CONFLIT EN CASAMANCE : POURQUOI MACKY SALL JOUE « LA CARTE DU POURRISSEMENT »

18 - Juillet - 2020

« L’Etat sénégalais est en position de force, sur le plan militaire et sur le plan politique, face au MFDC. Pourquoi négocierait-il avec un mouvement en voie d’essoufflement ? Le Sénégal joue la carte du pourrissement, en espérant que la rébellion va s’épuiser d’elle-même» , estime Jean-Claude Marut, géographe et spécialiste du conflit casamançais, dans un long reportage que Le Monde a consacré au conflit armé dans le Sud du Sénégal.
« Le Sénégal n’a jamais considéré la situation casamançaise comme un conflit, et encore moins comme une guerre régionale. Pour les autorités, cela reste une crise interne. Encore aujourd’hui, certains officiels n’hésitent pas à dire que les rebelles sont juste des enfants perdus de la nation », confirme Mokhtar Niang, ex-membre de l’ONG Centre pour le dialogue humanitaire.
Des égarés, que les autorités essaient tant bien que mal de réintégrer dans leur giron. « L’objectif est que les combattants du MFDC quittent le maquis pour revenir progressivement à la vie civile », confirme Jean-Claude Marut.
C’est manifestement dans cette optique que l’Etat a multiplié les projets de développement pour désenclaver la Casamance, région autrefois prisée des touristes et relever son économie exsangue. Depuis début 2019, « une centaine de combattants » auraient exprimé leur souhait de déposer les armes, selon Robert Sagna, ancien maire de Ziguinchor et président du Groupe de réflexion pour la paix en Casamance (GRPC), qui intervient en tant que facilitateur dans les négociations.
Si le pourrissement est une stratégie qui a permis une certaine accalmie, il faut dire que l’Etat central n’a pas encore réussi à convaincre beaucoup de combattants du MFDC de tourner définitivement le dos à leur revendication indépendantiste. Du moins selon certains témoignages dans le reportage.
« Si le Sénégal ne veut pas régler notre problème, nous resterons et mourrons ici. Nous ne sortirons jamais du maquis ! », prévient Jacob Diatta, un des combattants de Cassolol . « C’est nous qui avons perdu le plus dans cette guerre, poursuit-il, tout en sortant de sa poche une feuille à rouler et un petit flacon de chanvre indien. Mais ce n’est pas grave. S’ils acceptent de nous rendre la Casamance, nous leur pardonnerons ». « Dieuredieuf [« merci » en wolof] le Sénégal ! Puis c’est tout : on oublie », termine-t-il dans un souffle de fumée, raconte le journal.
Eugène Diédhiou est lui aussi déterminé à poursuivre le combat pour l’indépendance de la Casamance. A 38 ans, il n’a connu sa région natale qu’en état de conflit. D’abord à 13 ans comme réfugié fuyant le village de Youtou jusqu’en Guinée-Bissau, puis comme maquisard, à 18 ans. Aujourd’hui, il jure qu’il n’attend qu’une chose : « Se venger de l’armée », toujours présente aux abords des villages casamançais.
« Les motivations individuelles sont très importantes pour expliquer l’engagement des combattants du MFDC. Beaucoup ont perdu leurs terres, des membres de leur famille ont été tués devant eux, leurs voisins les ont dénoncés à l’armée comme rebelles… », explique Paul Diédhiou, anthropologue à l’université de Ziguinchor.
Cheikh Sidou SYLLA 

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