Commission d’enquête parlementaire : la résolution votée, Amadou Bâ accusé de….
La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le lundi 29 janvier 2024, sous la présidence de Moussa DIAKHATE, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de résolution visant la constitution d’une Commission d’Enquête parlementaire, en vue d’éclaircir les conditions de l’élimination de Karim Meïssa WADE et autres de la liste des candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Ledit projet a été introduit par le député Mamadou Lamine THIAM, pour le Groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement.
Cent vingt députés ont voté pour la résolution actant la mise en place de la commission d’enquête parlementaire. Les travaux de cette commission consisteront à faire la lumière sur des soupçons de collusion, de contusion et de corruption ayant conduit à l’élimination de Karim Wade de l’élection présidentielle du 25 février 2024.
Présentant l’exposé des motifs, notre collègue a indiqué que, par décision n°1/E/2024 du 12 janvier 2024, le Conseil constitutionnel du Sénégal a rendu publique la liste des candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Cette première liste comportait le nom de Karim Meïssa WADE, parmi les personnes dont les candidatures ont été validées, sous réserve de réclamation. Elle comportait également, en son article 2, une liste de soixante-neuf (69) personnes dont les candidatures ont été déclarées irrecevables par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a été irrégulièrement composé
Il dira, en outre, que par décision n°2/E/2024 du 20 janvier 2024, le Conseil a rendu publique une deuxième liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Sur cette liste, le nom de Karim Meïssa WADE, candidat de la Coalition K24, a été retiré dans des conditions douteuses et inadmissibles. En effet, le motif énoncé dans cette décision n’est pas juridiquement fondé et, d’ailleurs, elle fait apparaitre de fortes présomptions de partialité manifeste du fait que le Conseil constitutionnel, dernier rempart en matière électorale, a été irrégulièrement composé.
Les juges Cheikh Tidiane COULIBALY et Cheikh NDIAYE ont des connexions douteuses avec certains candidats et se trouvent manifestement dans une situation de conflits d’intérêts
Selon lui, sur la base d’un faisceau d’indices concordants, il apparait que les juges Cheikh Tidiane COULIBALY et Cheikh NDIAYE ont des connexions douteuses avec certains candidats et se trouvent manifestement dans une situation de conflits d’intérêts. En outre, la décision n°2/E/2024 du 20 janvier 2024 du Conseil constitutionnel, qui a été rendue publique seulement à vingt-deux (22) heures, était déjà annoncée par un organe de presse et un journaliste, en l’occurrence Monsieur Ayoba FAYE, à quatorze (14) heures cinquante-six (56) minutes dans la journée du 20 janvier en ce qui concerne l’élimination de Karim Meïssa WADE et la recevabilité d’autres candidatures.
Pourtant, a-t-il précisé, au moment de la publication de cette information en début d’après-midi du 20 janvier, les juges du Conseil constitutionnel étaient en délibéré jusqu’à vingt-deux (22) heures. Comment le secret du délibéré du Conseil constitutionnel a pu se retrouver sur la place publique, alors que les juges étaient enfermés à huis clos dans leur salle de délibération au siège du Conseil, s’est-il interrogé ?
Par conséquent, ils auraient dû en bon droit se récuser, conformément aux principes d’équité, d’impartialité et de neutralité. Poursuivant son propos, le collègue a annoncé qu’il s’y ajoute que le contrôle du parrainage ayant donné lieu à la décision n°1/E/2024 du 12 janvier 2024 a permis de relever, suite aux différents indices et preuves présentés à l’opinion publique nationale et internationale par une quarantaine de candidats arbitrairement invalidés, des manquements graves, notamment :
– la non-disposition du fichier général des électeurs consolidé de 2023 par la Commission électorale nationale autonome (CENA) ;
900.000 électeurs ayant voté aux dernières élections locales déclarés parrains non identifiés sur le fichier électoral
– la non-fiabilité, voire la non mise à jour du fichier général des électeurs, base de contrôle des parrainages des candidats, au regard du nombre excessif de rejets principalement constitués d’électeurs ‘’primo-votants’’, détenteurs de leurs cartes d’électeurs délivrées en bonne et due forme par le Ministère de l’Intérieur ;
– plus de neuf cent mille (900.000) électeurs ayant voté aux dernières élections locales ont été déclarés parrains non identifiés sur le fichier électoral ;
– neuf (9) candidats ont été éliminés sans que leurs parrainages ne soient contrôlés, la Commission n’ayant pas pu accéder à leurs données ;
– omissions de dizaines de milliers de parrains lors du contrôle, avec des régions entières laissées en rade ;
– refus de permettre aux candidats de corriger les erreurs matérielles, en contradiction avec l’esprit et la lettre de la loi sur les parrainages et l’article
L.126 du Code électoral ;
– parrains enregistrés lors de l’inventaire des pièces déposées qui disparaissent lors du contrôle ;
– défaillances techniques du logiciel de contrôle des parrainages.
D’autres manquements, dira-t-il, ont été également soulevés avec des parrains qui disparaissent, lors du contrôle pour certains candidats, alors qu’ils étaient bel et bien enregistrés lors de l’inventaire des pièces déposées et mentionnées dans le procès-verbal du Greffe du Conseil constitutionnel et le logiciel de contrôle des parrainages qui présente des défaillances techniques sur le déversement et l’intégrité des données. Il en est de même de la non-conformité des renseignements recueillis sur la fiche, avec la base de données de la carte d’identité biométrique CEDEAO qui a entrainé l’invalidation définitive de l’acte de parrainage de plusieurs électeurs.
Dans ce cadre, il a mentionné que le fichier électoral, qui a été utilisé par le Conseil constitutionnel pour le contrôle des parrainages, est un fichier tronqué qui remet substantiellement en cause la validité de ses conclusions. Cette situation est confortée par les erreurs évidentes commises par le logiciel de contrôle mis en œuvre.
C’est pourquoi, il a précisé que la mise en place d’une Commission d’Enquête parlementaire est nécessaire pour faire la lumière sur cette décision, afin d’enquêter particulièrement sur les conflits d’intérêts, les avantages et les soupçons de corruption et collusion de certains membres de cette juridiction avec des candidats en lice.
De son avis, cette situation, au-delà de constituer une entorse grave au processus électoral, est de nature à écorner gravement l’image de notre pays, à mettre en danger la Nation, la démocratie sénégalaise et l’intégrité de l’élection présidentielle, source d’une instabilité politique et institutionnelle graves de nature à compromettre le fonctionnement régulier des institutions de la République et de caractériser une menace grave et immédiate sur nos institutions.
Notre collègue a clos la lecture de l’exposé des motifs en indiquant que :
Considérant le climat social délétère né du processus électoral et engendré, notamment, par les graves et récurrentes irrégularités et suspicions constatées à tous les niveaux du processus électoral.
Relevant les soupçons de partialité corroborés par les décisions, omissions et carences.
Considérant les conflits d’intérêts, les parentés et amitiés entre certains magistrats du Conseil constitutionnel et des membres influents de Benno Bokk Yaakaar.
Considérant la volonté manifeste du Conseil constitutionnel d’écarter tout candidat susceptible d’entraver le projet de confiscation du Pouvoir par Amadou BA, le Premier ministre en fonction.
Considérant l’élimination injustifiée de certains candidats et les défaillances multiples du dispositif institutionnel chargé de conduire et de contrôler le processus électoral.
Considérant les contestations fondées en droit et justifiées par la gestion partiale du processus électoral sur le plan administratif comme judiciaire.
Considérant l’application surprenante et inédite d’une loi par le Conseil constitutionnel sénégalais d’un pays étranger manifestement non applicable au Sénégal au détriment d’un Sénégalais, en l’absence de conflit de lois dans l’espace et d’aucune mise en œuvre d’une quelconque règle de conflit.
Considérant les multiples violations, par l’administration électorale et le Conseil constitutionnel, des droits fondamentaux de citoyens sénégalais, particulièrement celui de participer aux affaires publiques de leur pays et d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques, notamment en concourant à l’élection présidentielle dans la plus grande transparence.
Considérant que certaines personnes dont la candidature a été définitivement validée disposent d’une double nationalité au même titre que certains membres du Conseil constitutionnel.
Rappelant que, dans un Etat démocratique, tout acte susceptible d’entacher le caractère libre et transparent d’une élection doit être immédiatement souligné et corrigé.
Intervenant à leur tour, vos Commissaires ont majoritairement salué cette initiative portée par leurs collègues du Groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement.
Selon eux, les contestations et accusations graves qui ont été faites laissent planer un sentiment de suspicion profond et méritent, en conséquence, d’être élucidées. En effet, il est, notamment, fait état de cas de soupçons de partialité, de corruption, de conflits d’intérêts entre certains magistrats du Conseil constitutionnel et des membres influents de la Coalition Benno Bokk Yaakaar, particulièrement Monsieur Amadou BA, le Premier ministre en fonction.
Il est reproché à ce dernier d’avoir un projet de confiscation du pouvoir en connivence avec les membres de cette juridiction.
À cela viennent s’ajouter les nombreuses irrégularités notées depuis le démarrage du processus électoral et l’élimination jugée injuste de certains candidats à la candidature de la prochaine élection présidentielle, notamment, Karim Meïssa WADE.
À ce niveau, il a été soutenu que l’élimination du candidat Karim Meïssa WADE est révélatrice de cette injustice car au moment de statuer le Conseilconstitutionnel détenait la preuve que Monsieur WADE était exclusivement de nationalité sénégalaise.
Sous le bénéfice de ces considérations, ils ont estimé qu’il s’avère opportun de mettre en place une Commission d’Enquête parlementaire pour faire la lumière sur ces faits et allégations graves de nature à entacher le processus électoral.
Cependant, d’autres Commissaires ont déploré le traitement sélectif et incompréhensible des projets de résolution, en vue de créer des Commissions d’Enquête parlementaire. En effet, celui soumis à leur examen a été déposée la semaine dernière, alors qu’entre décembre 2022 et août 2023, au moins dix (10) projets de résolution ont été déposés et classés sans suite par le Bureau de l’Assemblée nationale. Ils diront que ce refus d’examiner ces requêtes est injustifié et contrevient aux dispositions de l’article 60 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Aussi, des preuves tangibles ont-elles été demandées devant prouver les faits et les accusations graves dirigées contre les personnes visées. Sur cette question, des Commissaires ont informé qu’à ce stade de la procédure, il y a lieu de créer la Commission et de donner l’opportunité à ses membres d’apprécier les preuves qui seraient produites.
Par ailleurs, l’attention de vos Commissaires a été attirée sur les conséquences qui pourraient découler de la mise en place de cette Commission, notamment, la remise en cause de tout le processus électoral tel qu’il a été mené par le Conseil constitutionnel.
Les membres du Conseil sont d’éminents magistrats, hors de tout soupçon, et les accusations dont ils font l’objet sont jugées injustes. C’est ainsi qu’il a été demandé à vos Commissaires de s’opposer à cette initiative qui remet en cause la solidité de nos institutions et le principe de la séparation des pouvoirs.
Sur ce point, certains Commissaires ont tenu à préciser que la répartition des prérogatives entre les trois pouvoirs constitués est faite par la Constitution. Cette Charte fondamentale donne pouvoir à l’Assemblée nationale de constituer des Commissions d’Enquête parlementaire.
Ils ont, à ce propos, rappelé que la Justice, conformément à ses prérogatives, sollicite, au besoin, la levée de l’immunité parlementaire des Députés pour enquêter sur des faits répréhensibles qu’ils auraient commis. Durant la 13ème Législature, plusieurs parlementaires ont vu leur immunité lever, suite à la demande de l’autorité judiciaire compétente.
Par conséquent, cette procédure initiée s’inscrit dans la marche normale d’un Etat de droit et ne constitue point une remise en cause du principe de la séparation des pouvoirs.
En outre, ils ont soutenu que, contrairement au communiqué du bureau exécutif de l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS), les membres du Conseil constitutionnel peuvent être entendus par une Commission d’Enquête parlementaire. Les dispositions de l’article 93 de la Constitution invoquées ne font pas obstacle à leur audition car la Commission d’Enquête ne statue pas en matière pénale, mais a pour mission de faire la lumière sur les actes posés dans le cadre du déroulement du processus électoral.
En réponse aux interpellations des Commissaires, notre collègue Mamadou Lamine THIAM, Président du Groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement, a rappelé le fondement constitutionnel et légal de ce projet de résolution relatif à la création d’une Commission d’Enquête parlementaire. Il dira, à ce propos, que le Groupe parlementaire Liberté, Démocratie et Changement a usé de prérogatives qui lui sont conférées à la fois par la Constitution et le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en son article 48.
Relativement au communiqué de l’UMS, il a tenu à préciser que la Justice est rendue au nom du Peuple et que les parlementaires sont les Représentants du Peuple. Par conséquent, ils sont habilités à exercer librement, et à chaque fois que de besoin, les droits et prérogatives qui leur sont accordés par les textes en vigueur.