L'horizon 2020 devient de plus en plus intenable pour l'instauration de la monnaie commune de la CEDEAO.L'IMPASSE DE LA MONNAIE UNIQUE

26 - Octobre - 2017

Réunis en sommet ce mardi 24 octobre, à Niamey, les chefs d'État de la zone ont finalement admis que la création d'une monnaie unique ne sera pas possible pour 2020.

Constat amer

Malgré des « progrès sur la convergence macro-économique », « les résultats sont faibles » et « donc nous ne pouvons pas aller en 2020 à la monnaie unique », a expliqué Marcel De Souza, président de la Commission de la Cedeao. Il a tenu le même discours le mois dernier en visite au Maroc. Aujourd'hui, les économistes et les populations sont divisés face à ces nouveaux retards annoncés.

En effet cela fait trente ans que les quinze états membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, regroupant 300 millions d'habitants, tentent de respecter la feuille de route devant mettre en œuvre cette monnaie unique. Les présidents du Niger et du Ghana avaient été mandatés en 2013 pour « coordonner » la marche vers la monnaie unique de la Cedeao qui comprend quinze pays. Une « task force » avait été créée en 2014 pour les guider.

La nouvelle monnaie devrait remplacer le franc CFA arrimé à l'euro pour huit pays membres (soit 155 millions d'habitants) rassemblés au sein de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa): le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

Cette monnaie unique devra aussi mettre fin à l'usage des devises nationales pour sept autres pays : l'escudo pour le Cap-Vert, le dalasi pour la Gambie, le cédi pour le Ghana, le franc guinéen pour la Guinée, le dollar libérien pour le Liberia, le naira pour le Nigeria et le leone pour la Sierra Leone. Ces monnaies ne sont pas convertibles entre elles, ce qui ne facilite pas les échanges.

Marcel De Souza est encore plus sévère : « La feuille de route [pour la monnaie unique] n'a pas été mise en œuvre vigoureusement. » « De 2012 à 2016, aucun de nos pays n'a pu respecter de manière continue les critères » du programme de convergence macro-économique. » « L'harmonisation des politiques monétaires » entre les huit monnaies de la Cedeao, qui devait précéder la monnaie unique, « n'est pas faite ». Et « l'institut monétaire », prélude à une Banque centrale commune, n'a pas vu le jour, a-t-il tenu à clarifier.

« Quatre propositions » en vue d'accélérer la naissance de la monnaie unique

Plusieurs chefs d'État de la zone ne sont pas aussi pessimistes. Ils ont insisté sur leur « engagement à la poursuite et l'accélération de la réalisation de l'agenda de l'intégration économique et monétaire », et demandent au comité ministériel de la Cedeao de « se réunir dans un délai de trois mois pour proposer une nouvelle feuille de route en vue d'accélérer la création de la monnaie unique en 2020 », selon le communiqué final.

Le président nigérien Mahamadou Issoufou a suggéré la mise en « circulation à partir de 2020 » d'une monnaie unique au sein des pays de la Cedeao « qui sont techniquement prêts », suivant le modèle européen avec l'euro. « L'adhésion » des autres États pourrait se faire « au fur et à mesure », a-t-il dit. Une proposition reprise dans le communiqué final.

Bien que les économistes aient fait de la question du franc CFA une priorité, en dénonçant les coûts et les bénéfices du franc CFA, à la fois garant de stabilité, mais monnaie trop forte pour des pays aux économies fragiles. Certains plaident pour sa réforme, par exemple en l'arrimant à un panier de monnaie euro-dollar-yuan chinois. Le communiqué final n'a pas fait état de cette question.

Le son de cloche est différent du côté du géant nigérian. Poids lourd économique et démographique de la zone – avec environ les deux tiers de la population totale et du PIB de la Cedeao, le pays par la voix de son président Muahammadu Buhari s'est nettement démarqué, exprimant sa réticence à l'égard d'une devise unique. Dans un communiqué séparé, le président Muhammadu Buhari a invité ses pairs à « avancer avec prudence vers l'intégration », citant l'exemple des déboires de l'Union européenne avec l'euro. Le président Buhari a pointé la persistance d'importantes disparités macro-économiques entre les pays de la Cedeao, et le manque de « préparation » des États pour aller vers une monnaie unique.

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