La question du parrainage dans le débat politique sénégalais

17 - Avril - 2018

La question du parrainage suscite un vif débat public au Sénégal. Pourtant, dans beaucoup de démocraties modernes, le parrainage est à la page. En effet, il permet de filtrer les candidat.e.s en évitant des candidatures fantaisistes, non sérieuses, sans offres politiques crédibles, voire dangereuses, étant entendu que l'élection d'une femme ou d'un homme à la présidence de la République est une affaire très sérieuse. Le parrainage vise donc à rationaliser la participation des candidat.e.s à l'élection présidentielle. Il ne peut donc être antidémocratique surtout que tous les postulant.e.s à cet exercice seront soumis à la même règle (indépendants et investis par un parti). Cet épisode dans notre processus démocratique est très intéressant car au Sénégal la plupart des 299 partis politiques sont incapables de définir le mode de financement de leurs promesses formulées avant et pendant les joutes électorales. D'ailleurs, peu d’offres politiques cohérentes, crédibles, claires, chiffrées, ne sont lisibles sur leurs programmes en perspectives des échéances à venir.

La rationalisation participe à la modernisation et à la bonne respiration de notre système démocratique et permet in fine aux différents compétiteurs qui aspirent à la magistrature suprême à faire une offre politique cohérente et crédible et à être de compétiteurs d'envergure nationale, internationale et non locale.

Notre pays compte 299 partis politiques, un record mondial dans les démocraties libérales. Et pendant les législatives de 2017, sur les 47 listes en compétition, 40 n'ont pas pu obtenir 1% des suffrages valablement exprimés, 34 listes n'ont pas pu avoir un député. On se demande quel virage empruntera notre démocratie si les pouvoirs publics ne réagissent pas ?

La règle du parrainage est en vigueur dans beaucoup de démocraties. Au Mali, notre voisin immédiat, pour participer à l’élection présidentielle, il faudra d'abord obtenir le parrainage de 10 députés et 5 conseillers nationaux avant de remplir les autres conditions requises. En Europe et dans d'autres démocraties, ce processus de filtrage démocratique est ancré dans les mentalités populaires et les pratiques politiques.

La France dont le Sénégal a hérité l'essentiel de sa tradition politique jacobine exige d'un candidat à l'élection présidentielle 500 signatures des élu.e.s. d'au moins 30 départements ou territoires d'outre-mer. Là aussi, l'objectif est de procéder au filtrage des candidat.e.s à cause du sérieux de la fonction et pour face aux multiples problèmes d'organisation, bref pour éviter aussi de retomber dans les schémas de la troisième et de la quatrième République.

Contrairement à ce que d'aucuns laissent entendre, le projet de loi sur le parrainage n'est pas de même nature que celui du projet de loi sur le ticket présidentiel de 2011. Il n'a pas vocation à faire régresser notre démocratie, il s'agit bien au contraire de parfaire le mode de participation à l'élection présidentielle, surtout avec tous les manquements notés aux législatives de 2017, alors qu'avec Me Wade, il s'agissait d'une volonté de léguer le pouvoir.

Dans ce projet de loi, qui respecte le délai fixé par le protocole de la CEDEAO, il suffira pour les postulant.e.s à la tête de l’État d'obtenir 1% (ou moins) du corps électoral pour pouvoir participer.

Pendant des décennies, seuls les candidat.e.s indépendant.e.s étaient obligés de présenter 10000 signatures au Conseil constitutionnel pour pouvoir participer à la compétition, cela ne semblait pas intriguer les partis politiques traditionnels.

Pour finir, le parrainage citoyen peut être considéré comme une vraie avancée démocratique, une alternative du parrainage des élu.e.s. décrit par certains comme un verrouillage du système politique. C'est pourquoi, en France, pour reprendre à nouveau cet exemple, les rapports Balladur (2007) puis Jospin (2013) sur la modernisation des institutions et la rénovation de la vie publique - commandés respectivement par N. Sarkozy et F. Hollande - préconisaient l'abandon du parrainage des élu.e.s au profit du parrainage citoyen pour être en phase avec l'évolution du monde. Ces recommandations n'ont pas été mises en œuvre et la question risque de se poser à l'approche de la prochaine élection présidentielle.

L'un des défis du Conseil constitutionnel est de se doter les moyens adéquats pour vérifier et traiter à temps les signatures recueillies.

Dr Souleymane S. Diallo

Apr des Amandiers, CCR, Terroirs Émergents et Solidaires

dialloley@yahoo.fr

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

09 - Février - 2023

Tribunal de Dakar : 15 partisans de Ousmane Sonko envoyés en prison

Après un double retour de parquet, les 15 partisans de Ousmane Sonko, arrêtés jeudi dernier à la Cité Keur Gorgui, viennent d’être placés sous...

09 - Février - 2023

Chambre d'accusation : Les avocats de Ousmane Sonko à la barre ce jeudi pour tenter de faire annuler l'ordonnance du juge Maham Diallo

C’est ce jeudi, à 10 heures, que la chambre d’accusation va se pencher sur la requête des avocats de Ousmane Sonko dont l'objectif: est faire annuler l’ordonnance du...

08 - Février - 2023

NitDoff : Marche Pacifique pour la libération de l’artiste…

NitDoff, placé sous mandat de dépôt, le 24 janvier dernier, continue de recevoir soutien et considération des Sénégalais. Qui organisent une marche pour sa...

08 - Février - 2023

Aux Parcelles, Sonko apporte une réplique salée à Amadou Ba : « il devrait se trouver devant la justice pour justifier ses milliards »

Le leader du parti Pastef s’est adressé à ses militants ce mardi après une visite de travail à la mairie des Parcelles Assainies. Ousmane Sonko n’a pas...

07 - Février - 2023

MEETING DES FEMMES DE L’APR/FRANCE : UNE MOBILISATION SOUS UN AIR DE « TALATAY NDER» (PAR MARIE BA)

Ce samedi 04/02/23 reste à jamais gravé dans les annales de l'APR France. Pari ne pouvait être autant réussi lorsque les femmes de la majorité...