Karim et Khalifa, l’équation à deux ‘K’ du dialogue politique

29 - Mai - 2019

Hier, à la salle des banquets du palais de la République, s’est tenue l’ouverture officielle du dialogue politique entre le pouvoir et l’opposition. Un dialogue auquel avait convié le président de la République au lendemain de la dernière élection présidentielle. Et qui semble mal parti du fait du refus d’y participer de composantes significatives de l’Opposition comme le Parti démocratique sénégalais (Pds). Cela dit, de fortes attentes et inquiétudes qui, depuis longtemps, minent l’espace politique national ont été soulevées au cours de la journée d’hier. Elles sont relatives aux cas Khalifa Sall, ex-maire de Dakar, et Karim Wade, dépositaire du legs politique du PDS, tous deux étant des opposants ayant maille à partir avec la justice sur des dossiers aux relents de règlements de comptes politiques du régime en place. En fait, il y a eu tellement de plaidoiries en faveur de ces deux absents les plus présents aux dé- bats d’hier qu’il est à se demander si ce Dialogue ne constitue pas un prétexte commode pour le président Macky Sall pour extirper Karim Wade et Khalifa Sall des mains de « sa » justice.

La salle des banquets du palais présidentiel a failli se transformer hier en annexe du palais de justice de Dakar. Ce, après que d’autres termes de références aux contours implicites ont été déposés sur la table du grand « ndeupp » national. La mairesse de Dakar, Soham Wardini, a donné le ton dès l’ouverture de la séance de parlottes en jurant haut et fort de se battre pour faire libérer son mentor et prédécesseur à la mairie, Khalifa Ababacar Sall des griffes de la justice du président Macky Sall. Cette rencontre tant négociée par le pouvoir en place a constitué une occasion majeure pour l’opposition de faire pression sur le président de la République — et secrétaire général de l’APR ! — afin d’obtenir de lui une bouffée d’air en di- rection de ses adversaires longtemps asphyxiés politiquement. La maire Wardini, défenseure de son mentor Khalifa Sall, l’a dit en des mots choisis. «Monsieur le président de la République, je souhaite que vous soyez un précurseur dans notre commune volonté de dépassement en faisant libérer Khalifa Ababacar Sall et de le laisser retrouver sa mère d’un âge très avancé, son épouse et ses enfants », a-t-elle plaidé devant le président Macky Sall. A l’en croire, l’ambition de ce dialogue politique ne saurait se réaliser sans une confiance réciproque et l’abandon des préjugés entre les différents acteurs réunis autour de la table de négociation. Autrement dit, une entente qui passera nécessairement par la libération du prisonnier politique Khalifa Sall. Une théorie dont la manifestation ne saurait surprendre vu la tournure des événements combien surprenants à l’orée de ces pourparlers politiques.

Autre fait marquant et terriblement révélateur, la présence de lieutenants de Khalifa Sall dans la salle. Beaucoup ne s’y attendaient pas, mais cela s’est produit. En effet, lors de cette ouverture du dialogue national, des partisans, et non des moindres, du maire embastillé à Rebeuss ont répondu à l’invitation du président Macky Sall. Or, tous ces proches ont toujours soutenu bec et ongles que si Khalifa Sall s’est retrouvé derrière les barreaux, c’est du fait de l’instrumentalisation de la justice par le président Macky Sall. Citons parmi ces inconditionnels, les maires de Dalifort, Idrissa Diallo, et de Dieuppeul Cheikh Guèye.

Mamadou Diop Decroix :
« la crise de confiance est profonde ... »

Venu assister au dialogue avec une délégation composée de membres du Front de Résistance national (FNR), Mamadou Diop Decroix a lui aussi plaidé en faveur de Khalifa Sall et Karim Wade. Selon le coordonnateur du FRN, ces deux dossiers constituent une des sources principales des tensions entre le régime en place et l’opposition. «La crise de confiance est profonde. Il ne faut pas la sous- estimer encore moins l’ignorer. Le séjour pro- longé de Khalifa Sall en prison tout comme l’exil prolongé de Karim Wade loin de sa femme et leur éviction de la dernière présidentielle alors qu’ils sont réputés représenta- tifs à coté de vingt cinq autres candidats également recalés sur des bases non démocratiques, restent en effet des facteurs substantiels de persistance de la crise de confiance », a dit sans prendre de gants le député leader d’une des deux franges d’And-Jëf. En réponse à toutes ces plaidoiries en faveur de ces opposants, le président Macky Sall a rabâché le prétexte éculé de l’indépendance de la justice même s’il reconnait que la Constitution lui donne la possibilité de procéder à des allègements de peines judiciaire. « En tant que président de la République, je peux intervenir sous forme d’amnistie où de grâce sur ces deux cas, mais à condition que toutes les procédures judiciaires soient épuisées », a-t-il répondu aux nombreuses plaidoiries en faveur des deux célèbres opposants en délicatesse avec la justice. C’est dire que, s’agissant de leur libération, il ne s’agit plus maintenant que d’une simple question de formalité dans la mesure où, comme l’a rappelé la députée Aïda Mbodj dans son allocution, toutes les voie de recours sont épuisées dans les affaires Khalifa Sall et Karim Wade. Si le président de la République voulait trouver un habillage pour se dépêtrer des affaires KS et KW qui lui ont pourri son premier mandat — bien qu’il ne doive s’en prendre qu’à lui-même pour avoir instrumentalisé « sa » justice pour les emprisonner —, eh bien « son » Dialogue politique national est en passe de le lui donner ! Si ce n’est déjà fait depuis hier...

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