DIALOGUE NATIONAL: LE JEU TROUBLE DE MACKY

12 - Mars - 2020

Même si certains acteurs au dialogue politique préfèrent parler de «questions différées» pour éviter d’admettre l’absence de consensus sur les grandes questions liées à la gouvernance et à l’approfondissement de la démocratie, il reste constant qu’ils ne parviennent toujours pas à s’accorder sur bien des sujets devant contribuer pourtant à la consolidation de la démocratie sénégalaise. Il en est ainsi du bulletin unique, de la caution pour les prochaines élections, du parrainage, de l’article 80 de l’arrêté Ousmane Ngom, ou encore du cumul de fonctions de chef de parti et de président de la République, etc. La démarche des plénipotentiaires de la majorité, prompts à opposer leur véto sur les questions à forts enjeux, contraste d’avec la volonté affichée du président Macky Sall. A moins, que ce soit du saupoudrage savamment orchestré encore pour endormir les membres de l’opposition voire de la société civile.

Dans l’euphorie de sa réélection à plus de 58%, le président de la République, Macky Sall a promis un dialogue national «sans exclusive», lors de sa prestation de serment, le 2 avril dernier. Mieux, au lancement dudit dialogue, le 28 mai dernier, le chef de l’Etat qui dit avoir «toujours pensé que la démocratie ne saurait ou ne devrait être réduite à la confrontation permanente entre pouvoir et opposition, entre majorité et minorité», a appelé «à la bonne volonté de toutes les composantes de notre nation pour bâtir ensemble une gouvernance concertée».

Cette forte aspiration de l’initiateur du dialogue national, contraste pourtant d’avec les positions, parfois figées, de ses représentants aux dites concertations. A part leur convergence de points de vue avec l’opposition, sur le mode d’élection des adjoints des maires et des présidents de conseils départementaux au suffrage indirect, les plénipotentiaires de la majorité présidentielle opposent leur véto sur quasiment tous les sujets liés à la gouvernance et à l’approfondissement de la démocratie.

LA MAJORITE PROMPT A OPPOSER SON VETO

En effet, sur beaucoup de questions susceptibles de faire avancer la démocratie au Sénégal, notamment le bulletin unique, la caution pour les prochaines élections, le parrainage, l’article 80, l’arrêté Ousmane Ngom, ou encore le cumul de fonctions de chef de parti et de président de la République, sans oublier la liberté de candidature, les mandataires du camp au pouvoir rejettent toutes les propositions qui sont faites par les deux autres pôles, y compris même la société civile. Cela, même si par moment, ils disent être ouvert à certaines propositions, sans pour autant tomber d’accord. Il en est ainsi du statu quo noté, seulement avant-hier, sur les autorités en charge de l’organisation et de la gestion des élections et des médias «publics». Que dire du statut de l’opposition et de son chef, des modalités et normes de création et de fonctionnement des partis politiques, ou encore du financement des partis, tous différés à une date ultérieure.

DES ACQUIS TRES TIMIDES

Par conséquent, durant huit (8) longs mois, les acteurs au dialogue ne peuvent aucunement présenter un bilan satisfaisant. Les grands consensus obtenus peuvent se résumer autour du report des élections locales, l’audit du fichier électoral et l’évaluation du processus, l’élection des maires au suffrage universel direct, ou encore le règlement intérieur pour accorder à l’opposition certains postes au niveau des commissions dans les maires, entre autres.

Au vu de tout le temps consacré à ce dialogue mis en corrélation avec les quelques acquis en termes de consensus, cette position des plénipotentiaires du régime actuel laisse perplexe plus d’un, tout en ouvrant la porte à deux hypothèses. Tout d’abord, si le président n’est pas candidat en 2024, ceux qui savent qu’il ne se représentera pas et qui travaillent à le succéder vont essayer de garder le maximum des acquis. Ces derniers voudraient bénéficier des méthodes qui ont marché avec l’actuel chef de l’Etat.

LES CALCULS POLITICIENS

Ensuite, le président peut être intéressé par gagner du temps pour l’organisation des élections locales. En effet, s’il estime que procéder, dès à présent, à un arbitrage pourrait pousser les frustrés dans le camp de ses adversaires, et ainsi se tirer une balle au pied, il réfléchira à deux fois avant d’organiser ces élections. Surtout quand il est animé par la volonté de briguer un 3ème mandat.

De toutes les façons, il nous revient que le 3 avril, lors de son discours à la Nation, il sera obligé de bien montrer une partie de son jeu. En réalité, il doit donner corps à son idée de gouvernement d’ouverture. Ce qui rend la chose plus intéressante, dans la mesure où ceux de l’opposition qui seront intéressés par cette question le rejoindront. Cela risque de donner un coup d’arrêt au dialogue politique, d’autant plus que ceux qui sont dans l’opposition pure et dure n’accepteront probablement plus de siéger dans le même cadre que des gens qui vont dans le gouvernement.

Sud quotidien

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