BAISSE DE NIVEAU À L'ÉCOLE MAIS AUSSI DANS LE DÉBAT PUBLIC (PAR YORO DIA)

01 - Août - 2019

«Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens.» Cette leçon de sagesse est attribuée à Socrate. Notre confrère et grand-frère Adama Gaye est passé de Socrate à chroniqueur people des caniveaux du Palais présidentiel. Quel dommage qu’un si grand esprit, qui faisait notre fierté sur Cnn et dans les fora mondiaux, soit descendu au niveau des caniveaux, comme aveuglé par la haine, la frustration et la rancœur.

J’ai eu la chance de le recevoir plusieurs fois sur des plateaux de télévision. Sa connaissance de la géopolitique de la Chine est époustouflante. Tout le monde est d’accord que dans une démocratie, il n’est jamais de bon aloi de «mettre Voltaire en pri- son», mais Adama Gaye était devenu indéfendable. «Tout ce qui est excessif devient insignifiant», disait Charles Maurice de Talleyrand. Notre confrère Adama Gaye avait tellement sombré dans l’excès que ses délires identitaires et ses insultes en étaient devenus insignifiants. Le tribunal de l’opinion l’avait déjà condamné avant que le procureur ne se mêle de l’affaire, car personne ne le prenait au sérieux, même pas ceux qui l’encourageaient par leurs commentaires mais riaient sous cape avec ce grand esprit qui en était réduit à amuser la galerie Facebook.

Le procureur intervient trop tard, parce que le tribunal de l’opinion a déjà condamné les excès de notre confrère aveuglé par sa croisade personnelle. Les excès en démocratie sont souvent régulés par la main invisible de l’opinion qui avait déjà marginalisé les excès de notre confrère. Il est important que Rebeuss soit une sorte de chemin de Damas pour notre confrère, pour qu’après cette phase malheureuse, il retrouve ses esprits et quitte le débat de caniveaux pour retrouver les cimes de la pensée et les grands débats d’idées qui ont fait sa réputation dans le monde. S’il n’était pas aveuglé par la rancœur, Adama Gaye pouvait combattre Macky Sall autrement et plus effi- cacement que par des insultes. La démocratie est une affaire de gentlemen, de patriciens comme chez les Romains, mais pas une affaire d’élites avec un langage de charretier.

Notre démocratie est devenue un désert intel- lectuel faute de débats d’idées, mais reste une arène où les gladiateurs passent leur temps dans des attaques personnelles. Chaque fois qu’un acteur de la scène politique, qu’il soit de l’opposition ou de la majorité, émet une idée, la réponse est automatiquement une attaque personnelle. C’est pourquoi il n’y a presque jamais de débats d’idées dans notre espace politique. On ne trouve de la vertu aux adversaires que dans des témoignages d’outre-tombe. Une grande démocratie, ce n’est pas seulement de grands textes ou de grands principes ou des alternances, mais c’est aussi et surtout des rapports civilisés entre les acteurs, pas seulement lors de funérailles mais dans la vie de tous les jours. Malheureux ceux qui n’ont pas assisté dans les années 1990 aux joutes verbales entre Abdourahim Agne alors président du groupe parlementaire Ps et Me Ousmane Ngom, alors président du groupe parlementaire libéral. Ce face à face entre ces deux monstres sacrés du verbe était un délice pour la qualité du débat, mais aussi pour la civilité et les règles d’urbanité entre les deux présidents de groupe.

Civilité et urbanité malgré l’âpreté du débat qui opposa Idrissa Seck et Abourahim Agne dans l’entre-deux tour de la présidentielle de 2000. Dix-neuf ans après, notre débat démocratique se réduit à des invectives et des insultes. Les patriciens se sont retirés et les plébéiens occupent le haut du pavé. C’est pourquoi la poussière du Colisée a envahi le marbre du Sénat. Au Sénégal, la baisse de niveau, ce n’est pas seulement à l’école, mais aussi dans notre démocratie, qui est passée des Lettrés aux gladiateurs.

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

04 - Janvier - 2025

CONSEIL CONSTITUTIONNEL : GARDIEN OU SPECTATEUR DE LA DEMOCRATIE ?(PAR IBRAHIMA THIAM)

Le Conseil constitutionnel, gardien de la Constitution et institution essentielle de notre démocratie, ne manque pas de surprendre par son approche systématique des affaires...

03 - Janvier - 2025

Barthélémy DIAS n'abdique pas : Il introduit deux autres requêtes devant la Cour suprême

Malgré les deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel et la Cour d’Appel de Dakar respectivement sur la révocation de Barthélémy DIAS de son...

03 - Janvier - 2025

La traversée du désert continue pour Barthélémy Dias : Il vient de perdre la direction de Taxavu Sénégal reprise par Khalifa Sall

Barthélémy Dias traverse une période délicate, marquée par des échecs politiques et judiciaires. Selon Point Actu, l’ancien maire de Dakar a perdu...

02 - Janvier - 2025

Rationnalisation des partis politiques: Le vaste chantier que Diomaye veut ouvrir

Le chef de l’État a appelé, lors de son message à la nation, à la veille du Nouvel An, à une rationalisation des partis politiques. Cette rationalisation...

02 - Janvier - 2025

Karim Wade brise le silence : «L’avenir du Sénégal se joue maintenant et le PDS a un rôle essentiel à jouer...»»

La frustration ressentie par certains responsables et militants du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) après les élections législatives anticipées...