Coronavirus, Cour des Comptes, turbulences intra-APR: Mimi Touré se parle…

11 - Février - 2020

Dans cet entretien avec «L’As», Aminata Touré aborde en outre les rapports polémiques de la Cour des comptes, mais aussi l’indiscipline tant dans le pays qu’au sein de l’Apr.

Avec cette communication de crise hasardeuse du chef de l’Etat sur le coronavirus, c’est le branle-bas de combat dans l'Apr. Chacun essaye d’expliciter la pensée du boss pour dissiper la polémique sur le non-rapatriement des 13 Sénégalais pris en otage en Chine. Un bon prétexte pour la présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) d'enfiler sa robe d’avocate, mais aussi d'afficher ses ambitions nationales. Dans cet entretien avec «L’As», Aminata Touré aborde en outre les rapports polémiques de la Cour des comptes, mais aussi l’indiscipline tant dans le pays qu’au sein de l’Apr

Le Coronavirus fait des ravages en Chine où 13 de nos compatriotes sont bloqués. Mais le chef de l’Etat a déjà avoué l’impuissance de l’Etat. Doit-on les laisser en Chine?

Je ne partage pas votre appréciation, le président de la République est le Père de la Nation et à ce titre, il se préoccupe quotidiennement de la sécurité et du bien-être de chacun de ses concitoyens. C’est l’essence de son travail, en réalité. Ce serait une représentation inexacte que de dépeindre le Président Macky Sall sous les traits d’un homme insensible. C’est plutôt le contraire, c’est un homme qui a beaucoup d’empathie et de considération pour l’être humain quel que soit son statut social. Il comprend l’angoisse des familles dont les enfants vivent à Wuhan, point de départ de l’épidémie. Ce que j’ai perçu dans les propos du Président, c'est une démarche réaliste pour être efficace dans la prise en charge immédiate de nos compatriotes de Wuhan. Le Président s’est entretenu immédiatement avec les autorités chinoises au plus haut niveau, l’ambassadeur de Chine au Sénégal l’a confirmé, pour que nos citoyens soient pris totalement en compte dans les mesures de protection et de prévention comme tous les Chinois de la ville de Wuhan.

Vous étiez un peu le symbole de la reddition des comptes. La cour des comptes a mis à nu certains cas de mal gouvernance sous Macky Sall. N’êtes vous pas déçue ?

Il faut admettre que la mal-gouvernance a beaucoup reculé au Sénégal depuis 2012. C’est clairement souligné par l’indice Mo Ibrahim dont la crédibilité ne souffre d’aucun doute. Il faut admettre que nous avons encore des progrès à faire car l’objectif de bonne gouvernance est une lutte permanente avec des progrès cumulatifs. C’est le cas même dans les pays développés. La Cour des comptes est une institution importante de notre architecture institutionnelle qui fait un travail important. Avec le Président Macky Sall, elle a connu des progrès importants notamment lorsqu’il a fait voter la loi organique 2012 -23 du 27 décembre 2012 remplaçant la loi 99-70 du 17 février 1999. Cette réforme a créé de nouvelles incriminations de fautes de gestion pour tenir compte des exigences du Code des marchés publics. Il y a eu aussi l’extension du contrôle aux agences d’exécution et aux autorités administratives. Autre innovation de taille, c’est la publicité des audiences de la Cour. Ces exemples sont une illustration de la volonté du Président Macky Sall de renforcer les attributs de la haute juridiction financière qu’est la Cour des Comptes. Sans ces changements, vous n’auriez pas entendu parler de ces rapports, le citoyen lambda non plus.

Que faut-il faire pour ancrer la bonne gouvernance dans nos mœurs politiques?

Ces instruments de promotion de la bonne gouvernance sont importants, il faut que l’argent public aille exclusivement à la résolution des besoins des citoyens. L’OFNAC a été créé par le Président Macky Sall, il faut le rappeler. De toute évidence, il faut sans cesse renforcer la mise en oeuvre de ces mécanismes en s’assurant que les procédures sont systématiquement contradictoires. Je pense, c’est ma réflexion personnelle qui n’engage que moi, qu’il faut renforcer les cellules d’inspection interne des ministères et établissements publics et pourquoi pas décentraliser l'Inspection Générale d’Etat à des fins de contrôle a posteriori et de conseil. L’approche étant surtout de prévenir plutôt que de guérir. Il faut promouvoir une culture de reddition des comptes comme un acte de gestion normal et ne pas y voir une raison subjective, politique ou autre. C’est ce que les milliers de groupements de femmes font avec le contrôle régulier des tontines. Le Président a demandé l’application intégrale des recommandations des rapports de la Cour des Comptes. Que chacun exerce par conséquent ses responsabilités !

Le rapport de l’Ofnac sur la gestion du Coud fait beaucoup de bruit. quel commentaire cela vous inspire-t-il ?

Il y a un rapport de l’OFNAC et une contestation de l’ancien directeur général qui compte porter plainte. On en saura plus à la fin de ce processus.

Vous venez de boucler l'année au Conseil économique Social et Environnemental. quelle lecture faites-vous des 7 mois passés à la tête du Cese?

Tout d'abord, il faut comprendre que le Conseil Économique, Social et Environnemental est une institution consultative, c’est-à-dire d'analyse et d'aide à la décision des pouvoirs publics. C'est un haut lieu d'observation des politiques publiques mais aussi de médiation et de partage pour améliorer les niveaux de perception de nos populations. Le CESE est une institution représentative de notre pays, de ses classes sociales et de ses différentes catégories socioprofessionnelles. Quasiment tous les corps de métiers et toutes les forces vives et organisées de notre pays sont représentés dans le Conseil. Il est tout à fait normal que tous les débats qui s’y déroulent soient le reflet des préoccupations de nos citoyens. Lors de nos sessions, les regards croisés des ministères, acteurs socio-professionnels, organisations de femmes et de jeunes, société civile et personnes religieuses nous permettent de produire des rapports que nous envoyons au président de la République et qui épousent les préoccupations de ces différents acteurs et des recommandations spécifiques. Conformément à la vision du président de la République. Le Conseil restera encore plus attentif aux préoccupations et suggestions des acteurs et forces vives de la Nation afin d’être efficace dans sa mission consultative.

Vous avez aussi abordé les questions de civisme et de citoyenneté. Pourquoi un tel choix ?

L'indiscipline et les comportements déviants, en lien avec l'incivilité, ont aujourd'hui atteint des proportions inquiétantes dans notre pays. Ils ont atteint un seuil tel que personne ne peut feindre de les ignorer. La majeure partie de nos concitoyens sont aujourd'hui révoltés par ces traits caractéristiques d'une anomie sociale que les sociologues connaissent très bien. Or tout le monde sait que sans la discipline, il n'est point de salut, il est difficile d’émerger. C’est même une condition sine qua non. Ce constat nous a conduit à consacrer notre dernière session au civisme et à la citoyenneté en apportant des innovations pour recueillir le maximum de données possibles dans le cadre d'une démarche inclusive. Nous avons ouvert l'institution aux experts et aux porteurs de discours constructifs sur la question dans le domaine de l'environnement, de l'assainissement, de la gestion des ordures ménagères, de la pollution. Même des acteurs de l'école ont été invités à se prononcer sur la question, sous l'angle de l'enseignement et de l'éducation civique qui tend à disparaître. Parallèlement au débat que nous soulevons au sein du Conseil, nous sommes dans l'action. Dans les prochains mois, nous organiserons des activités d'information, de sensibilisation et de plaidoyer pour promouvoir et mieux accompagner les actions citoyennes à la base en rapport avec les objectifs du Président Macky Sall.

L'institution commence à avoir beaucoup plus de visibilité. quel est le secret ? Est-ce une question de démarche, de style personnel ou de volonté de mieux faire face aux défis ?

D'abord, je tiens à remercier l'ensemble des conseillers pour leur implication et leur engagement. Ils ont pris la juste mesure des défis et du challenge dans un contexte d'accélération du rythme de gouvernance et d'impérieuse nécessité d'efficacité dans la conduite des politiques publiques car nos citoyens jeunes qui constituent 70% de la population sont impatients de nature. Comme institution consultative, nous devons aussi accompagner l’Etat dans la recherche de solutions et le partage des informations stratégiques avec les citoyens.

Vous avez été ministre de la Justice, Premier ministre et aujourd'hui Présidente du Cese. En terme d'expériences, c'est un cumul intéressant. Est-ce que votre regard sur le pays a changé ?

Bien évidemment ! On s’enrichit toujours de ses expériences, de ses succès et de ses échecs. Le Sénégal a beaucoup changé en 7 ans. J’avais fait la campagne de 2012 avec le candidat Macky Sall, j’ai eu la chance de refaire le même tour du pays avec le Président Macky Sall pendant la campagne de 2019. Il y a eu de nombreuses réalisations tangibles en termes d’infrastructures et d’accès aux services sociaux de base. En terme de développement économique, nous avons fait des progrès importants. Bien évidemment, il reste encore beaucoup à faire et j’ai le sentiment que c’est là que nous attendent les Sénégalais. Je considère qu’il y a un décalage entre les préoccupations de la classe politique dans son ensemble et ce que j’appellerais le Sénégal réel, c’est-à-dire l’écrasante majorité qui s’intéresse peu ou prou à la politique, mais plutôt aux questions qui déterminent leur vie présente et future et celle de leur famille, l’emploi, la santé, l’école, le logement, le coût de la vie, en somme le mieux-être. C’est pourquoi certains politiciens sont souvent surpris par leur score rachitique lorsqu’ils vont aux élections. J’ai eu la chance de vivre dans d’autres pays africains, en France et aux USA et je peux dire que nous avons des qualités rares de tolérance, d’intelligence collective, de solidarité, de savoir faire et d’ouverture vers l’autre. Il nous faut maximiser ces atouts et les transformer en capital pour le développement. Il est impérieux que nos jeunes soient aux avant postes pour la transformation de nos prédispositions en véritables atouts pour l’émergence de notre pays. C’est pourquoi il ne faut pas laisser nos défauts mignons comme l’indiscipline, le laisser aller, le non-respect de la chose publique prendre le dessus.

On vous voit aussi beaucoup bouger. vous vous positionnez dans les grands débats de portée nationale. quel est le moteur de votre engagement ?

Tout engagement est sous-tendu par des convictions. Je milite depuis que je suis élève pour la Justice sociale. Chemin faisant, je suis passée par quelques chapelles politiques mais le but reste le même : participer à faire avancer notre pays, notre continent, nos populations. J’invite toujours les intellectuels que je rencontre mais aussi les jeunes et les femmes à s’engager pour leurs pays, leur ville, leur quartier car la transformation que nous souhaitons pour l’Afrique, personne ne viendra d’ailleurs le faire à notre place. Je suis aussi convaincue que nous pouvons développer notre pays, notre continent en mode accéléré si nous arrivons à mobiliser dans ce sens toutes les forces vives de notre pays. Je suis aussi une partisane qui s’assume, je défends mon camp et le président de la République qui a fait du bon travail dans un contexte pas facile, y compris notre contexte socioculturel que je viens d’évoquer.

Enfin parlons de votre parti traversé souvent par des crises cycliques d’indiscipline. qu’est-ce qui peut l’expliquer ? Cela justifie-t-il l’exclusion des ténors à l’image de Moustapha Diakhaté ?

L’APR est n’est pas un parti classique, il est né dans des conditions particulières. La parole y est très libre, beaucoup plus que ce que j’ai connu dans les partis auxquels j’ai appartenu. L’APR a néanmoins une qualité exceptionnelle que lui envient tous les partis du Sénégal : il a gagné toutes les élections depuis 2012. C’est ce qu’il faut retenir. C’est vrai que nos scènes de ménage publiques sont agaçantes et nous devons davantage laver notre linge sale en privé. On va tâcher de faire des progrès (sourire). Mais il y a des limites à ne pas franchir.

L'AS

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