Indépendance de l’administration électorale, état de la démocratie : Maurice Soudieck Dione étale ses craintes

26 - Décembre - 2023

Maurice Soudieck Dione, Professeur agrégé en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, est formel. La décision de la Direction générale des élections (DGE) qui a refusé, une nouvelle fois, d’exécuter la décision du juge du tribunal hors classe de Dakar favorable à Ousmane Sonko est une énième défiance qui dévoile les failles d’une administration électorale aux ordres du pouvoir en place. Invité de l’émission Objection de Sud Fm, dimanche 34 décembre, il a posé son regard crique sur l’indépendance des organes en charge de l’organisation et du contrôle des élections. Non sans manquer de s’inquiéter de l’avenir de la démocratie sénégalaise.

Invité de l’émission « Objection » sur Sud Fm avant-hier, dimanche 24 décembre, le Professeur Maurice Soudieck Dione, agrégé en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, n’a pas manqué de lister les dysfonctionnements qui compromettent l’indépendance des organes chargés de l’organisation et du contrôle des élections. « Les organes de régulation en réalité, ce sont des autorités administratives indépendantes. C’est-à-dire une catégorie sui generis qui est un peu sortie des dispositifs hiérarchiques de l’administration classique comme la CENA et le CNRA. Elles devraient avoir une autorité, une indépendance qui devrait leur permettre de réguler efficacement les secteurs à eux confiés. Malheureusement, on se rend compte qu’il y a des tentatives de contrôle du pouvoir en place qui posent naturellement problème », analyse-t-il d’emblée. S’agissant spécifiquement de la CENA, le premier obstacle, à en croire le Pr Dione, c’est que « son budget est rattaché au ministère de l’Intérieur qu’elle est censée contrôler ». Ce qui pose « un problème », estime-t-il. Les garanties d’indépendance au sein de cette commission autonome sont dévoyées par les conditions de nomination de ses membres et leur mandat. « On laisse des retraités en place -dont le mandat est arrivé à échéance, on les maintient illégalement. Comment voulez-vous qu’ils soient indépendants ? Ce sont des manœuvres et manipulations politiciennes qui remettent en cause l’autorité et l’efficacité des organes de régulation », a relevé Maurice Soudieck Dione. Quid de la DGE ? Le Professeur Dione a tenu à faire remarquer que son rôle n’est pas de fausser l’expression de la souveraineté populaire en favorisant le rejet des listes de l’opposition. Tout en évoquant dans la foulée les difficultés au sein de cette administration et tout en soulignant la création de l’Onel en 2005 pour résoudre une connivence problématique entre l’administration et le parti au pouvoir, Maurice Soudieck Dione a tenu à exprimer son incompréhension face aux efforts déployés par l’administration pour faire rejeter des candidatures, y compris en se pourvoyant en cassation.

L’avenir incertain de la démocratie sénégalaise a été aussi au centre de la réflexion du Pr Dione. Pour lui, le modèle démocratique sénégalais semble traverser des moments difficiles sous la présidence de Macky Sall. Aussi a-t-il pointé du doigt le recul des libertés individuelles, sacrifiées sur l’autel d’un développement économique à marche forcée. Qui plus est, selon lui, le parrainage citoyen pour filtrer les candidatures à la présidentielle est décrié, tant dans son principe que dans ses modalités actuelles. Le politologue s’est inquiété également de la primauté du politique sur le juridique, illustrée par les récentes décisions sur l’éligibilité des opposants lors du dialogue national, A son avis, seule une multiplication de fortes candidatures au sein de l’opposition pourrait mener à une alternance démocratique en 2024, d’où les manœuvres du pouvoir pour affaiblir ses rivaux potentiels. Le Pr Dione n’a pas manqué pour finir de déplorer le processus de déconstruction de l’héritage socialiste par la mouvance libérale actuelle. A la longue, la rigueur, l’exemplarité des gouvernants et un idéal d’État s’éloignent de plus en plus, ce qui suscite de fortes inquiétudes pour l’avenir de la démocratie sénégalaise.

 

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