« ISLAMO-GAUCHISME » : LA DECLARATION DE FREDERIQUE VIDAL QUI SUSCITE UN TOLLE DANS LE MONDE UNIVERSITAIRE ET UN MALAISE AU SEIN DE LA MAJORITE

18 - Février - 2021

Une déclaration gauche de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui sème la tempête dans les mondes politique et universitaire. Tout est parti d’une demande de la ministre au CNRS en vue de mener une « étude scientifique » sur l’« islamo-gauchisme » dans les universités. Il s’agit concrètement de distinguer « ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion », avait-elle précisé sur CNEWS, dimanche 14 février. Cette sortie avait d’abord suscité la « stupeur » de la Conférence des présidents d’université. Mardi, ces derniers avaient dénoncé dans un communiqué les « représentations caricaturales » et « arguties de café du commerce » de Mme Vidal. Mercredi, le CNRS lui-même a adopté un ton critique en condamnant « les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche ».
« L’islamo-gauchisme, slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique », a affirmé dans un communiqué l’opérateur de recherche de l’Etat, avant de défendre le libre arbitre des chercheurs. « Le CNRS condamne avec fermeté celles et ceux qui tentent d’en profiter pour remettre en cause la liberté académique, indispensable à la démarche scientifique et à l’avancée des connaissances, ou stigmatiser certaines communautés scientifiques », poursuit ce texte qui tient à dénoncer « les tentatives de délégitimation de différents champs de la recherche, comme les études postcoloniales, les études intersectionnelles ou les travaux sur le terme de “race”, ou tout autre champ de la connaissance ». Tout en regrettant « l’exploitation politique » et « l’instrumentalisation de la science », le CNRS ajoute qu’il participera bien à « la production de l’étude souhaitée par la ministre » pour « apporter un éclairage scientifique sur les champs de recherche concernés ».
« Sa sortie était inopportune », tranche un conseiller de l’exécutif. « Elle a eu envie de faire un coup, qui s’avère mal calibré, et de sortir du malaise étudiant dans lequel elle est empêtrée », analyse un macroniste, selon qui l’ancienne présidente de l’université Nice-Sophia Antipolis, novice sur la scène politique, a voulu « montrer qu’elle sait faire de la poloche [de la politique politicienne] ».
De nombreux enseignants-chercheurs se sont en effet élevés mercredi sur les réseaux sociaux contre l’atteinte portée à la libre pratique de la recherche, qui banaliserait de surcroît la rhétorique de l’extrême droite. « L’hystérie actuelle autour de l’accusation d’islamo-gauchisme nous fait franchir un nouveau seuil, a constaté le directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Thomas Piketty, dans Libération où il appelle à la démission de la ministre. Chez les plus désespérés, mais aussi parmi les plus cyniques, certains ont eu l’idée géniale de soupçonner de complicité djihadiste n’importe quel chercheur s’intéressant aux questions de discrimination. »
"Il y a une orientation de ce gouvernement qui va draguer des secteurs de l'opinion publique dans des endroits assez nauséabonds" a pour sa part dénoncé Jean Chambaz, le président de Sorbonne Université, jeudi 18 février sur franceinfo.
Lamine SOW

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