Deal Macky-Idy: Révélations sur le «Protocole» de Paris

20 - Janvier - 2021

​On commence à y voir dans le retour d’Idrissa Seck et de son parti dans la majorité présidentielle. Comme beaucoup de gens l’avaient soupçonné, il y a bien eu des tractations qui ont eu pour résultat de pousser Idrissa Seck à quitter le terrain aride de l’opposition pour rejoindre les prairies abondantes du pouvoir. Tout le monde s’était interrogé sur les conditions qui ont présidé au départ du leader de Rewmi de l’opposition. Une chose est sûre : pendant que le Dialogue politique se déroulait et que les représentants de Rewmi y participaient au titre de l’opposition, leur leader, lui, entretenait un autre « dialogue » avec Macky Sall.

L’essentiel des tractations s’est déroulée en France avec la bénédiction d’un grand marabout mouride très influent et proche du khalife général Serigne Mountakha Mbacké. Ce marabout mouride a joué un rôle essentiel pour que le rapprochement entre Idy et Macky soit effectif. En un mot, le « Protocole de Paris », qui précise l’entrée de Rewmi dans le Gouvernement et au moins une autre institution, ainsi que les conditions de succession en 2024, a bel et bien été paraphé à Paris loin des yeux indiscrets et des supputations des populations sénégalaises.

C’est pourquoi, au sein de Rewmi, le mot d’ordre est de ne se prononcer ni pour, ni contre un 3e mandat du Président Macky Sall. Car, dire oui c’est éloigner Idrissa Seck du palais en 2024, et dire non c’est mettre du sable dans les rouages des relations entre « Mbourou ak Sow » surtout que « Mbourou » veut encore plus de « Sow » en 2024. Mais pour que le leader de Rewmi accepte de quitter à ses risques et périls l’opposition où il était considéré comme le chef devant bénéficier d’un statut et d’un pactole, il a posé des conditions sous formes de garanties de premier ordre.

Idrissa savait qu’en rejoignant le président Sall, il s’exposerait à des risques de fractures au sein de son parti et à des départs de militants et de responsables. Et surtout, surtout, à des railleries voire des insultes. Ce qui a été le cas puisque les internautes ont exécuté l’homme fort de Thiès dans les Réseaux sociaux. Ce, même si certains partisans ou sympathisants d’Idy ont essayé de parer les flèches décochées de partout.

Certains cadres ont préféré quitter le navire plutôt que de cautionner un « deal » politicien concocté dans leur dos. Le coordonnateur communal de Rewmi de Diamniadio, Adama Mohamed Mbaye, a démissionné du parti. A Thiès, plusieurs militants de Rewmi ont tourné le dos à leur mentor. Des responsables de Rewmi France ont rendu publique leur démission.

Si Idrissa Seck a pris le risque de compromettre son parti en s’alliant avec le président Macky Sall, s’il a publiquement nié avoir dit, malgré la VAR, qu’il n’a jamais déclaré que son destin ne serait plus subordonné à un décret présidentiel, c’est parce que pour lui, cet entrisme laissait entrevoir une possibilité de succession à la tête de l’Etat. Par conséquent, pour lui, le jeu en vaut la chandelle.

Principale condition de l’entrisme…
En effet, la principale condition de l’entrisme du Rewmiste en chef repose sur la succession de Macky en 2024. Autrement dit, et de manière claire, en 2024, le candidat de Bennoo Bokk Yaakaar, ce sera Idrissa Seck, selon les engagements pris sur les bords de la Seine. Si Macky a accepté de faire de Idy son dauphin caché, c’est parce qu’il n’est pas encore sûr de prétendre à un 3e mandat et qu’il pense que dans son parti il ne se dégage pas un profil qui puisse lui succéder sans danger de perdre la présidentielle.

Etant dans un dilemme cornélien, il a jeté son dévolu sur « Idy » même si un éventuel coup de Jarnac n’est pas à exclure d’ici la prochaine présidentielle. Mais pour donner des gages de bonne foi à ce nouvel engagement présidentiel, Idrissa lui aurait exigé de se débarrasser de tous ses ministres ou chefs d’institution qui auraient des prétentions — ou à qui l’on en prête — pour 2024. Une exigence qui arrangeait bien le Président qui ne veut justement pas parler de succession au sein de son parti, l’APR. C’est ainsi que, d’une seule signature, Macky Sall s’est débarrassé des ministres Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba, Makhtar Cissé et de la présidente du CESE Aminata Touré.
A tort ou à raison, ils sont mis sur la shortlist des politiques qui veulent être dans les starting-blocks en 2024.

Pourtant au plan des résultats, ces ministres, sacrifiés sur l’autel des intérêts politiques des uns et des autres, sont dans le peloton de tête. Abdoulaye Daouda Diallo devait compléter cette liste des condamnés à mort, mais ce dernier est un volcan qui dort sous un bloc de glace d’iceberg.

Les premières fissures du deal
Macky a respecté le premier point des engagements pris dans le « Protocole de Paris ». Le 2e point aussi a été respecté avec l’octroi de deux postes ministériels même si Idy en réclamait plus. Toutefois, celui relatif aux postes de directions, présidences de conseils d’administration ou de conseils de surveillance n’a pas été scrupuleusement respecté. Pour dire le moins !

Selon nos sources, le Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) devait revenir à Rewmi tout comme l’Agence nationale de la Petite enfance et de la Case des Tout-petits (ANPECTP). A l’arrivée, Idy s’est rendu compte qu’il a été feinté. Le cadre rewmiste pressenti pour diriger le Coud était dans tous ses états quand il a appris que cette société juteuse et permettant de caser énormément de militants lui a filé entre les doigts. Aujourd’hui, il a pris des distances avec Rewmi (s’il n’a pas démissionné sans fracas) et est retourné à sa banque où il est directeur de zone.

Maïmouna Cissokho a été nommée, le 18 novembre lors du Conseil des ministres, directrice générale l’ANPECTP alors que ledit poste devait être confié à une responsable de Rewmi très active dans les débats médiatiques. C’est dire que les lignes de fissures entre « Mbourou ak Soow » sont réelles même si, du côté de Rewmi, on joue le jeu pour comprimer les frustrations et les déceptions et mettre les colères sous le boisseau.

Ces premiers actes de « trahison » ne contribuent évidemment pas à rassurer les proches du leader de Rewmi quant au respect de la dévolution du pouvoir en 2024. A les en croire, Macky veut s’appuyer sur le prétexte d’une future et certaine objection de son parti et d’autres composantes de Bennoo pour ne pas tenir l’engagement pris avec le leader de Rewmi. La venue très prochaine d’autres forces dans la mouvance présidentielle risque de bouleverser le plan d’Idy.

En effet, le retour d’exil de Karim Wade est très probable si les conditions posées par Macky sont acceptées par son père Abdoulaye Wade. Le refus des députés du Pds d’attaquer au niveau du Conseil constitutionnel la loi 69-29 du 29 avril 1969 modifiée constitue un des signes de ce rapprochement PDS/Macky. Toutes choses qui nous font dire que la confrontation entre Idy et Macky n’est qu’une question de temps. En effet, comme disait Talleyrand à propos de la guerre, « en politique, la trahison n’est qu’une question de temps ». Et pour paraphraser Idy, c’est au moment de céder le pouvoir-butin à l’approche de 2024 que le vrai visage des grands leaders-dealers se dévoilera. 

Le Témoin

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