DEMOCRATIE : MACKY SALL ME DEÇOIT !

23 - Janvier - 2021

Boubacar Sèye, président de l’ONG Horizon Sans Frontière (HSF), a été cueilli à l’aéroport Blaise Diagne dans la nuit de jeudi à vendredi 15 janvier dernier, avant d’être placé, mardi 19 janvier, sous mandat de dépôt pour "diffusion de fausses nouvelles". Son seul tort est d’avoir réclamé, sur tous les toits, des comptes à l’Etat dans la gestion des énormes fonds que l’Union européenne a injectés au Sénégal dans la lutte contre l’émigration clandestine. Comme si cette inacceptable entorse à la sacro-sainte démocratie ne suffisait pas, Samba Tall, président du Conseil Communal de la Jeunesse (CCJ) de Podor, a été arrêté (avant d’être libéré), coupable aux yeux de ses bourreaux d’avoir publié un post sur Facebook dans lequel il dénonçait les ravages de la corruption à Podor. Bien avant, d’autres Sénégalais ont été victimes de l’arbitraire. C’est le cas de Karim Wade, il avait été injustement condamné en mars 2015, à six ans de prison ferme et à plus de 138 milliards de FCFA d'amende par la Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite (CREI), une juridiction d’exception réactivée pour l’exclure du jeu politique. Est-il aussi nécessaire de rappeler l’inexplicable « fast tract » dans la procédure judiciaire de l’affaire Khalifa Sall. Charismatique et populaire maire de la capitale, le président Macky Sall ne voulait visiblement pas l’affronter à la présidentielle de février 2019. Le pouvoir  a alors eu la fertile imagination de monter l’affaire de la « caisse d’avance » de la mairie de Dakar et instrumentalise la justice, comme dans le dossier Karim Wade. Il sera condamné à cinq ans de prison ferme et à une amende de 5 millions de francs CFA pour « faux et usage de faux » et « escroquerie portant sur des fonds publics ». Que dire de l’incarcération de Adama Gaye (il a ensuite été libéré), une figure du journalisme international dont le Sénégal devrait s’enorgueillir ? Une honteuse humiliation pour le réduire au silence ! Manifestement, l’objectif n’est pas atteint. Bref, des exemples qui illustrent la régression démocratique au Sénégal, sous le magistère de Macky Sall, sont nombreux.
La volonté des tenants du pouvoir d’intimider, de terroriser et de bâillonner les acteurs de la société civile qui refusent de s’aligner et ceux de l’opposition dite radicale est manifeste ! Mais surtout inacceptable pour un pays qui se targue d’être une vitrine de la démocratie en Afrique ! Macky Sall et ses courtisans ignorent-ils que l’institutionnalisation d’un Etat policier finit inexorablement (tôt ou tard) par mobiliser les opprimés, mais surtout par les convaincre de choisir la violence pour reconquérir leur liberté. C’est la raison pour laquelle cette déconstruction froide et méticuleuse des fondements de notre démocratie est inquiétante.
S'agissant de la judiciarisation de l’affaire de Boubacar Sèye, il faut marteler qu’elle est inutile, inappropriée, contreproductive…En effet, dans ce contexte marqué par une crise sanitaire qui endeuille quotidiennement le Sénégal, le bon sens voudrait que les tenants du pouvoir concentrent leur énergie sur la lutte contre l’envahisseur. A-t-on besoin de sortir de la meilleure école de guerre du monde pour savoir que, face à un ennemi redoutable, la pire des stratégies est d’ouvrir plusieurs autres fronts ? Profitant de la survenue du coronavirus, le président Macky Sall a pris l’heureuse initiative de porter le plaidoyer pour l’annulation de la dette des pays africains éprouvés par la maladie. En arrêtant le patron de HSF, dont le seul tort est d’avoir demandé à l’Etat d’édifier les Sénégalais sur le sort réservé aux fonds que l’Union européenne a injectés dans la lutte contre l’émigration clandestine, les tenants du pouvoir semblent ignorer qu’ils sont en train envoyer des signaux peu rassurants à leurs partenaires financiers ? Faut-il rappeler qu’en Occident, c’est un euphémisme, les gouvernants peinent à convaincre leurs opinions publiques respectives de la nécessité d’annuler la dette des pays pauvres, à cause, principalement, de la corruption présumée de nos élites politiques. En optant donc pour l’intimidation en lieu et place de la transparence pour répondre à dans la demande formulée par Babacar Sèye, les tenants du pouvoir ne sont-ils pas en train de donner du grain à moudre aux Occidentaux qui disent niet à l’annulation de la dette ?
En tout cas s’il  réussit relativement à tirer son épingle du jeu dans la conduite de beaucoup de domaines, le président Macky Sall me déçoit  sur le terrain de la démocratie !
Cheikh Sidou SYLLA

 

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

19 - Août - 2024

Doudou KA clarifie sa position après son départ de l'APR : «Je ne convoite aucune alliance politique ni charge publique»

Dans un communiqué publié en ligne, Doudou KA, ancien ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération, a souhaité clarifier les rumeurs persistantes...

16 - Août - 2024

Intégration : Dakar, Banjul et Bissau veulent promouvoir de nouveaux mécanismes de coopération

Les autorités sénégalaises, gambiennes et bissau-guinéennes travaillent à la mise en œuvre de mécanismes pragmatiques de gestion des interactions...

16 - Août - 2024

Réactualisation de son règlement intérieur : l’Assemblée nationale entame le dernier virage

La réactualisation du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale exigée par le Premier ministre Ousmane Sonko pour faire sa Déclaration de...

14 - Août - 2024

Le Président Bassirou Diomaye a dissous la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT)

Le Président Bassirou Diomaye Faye a décidé de dissoudre la Commission Nationale du Dialogue des Territoires (CNDT). Selon la RFM, Bénoit Sambou, président de la...

13 - Août - 2024

LA PROPOSITION DE LOI MODIFIANT LE REGLEMENT INTERIEUR DE L’ASSEMBLEE NATIONALE EXAMINEE EN COMMISSION, MERCREDI

La proposition de loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée nationale va être examinée mercredi par la commission des lois de...