu de calcul dans lequel se livrent les acteurs politiques à l’horizon 2024, et pourquoi pas bien avant avec les locales et législatives prochaines.

Sud quotidien

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