Analyse de la situation de menace à la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans certains départements du Sénégal : le cas de la Casamance dans un contexte de recherche de la paix (Par Abdou Sané)
A. Clarification sur un certain nombre de termes:
1-La sécurité alimentaire existe lorsque chaque individu jouit en tout temps d’un accès matériel et économique à une alimentation adéquate, sûre et nourrissante, capable de satisfaire ses besoins et ses préférences alimentaires et apte à lui permettre de mener une vie saine et active. Pour assurer la sécurité alimentaire quatre éléments doivent être présents : disponibilité, stabilité, accessibilité et utilisation.
2-Un système alimentaire est un ensemble d’interactions dynamiques intervenant dans et entre des milieux bio-géophysiques et humains qui influence les activités et leurs résultats tout au long de la chaîne alimentaire (production, entreposage et transformation, distribution, échange, préparation et consommation).
La sécurité alimentaire est le résultat du fonctionnement du système alimentaire aux niveaux mondial, national et local. Elle dépend souvent directement ou indirectement des services des écosystèmes agricoles et forestiers, à savoir la conservation du sol et des eaux, la gestion des bassins versants, la lutte contre la dégradation des terres, la protection des zones côtières et des mangroves et la conservation de la biodiversité. Les conflits (nous faisons référence au conflit armé en Casamance sur une période de trente ans) sont une des causes principales de la famine, la faim et la malnutrition dans le monde, engendrant des conséquences graves telles que la perturbation des systèmes agricoles, des dommages économiques, des bouleversements démographiques et une perte de productivité. Cette situation alimentaire fragile peut alors devenir à son tour un facteur déclencheur d’autres conflits.
Afin de briser ce cercle vicieux, des actions adaptées doivent être à tout prix menées en amont, pendant et après un conflit, avec un effort de coordination entre ces phases à travers l’aide humanitaire provenant de sources externes aux conflits. C’est tout le sens du projet d’appui au développement rural en Casamance(PADERCA).
B Les causes de cette menace à la sécurité alimentaire en Casamance (correspondant aux régions administratives de Ziguinchor, de Sédhiou, et de Kolda.
1 Depuis les années 80 un conflit armé a marqué la vie socioéconomique de la Casamance .Une région aux énormes potentialités économiques, sociales et culturelles. Cette région jadis considérée grenier du Sénégal va gravement sombrer à la suite de la persistance de ce conflit armé. Cette crise a bouleversé la vie socio-économique de la région avec des milliers de déplacés, des infrastructures sociales détruites faisant de nombreuses victimes et entravant fortement toute tentative de développement : installation progressive de la misère, de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire, dépeuplement des localités. Il ya aussi que des terres arables ou des zones présentant des opportunités dans le secteur primaire, sont perdues du fait de l’insécurité liée à la présence de mines ou à la présence de groupes armés.
2 A cette situation conflictuelle se sont superposés les graves effets de la baisse de la pluviométrie enregistrée depuis le début des années 1970, et qui se sont traduits notamment par la salinisation croissante des vallées rizicoles, l’érosion des terres de plateau et des versants, l’ensablement des vallées et bas-fonds et une forte pression sur le milieu naturel (forêts, mangrove, ressources halieutiques). La détérioration des conditions climatiques combinée aux effets dévastateurs de la situation conflictuelle, a entraîné une détérioration du capital productif eaux-sols-forêts, un abaissement des productions et des revenus, une insécurité alimentaire, et une détérioration globale des conditions de vie des populations rurales désormais de plus en plus à la recherche d’alternatives de survie.
3 Enfin l’une des causes immédiates restent liée au conflit gambien avec ses effets de déplacement soudain des populations gambiennes venues chercher refuge dans les différents départements de la Casamance(Bignona , Vélingara, Kolda entre autres).Cette arrivée massive de populations gambiennes a exercé une forte pression sur les réserves alimentaires (déjà trop limitées) des foyers d’accueil .Ce qui a accéléré le processus de menace à la sécurité alimentaire.
C Il faut agir à l’aide d’un outil très pertinent tel le projet d’appui pour le développement rural en Casamance et élaborer un plan de contingence au niveau local.
Afficher une forte volonté politique pour la mise en œuvre du projet d’appui au développement rural en Casamance (PADERCA) qui a pour objectif sectoriel, de contribuer à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté en Casamance.
De façon plus spécifique, le Projet vise l’augmentation de la production agricole sur une base durable.
1 Opportunités du projet d’appui au développement rural en Casamance (sous sa phase 2).
Le projet d’appui au développent rural en Casamance s’inscrit dans la dynamique de renforcement des acquis et intègre les principaux engagements nationaux et internationaux pris par le Sénégal.
C’est ainsi que par sa thématique axée sur la protection des ressources naturelles, le projet s’insère dans les objectifs globaux de la Convention des Nations Unies sur la Lutte contre la Désertification. Il s’aligne sur le Programme Détaillé pour le Développement de l’Agriculture en Afrique (PDDAA) qui représente le volet agricole du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique (NEPAD) et définit aux pays africains, le cadre commun de référence pour le développement du secteur agricole, en augmentant les exportations et en luttant contre la faim, l’insécurité alimentaire et la pauvreté. Il est aussi en cohérence avec les politiques et stratégies du CILSS (La lutte contre la sécheresse et Cadre stratégique de sécurité alimentaire durable). Par rapport à la Banque Africaine de Développement (BAD), le Projet rentre dans le Pilier 2 portant sur la « Contribution au renforcement des infrastructures nationales et régionales » du document de stratégie pays, consolide les acquis et capitalise les bonnes pratiques enregistrées par le projet d’appui pour le développement rural en Casamance, entre 2007 et 2014. Le projet d’appui au développent rural en Casamance sous sa deuxième phase, s’inscrit également dans les stratégies et domaines d’intervention prioritaires identifiés entre l’Etat du Sénégal et les partenaires techniques et financiers (PTF) dans le secteur primaire et le sous-secteur de l’agriculture. C’est ainsi que le Projet est en cohérence avec les objectifs visés dans le Country Strategic Opportunities Paper (COSOP) du FIDA et portant sur l’amélioration de l’accès des petits producteurs et de leurs organisations à des services et infrastructures de production efficaces, à des technologies appropriées et aux marchés. Le Projet entre également en phase avec le deuxième pilier de la stratégie de partenariat 2013-2017 entre le Sénégal et la Banque mondiale visant à accélérer la croissance inclusive( et créer des emplois) et la stratégie de partenariat pays membre, adoptée en 2012 entre le Sénégal et la Banque Islamique de Développement (BID).
Le Projet se réfère aux grandes orientations nationales définies dans la Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale(SNDES) qui veut « contribuer de manière durable à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à une croissance économique forte, et à la réduction de la pauvreté par des infrastructures, la modernisation de l’appareil de production et la diversification des échanges commerciaux.
Au niveau national, le Projet d’appui pour le développement rural en Casamance, intègre le Plan Sénégal Emergent (PSE) mis en place en janvier 2014 par le gouvernement du Sénégal qui vise à mettre en place d’ici 2023, un ensemble de projets structurants à fort contenu de valeur ajoutée et d’emplois.
Au niveau sectoriel, le projet d’appui pour le développement rural en Casamance, répond aussi aux engagements de la Loi d’Orientation Agro-sylvo-pastorale (LOASP) et du Cadre Stratégique Décennal de l’Agriculture (CSDA) qui prévoient, entre autres, la mise en place d’appuis à la gestion des eaux et des sols susceptibles à terme, d’accroître les revenus et la sécurité alimentaire. Il épouse également les contours de programmes stratégiques tels que le PNIA (Programme National d’Investissement Agricole), le PNAR (Programme National d’Autosuffisance en Riz) et le PAQ (Programme Agricole Quinquennal). Par ses actions de développement de la riziculture et de la promotion du riz local, le projet d’appui pour le développement rural en Casamance, s’inscrit dans la nouvelle vision des autorités du Ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural (MAER) à travers le Programme de Renforcement et d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise (PRACAS) lancé en début 2014 pour créer les bases d’une autosuffisance alimentaire au Sénégal. Le DPES révisé est devenu Stratégie Nationale de Développement Economique et Sociale (SNDES 2013-2017) qui met un accent sur la création de richesse, le renforcement de la gouvernance, le développement des secteurs stratégiques ayant des impacts significatifs sur l’amélioration du bien-être des populations et de la demande sociale.
Il intègre différentes stratégies multisectorielles (Stratégie de croissance accélérée –SCA- ; Stratégie Nationale de Protection Sociale –SNPS- ; Stratégie Nationale pour l’Equité et l’Egalité de Genre –SNEEG).
Le projet se met en droite ligne de la dynamique de la décentralisation au Sénégal notamment la mise en œuvre de la troisième étape dénommée « Acte III de la décentralisation » pour la période 2013-2022. L’objectif est de concrétiser l’option de territorialisation en révisant la démarche de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques. Cela permettra de bâtir le développement du Sénégal à partir des opportunités, atouts et potentialités de chaque terroir, et préparer un cadre adéquat pour la territorialisation des politiques publiques et des offres de services public, l’élaboration et la mise en œuvre du projet territorial de l’Etat en Casamance pour faire de cette région le territoire test de la nouvelle politique.
Le Projet s’inscrit dans le cadre général du Programme de Relance des Activités Economiques et Sociales en Casamance (PRAESC), qui concourt, en synergie avec la communauté des bailleurs de fonds et sous l’impulsion de l’Agence Nationale pour la Relance des Activités économiques et Sociales en Casamance (ANRAC), à assurer le redressement économique de la Casamance.
Au niveau régional, le Projet intègre le Pôle de Développement de la Casamance (PDC) qui est un cadre d’impulsion du développement de la Casamance naturelle. Il vise entre autres, la sécurité alimentaire et la sauvegarde des écosystèmes.
2 Les principales activités prévues du Projet concernent :
* la Protection et l’aménagement d’environ 35 vallées rizicoles menacées par le sel (13.500 ha)
* l’intensification agro-pastorale par une meilleure maîtrise des eaux de surface, touchant environ 1.000 ha (bas-fonds, mares, jardins maraîchers, vergers, etc.)
* la Préservation du milieu naturel et la protection de l’environnement (500 ha de forêts, 1.000 ha de mangrove, 200 km de pare-feu, 800 ha de terres protégées par les techniques de lutte contre l’érosives) ;
* l’appui organisationnel et l’accompagnement de plus de 500 comités villageois et groupements d’exploitants ;
*les actions d’appui-conseil et de vulgarisation en direction de plus de 14.000 exploitations. *l’appui à la structuration et à l’organisation des différentes filières de production ;
* la Construction/réhabilitation et équipement de 180 salles de classe et 16 postes de santé.
* la préservation des ressources forestières et du développement local
*le Projet a appuyé l’élaboration de quatre (4) Plans d’Aménagement et de Gestion (PAG) de trois forêts communautaires dont deux dans la région de Sédhiou (Samodji Mansa et Sinthiou Diahé pour 1.420 ha) et une dans la région de Ziguinchor (Bauhani pour 300 ha) et une forêt classée (Caparan couvrant 366 ha).
Dans le cadre de la lutte contre l’ensablement des vallées, 809 ha de terres sont protégées aux moyens de techniques de lutte antiérosive (Diguettes filtrantes, cordons pierreux).
3. En dehors de ce projet, il y a lieu d’élaborer un plan de contingence locale tel que stipulé dans le Plan Sénégal Emergent pour faire face à ce genre de situation de crise.
En conclusion, il faut retenir que le désarroi exprimé par le Maire de Sindian (département de Bignona) pour qui la « faim »menace sa commune, a été un prétexte pour nous de produire ce document. Nous voulons ainsi montrer que la région naturelle de Casamance a sur place suffisamment d’instruments pour être à l’abri de la faim. Nous invitons ainsi Les différents élus de la région naturelle de la Casamance à apprécier notre travail et d’en tirer toutes les conséquences.
Abdou SANE, Conseiller départemental de Ziguinchor, ancien député)
Email : abdousanegnanthio@gmail.com
Téléphone : +221701059618
Dakar, Sénégal.)