L'incident du collège privé Saint-Gabrielle de Thiès relance la polémique du voile

18 - Mars - 2025

Il y a des débats qui reviennent comme une rengaine, mais dont l’écho résonne chaque fois plus fort. L’exclusion des élèves voilées du collège privé Saint-Gabriel de Thiès en est un exemple saisissant. Une affaire de plus, qui s’inscrit dans une longue série d’épisodes où l’identité religieuse et l’éducation s’entrechoquent dans ce Sénégal que l’on cite pourtant en exemple pour son modèle de coexistence pacifique.

Mais cette fois, l’affaire prend une tournure plus brutale. La décision de l’établissement est tombée en plein Ramadan et Carême, période de spiritualité partagée entre musulmans et chrétiens. Un timing qui ne doit rien au hasard et qui enflamme les passions. Les réseaux sociaux grondent, les postures se radicalisent, et la frontière entre débat légitime et surenchère dangereuse devient plus mince que jamais.

Le Premier ministre Ousmane Sonko l’a dit et répété : l’État ne tolérera plus que des élèves musulmanes soient exclues pour avoir choisi de porter le voile. Une déclaration sans ambiguïté qui tranche avec les discours plus mesurés du passé. Mais en face, l’Église catholique, par la voix de l’abbé Latyr Ndiaye, campe sur ses positions : ces écoles ont des règles, et elles doivent être respectées par tous ceux qui y mettent les pieds.

C’est là que se pose la question cruciale : jusqu’où va la liberté religieuse ? Un établissement privé a-t-il le droit d’imposer un code vestimentaire qui entre en conflit avec des croyances religieuses fondamentales ? Ou bien doit-il, au nom du principe de non-discrimination, s’adapter aux réalités socioculturelles du pays où il évolue ?

Un précédent qui inquiète
L’affaire rappelle étrangement le scandale de l’Institution Sainte-Jeanne-d’Arc en 2019, où 24 élèves voilées avaient été exclues. À l’époque, l’État avait fini par imposer une solution intermédiaire : un foulard "aux dimensions convenables" validé par l’école. Un compromis qui, loin d’apaiser définitivement le débat, semble avoir ouvert une brèche dans laquelle chacun campe désormais sur sa vérité.

Or, ce qui se joue ici dépasse largement la question du voile. Ce que certains perçoivent comme un bras de fer entre une Église attachée à ses traditions et un État soucieux de son autorité est, en réalité, le symptôme d’un malaise plus profond. Le Sénégal, longtemps vanté pour son harmonie religieuse, voit peu à peu émerger des tensions identitaires de plus en plus marquées.

Le Sénégal n’a jamais pratiqué une laïcité à la française, rigide et stricte. Ici, l’État n’est pas un rempart contre les religions, il en est le garant bienveillant. Il reconnaît et respecte les croyances, tout en tentant d’arbitrer les conflits sans jamais briser l’équilibre fragile entre les communautés. Mais cet équilibre est-il en train de vaciller ?

À force de concessions et de demi-mesures, ne risque-t-on pas d’ouvrir la porte à une crispation identitaire qui ferait voler en éclats ce modèle unique ?

 

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