Campagne Arachidière au Sénégal : la Fermeture de la Sonacos annoncée

06 - Février - 2020

La campagne arachidière bat son plein. Les paysans dans le désarroi, scrutent l’avenir avec inquiétude. Les perspectives ne sont guère reluisantes. La concurrence des Chinois plombe la Sonacos, menacée de mettre la clé sous le paillasson.

L’arachide a été l’une des grandes mamelles de l’économie sénégalaise d’où une grande partie des ressources budgétaires de l’Etat était tirée. Le pays de Senghor se situait en seconde position en Afrique derrière le Nigéria avec des productions record de plus de 1 million de tonnes de graines par saison hivernale. Mais, depuis, cette production n’a fait que dégringoler, au fil des régimes politiques qui se sont succédé à la tête du pays. Même si au début de la seconde alternance, la production est revenue à la moyenne normale, elle s’est réduite comme peau de chagrin pour cette présente saison.

Les chiffres officiels livrés (1.200.000 Tonnes avancés par le ministre de l’Agriculture) tranchent d’avec la réalité sur le terrain où des sources bien ancrées dans le sérail parlent d’une production nationale n’ayant pas dépassé 600.000 tonnes de graines. Le pays vit ainsi l’une de ses plus mauvaises campagnes arachidières. La SONACOS fortement concurrencée par les propositions de prix d’achat aux producteurs plus alléchantes des Chinois est ainsi loin d’atteindre ses estimations de collecte. Les avertis prédisent ainsi que la plus grande huilerie du Sénégal va jeter l’éponge et va mettre sous peu la clé sous le paillasson. Plus de 1000 travailleurs seront ainsi dans la rue.

Baisse vertigineuse de la production arachidière

La baisse vertigineuse de la production arachidière a été expliquée par la concurrence forte de grands pays comme la Chine où sur le marché mondial, le Sénégal n’est qu’un petit poucet. L’on a ainsi fini dit-on, d’accuser les politiques agricoles précédant le régime libéral du président Abdoulaye Wade d’accorder plus d’importance à la diversité de la production vivrière qu’à la promotion ou à la fortification de la filière arachidière tenaillée aussi par l’envahissement de l’huile végétale de l’occident.

Le secteur de l’arachide de moins en moins soutenue et dépourvue de semences certifiées et de qualité, d’intrants et de matériels agricoles, ses productions ne peuvent ainsi que baisser. Les industries d’huileries sénégalaises dépendantes, en particulier la SONACOS ont ainsi vu leur régime tourner à moindre débit. Pire, la SONACOS qui a vu le jour depuis 1937, s’est trouvée dans une zone de turbulence. Aujourd’hui; les plus sceptiques et les plus radicaux prédisent sa prochaine fermeture en ce début d’année. Ils révèlent même que le projet est actuellement sur la table du président de la république.

Mais il faut le dire, la SONACOS n’en n’est pas à ses premières secousses. Comme on le sait, pour sa relance, la société d’Etat, avec le concours de privés, a eu à être muée en SUNEOR, Elle reviendra aujourd’hui sous sa dénomination première en tentant de se maintenir à l’existence avec ses usines de Lyndiane à Kaolack, Ziguinchor, SEIB à Diourbel et aussi Louga.

Les machines de la Sonacos grincent.

Il est vrai que l’option de relance de la filière arachidière et des huileries sénégalaises a fait germer de l’optimisme avec l’avènement en avril 2018 de l’ancien ministre Modou Diagne Fada à la tête de la SONACOS. Soutenue par l’Etat, des fonds importants ( trente milliards de francs cfa à) ont été mobilisés pour les besoins de la commercialisation de la campagne arachidière. Cependant, la complexité des paramètres d’un environnement soumis à la loi du marché et des impondérables difficilement maîtrisables, ont fait que les machines de la SONACOS ont véritablement grincé.

Sur le marché, les paysans, principaux acteurs de la filière, se sont détournés du prix du kilogramme d’arachide au producteur fixé à 210 frs cfa par le CNIA (Conseil national interprofessionnel de l’arachide) . Les producteurs ont tout simplement boudé le marché officiel, au profit du marché parallèle, où ils ont trouvé plus offrants, en particulier, chez les opérateurs chinois qui leur proposent d’acheter leurs graines entre 230 et 3OO frs le kilogramme.

Cette réalité du terrain et du marché a été pour compromettre les objectifs de collecte de l’Etat et de la SONACOS fixés à 150.000 tonnes pour cette saison. Avec la campagne ouverte depuis le 3 décembre dernier, les derniers chiffres sont loin d’être reluisants. En un mois de collecte, les seccos de la SONACOS n’ont engrangé qu’un peu plus de 10.000 tonnes de graines, dépassant légèrement 1% de la quantité estimée. Cependant que les chinois ont eu à exporter vers leur pays près de 30.000 tonnes de graines d’arachide.

Menace sur les travailleurs de la Sonacos

La conséquence de cette situation est que la SONACOS va ainsi se séparer d’une bonne partie de ses employés, en particulier les saisonniers. Des préavis de licenciement ont été octroyés à plus de 1 000 saisonniers répartis au niveau de l’ensemble de ses usines qui devraient être remerciés dit-on, depuis la fin du lois dernier. Ainsi 200 travailleurs de l’usine de Diourbel seront en chômage, 350 à Lyndiane-Kaolack, 500 à Ziguinchor. Cette situation apocalyptique résulte du fait qu’en l’espace d’un mois de campagne arachidière,la Sonacos n’a récolté que 10.000 tonnes de graines au plan national. L’ensemble des graines collectées par les huiliers ayant légèrement dépassé les 26.000 tonnes de graines.

Point de doute. Cette situation alarmante a résulté de la rareté des graines d’arachide sur le marché. Ce qui, selon le Coordonnateur national du syndicat national des corps gras du Sénégal Boubacar Camara, contredit de manière flagrante, ce qu’il a appelé « les élucubrations du ministre de l’Agriculture qui fait état d’une production de plus d’1 million de tonnes d’arachide cette saison ».

Ainsi que l’optimisme qualifié de béat du Directeur Général de la SONACOS Modou Diagne Fada de voir son usine revenir à la normale. Alors que la production réelle selon lui, gravite autour de 600.000 tonnes d’arachide. Comme si pour lui, les autorités de tutelle sont à peine édifiés sur le fait que la seule consommation locale des sénégalais ( pour leurs mafé, bassé, mbakhal, guerté thiaff ) est chiffrée à 600.000 tonnes.

La résultante d’une telle situation est préjudiciable dit-on à la SONACOS qui fait aussi face comme on le sait, aux multiples charges de l’usine (fonctionnement, personnel, entretien, etc ).

L’exemple de la situation présente à Lyndiane – Kaolack est édifiant. Dans la capitale du bassin arachidier, les 347 saisonniers pour renforcer l’équipe de la présente campagne se sont tourné les pouces. Les autres travailleurs recrutés de l’usine qui ont senti le roussi et l’éventualité d’un licenciement, ont pris les devants et ont élevé la voix. Même situation aux usines de Diourbel, de Louga, de Ziguinchor où ils n’ont pas manqué de se faire entendre à travers sit-in, manifestations. Afin que l’Etat procède à l’urgence d’une solution radicale, pour redresser la situation d’une campagne arachidière compromise, mais aussi pour être au chevet d’une SONACOS qui s’essouffle.

Faut-il redynamiser les coopératives ?

La solution qui urge n’est-elle pas ainsi, face à la filière arachidière en crise, de revenir à la formule du système des coopératives installées dans les différents villages ou pôles ruraux où les paysans eux- mêmes auront les coudées franches pour la commercialisation des graines. Ce qui est pour la mise en marge des intermédiaires entre l’Etat, la SONACOS et les producteurs que sont les OPS (Organismes privés stockeurs). Cela est aussi pour rayer le circuit du marché parallèle où les paysans pourront désormais bénéficier des meilleures offres de prix conformes à leurs efforts et coûts de production. Dans ces conditions, ils pourront ainsi vivre décemment des fruits de leur labeur.

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