Guinée: Alpha Condé riduculisé et humilié par son peuple
Alpha Condé s'est fait ridiculisé et humilié par son peuple ce dimanche. C'est du moins ce que l'on puisse dire vues toutes les péripéties du double scrutin, organisé le dimanche en Guinée. Une journée qui restera une date mémorable dans l'histoire récente de la Guinée. Il s'agissait pour les Guinéens de choisir les députés qui vont siéger à l'Assemblée nationale pour les cinq prochaines années et de dire oui ou non pour sa fameuse Constitution qu'il veut faire adopter pour s'octroyer un troisième mandat. Mais à la place d'un scrutin, on a assisté plutôt à une désobéissance civile quasi-générale dans l'ensemble du pays. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), constituée de la société civile et les partis de l'opposition significative, qui avait appelé pour le boycott de ce processus électoral, a mis à exécution sa menace d'empêcher la tenue de cette mascarade dont le principal objectif est de permettre à Alpha Condé d'avoir un troisième mandat. Le déploiement de ses militants dans l'ensemble du pays a empêché de tenir le vote dans plus de 80% des localités. Le scrutin a été marqué par des affrontements dans tous les coins du pays et ces violences se sont soldées par un bilan de 7 morts par balles réelles, tirées par les forces de l'ordre pour la seule journée de dimanche. À titre d'exemple, quand Alpha Condé votait à Kaloum, au centre ville de Conakry, qui est l'un des très rares lieux où le vote a eu lieu, la banlieue de la ville était en feu, les manifestants du FNDC mettaient systématiquement le feu dans tous les centres de vote pour brûler le matériel électoral et dissuader les quelques rares électeurs qui voulaient voter. Ils ont, dés les premières heures de la matinée, dressé des barricades et brûlé des pneus sur tous les grands axes routiers, mettant la capitale dans un chaos total. Dans cette situation confuse, l'armée a été déployée sur la route ''Le Prince'', l'une des plus grandes avenues de Conakry et des coups de feu étaient tirés dans tous les sens. Mais cela n'a pu calmer l'ardeur des manifestants qui ont empêché la tenue du scrutin dans le quartier de Koloma voisin, par exemple, où seuls deux bureaux ont ouvert sur la quarantaine qui était prévue. Selon la presse internationale, les membres des forces de l'ordre étaient plus nombreux que les électeurs dans tous les bureaux de vote de la capitale, preuve qu'il n'y a pas eu véritablement d'élections. Et au niveau des communes de Dixin et Matoto, des jeunes se sont emparé tout bonnement des urnes bourrées en catimini pour les saccager.
Pendant ce temps, les heurts et troubles étaient plus perceptibles encore à l'intérieur du pays et notamment en Moyenne Guinée, dans la région de Boké à l'ouest et à Nzérékoré en Guinée forestière. L'on signale que dans cette dernière région citée, il y a eu une situation très particulière avec des bureaux de vote saccagés, des véhicules calcinés et cela même dans l'enceinte de l'université de la ville qui était ultra-sécurisée. À cela s'ajoute d'autres agitations non moins violentes dans les quartiers de la capitale forestière et dans d'autres circonscriptions de la région où des jeunes déterminés à empêcher ce scrutin sillonnaient pour détruire le matériel électoral et chasser à coups de gourdins et de bâtons les quelques rares électeurs, présents sur les lieux. Les troubles se sont poursuivis ce lundi et ont pris une autre tournure. Des responsables du pouvoir qui n'arrivent toujours pas à digérer leur revers opposent les communautés locales. L'une des grandes églises de la ville et plusieurs mosquées ont été incendiées et on attribue ces incendies aux gens du pouvoir. Des renforts de soldats sont venus de plusieurs localités du pays pour mâter la population. Dans la seule journée de ce lundi, il y a eu quatre civils tués par balles et les corps de deux entre eux ont été calcinés. On a assisté aux mêmes scènes d'agitations à Kolaboui, dans la région de Boké où des groupes de jeunes ont attaqué et incendié presque tous les bureaux de vote. Même situation dans le nord du pays à Koundara et à Saré Boydho où les militants du FNDC ont saccagé tout le matériel électoral avant de chasser les présidents de bureau de vote. D'après une source sur place, c'était le sauve-qui-peut dans cette partie du pays. Tandis qu'à Télémilé, les membres des bureaux de vote ont été molestés avant d'être chassés dans la confusion et à Pita, les populations ont décrété une journée ville morte pour s'opposer à la tenue d'élections dans leur localité. Quant à Mamou, appelée la ville Carrefour, les jeunes ont attendu que le vote se déroule avant de faire irruption dans les bureaux de vote au moment du dépouillement pour s'emparer des urnes et les brûler. La détermination des forces de l'ordre qui y étaient déployées en grand nombre pour permettre aux militants de Bantama Sow, le contesté ministre des Sports, originaire de la région, de voter, n'ont fait que constater les dégâts. Seule en Haute Guinée, fief du pouvoir où il y a eu un vote relativement calme. Mais là aussi, beaucoup de bureaux de vote ont cessé de fonctionner dés la mi-journée. Et pour cause, la plupart des habitants de cette région ont préféré s'abstenir de voter et certains présidents de bureau de vote sentant que le pouvoir n'était pas dans les dispositions d'honorer sa promesse de les désintéresser par de grosses sommes d'argent ont tout simplement démissionné en plein scrutin.
L'on annonce qu'en plus des nombreux morts et blessés par balles, il y a eu de nombreuses arrestations notamment à Conakry à Kindia, à Labé et à Nzérékoré qui comptent le plus grand nombre de garnisons dans le pays. Aujourd'hui, on parle d'une dizaine de morts et des centaines de blessés entre dimanche et lundi.
Mais au vu de tout ce qui s'est passé le dimanche, c'est le peuple guinéen qui a gagné en montrant qu'il ne veut plus de ce régime qui n'a créé que des malheurs en Guinée depuis 2011. Alpha Condé doit être très abattu et se sentir humilié aujourd'hui, lui qui croyait qu'en ayant avec lui les forces de l'ordre, que son coup d'état constitutionnel allait passait comme lettre à la poste, mais le FNDC lui a montré qu'il avait avec lui la grande force du pays, à savoir le peuple. Aujourd'hui, le seul salut de Alpha se trouve dans la reprise de ce processus électoral en abandonnant son projet de changement de constitution, conformément à l'exigence du peuple, et permettre une alternance à la tête du pays. S'il est conséquent, il devrait même ornaiser une présidentielle anticipée et céder le pouvoir pour restaurer la paix et la quiétude en Guinée. Il doit autant songer à cette option que toute la communauté internationale l'a lâché à cause de son entêtement de vouloir coûte que coûte organiser ces élections non seulement avec un fichier taillé sur mesure, mais en excluant l'opposition significative du processus. Il avait oublié, sans doute, qu'on n'était plus dans les années 60 du temps de la dictature de Sékou Touré où on imposait tout au peuple de Guinée.
Mamadou Alpha Diallo (infos15.com)