LE CHANT DU CYGNE DE L’ARTISTE MACKY SALL (PAR MAMADOU OUMAR NDIAYE)

01 - Août - 2023

Ousmane Sonko, leader incontestable de l’opposition et désormais ex-probable futur président de la République du Sénégal, a donc passé hier sa première nuit en prison. Comme si cela ne suffisait pas, son parti, le Pastef, qui donnait des insomnies et des cauchemars à l’actuel régime en place ainsi qu’à son chef, le président de la République Macky Sall, a été dissous. Gageons que, comme l’œil de Caïn, leur ombre continuera de troubler le sommeil et d’agiter les nuits de celui qui présidera aux destinées de ce pays pendant sept mois encore. S’il ne se renie pas entretemps bien sûr et ne prend pas prétexte d’une éventuelle situation chaotique du Sénégal pour vouloir jouer les prolongations au-delà de février-mars prochain.
Quoi qu’il en soit, nous avons connu hier la fin provisoire d’un suspense qui n’en était pas un en vérité puisque c’était un secret de Polichinelle depuis des mois que le régime avait l’intention d’emprisonner sous n’importe quel prétexte Ousmane Sonko et de dissoudre son parti. Des responsables politiques et des chroniqueurs connus pour leur proximité avec la présidence de la République ne cessaient de réclamer ces deux mesures et tout le monde savait qu’ils ne pouvaient le faire sans avoir l’onction du Chef suprême. C’est donc dire que les deux coups de canif portés hier à la démocratie sénégalaise, à savoir le placement sous mandat de dépôt du chef de l’opposition et la dissolution de son parti, n’ont même pas eu le mérite de la surprise. Les Anglais disent qu’il faut savoir être imprévisible mais hélas, les gens du pouvoir en place, eux, sont terriblement prévisibles. Leurs décisions, ils les font annoncer longtemps à l’avance par des condottieres à leur solde. Mais en réalité, même s’ils n’avaient pas annoncé leur opération de ces derniers jours contre Pastef et son chef, tout le monde savait que les actes qu’ils posaient depuis des mois convergeaient vers cela.
On les voyait venir avec leurs gros sabots ! De l’histoire des « Farces spéciales », pardon « Forces spéciales » à celle des « Forces occultes » qui a fait pschiitt et s’est dégonflée comme un ballon de baudruche au niveau de l’opinion nationale et internationale avec la découverte du rôle peu glorieux joué par des « nervis » en passant par les plaisanteries du « Commando » et autres « Cocktails Molotov », sans parler de ces « terroristes » allés jusqu’au Burkina Faso acheter des lunettes de visée mais incapables de trouver le moindre fusil sur lequel les monter !, l’on savait que toutes ces histoires de complots à la noix déboucheraient, à la manière des cours d’eau affluents, sur l’embouchure de Pastef et d’Ousmane Sonko. C’est dire que l’inénarrable procureur de la
République ne nous apprend pas grand-chose ! Surtout qu’il se murmurait dans les allées du pouvoir que l’arme fatale qui servirait à abattre l’homme classé troisième à la dernière présidentielle, c’était le crime d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Mais ne déflorons pas le film du maître des poursuites !
Selon le procureur de la République, donc, l’Etat voyait venir et suivait de près les déclarations, conspirations et actes préparatoires ou effectifs attentatoires à la sûreté de l’Etat.
Un Etat qui savait tout, voyait tout depuis 2021 mais aurait laissé sciemment les choses se dérouler pour prendre sur le fait le dangereux « terroriste » Sonko et son parti afin de mieux les confondre et emprisonner le premier tout en dissolvante second ! Autrement dit, et à suivre le raisonnement du procureur de la République, l’Etat, qui aurait pu intervenir pour, par exemple, éviter les 16 morts de juin dernier s’est gardé de le faire pour attendre le jour de la Achoura 2023, un vendredi sacré pour les Musulmans, et alors même que les Sénégalais n’avaient pas fini de faire le deuil des 23 personnes mortes dans un tragique accident de la Route à Ngueune Sarr et de 16 autres jeunes gens dans le chavirement de leur pirogue à Ouakam, pour enfin passer à l’action contre l’ennemi public numéro un du régime, Ousmane Sonko. Ce en prenant prétexte du « vol » du téléphone portable d’une gendarmette dont le véhicule serait comme par hasard tombé en panne devant le domicile du leader de Pastef en ce vendredi de toutes les opportunités ! C’est un peu comme si un policier ou un gendarme avait été averti d’un meurtre qui allait être commis sur un citoyen par quelqu’un dont l’identité lui a été communiquée et qui, plutôt que d’agir pour empêcher cet assassinat, le laisse commettre et se justifie ensuite en disant : « je voulais savoir la manière dont l’assassin allait agir pour mieux le confondre avec des preuves irréfutables après son crime ! » Sauf que le pauvre citoyen, lui, est passé de vie à trépas. Tant pis pour les quelque 40 personnes mortes dans des manifestations depuis l’éclatement de l’affaire Adji Sarr/Sonko.
En Afrique, la prison est l’antichambre du pouvoir !
Jamais deux sans trois, l’adage s’est confirmé avec cet emprisonnement d’Ousmane Sonko puisque le leader de Pastef est le troisième candidat idéalement placé pour barrerla route à l’actuel président de la République — ou du candidat qu’il aura choisi — à être envoyé sans autre forme de procès par notre glorieuse justice en prison. Cette fois-ci avec la complicité d’une partie de l’opposition qui, en acceptant de participer au dialogue deal du président de la République, a permis à Macky Sall de mieux isoler Ousmane Sonko pour l’abattre. Mais attention, Abdoulaye Wade aussi avait été embastillé par le président Abdou Diouf…auquel il avait fini par succéder. Nelson Mandela a fait un quart de siècle en prison et en était sorti pour devenir président de la République et succéder aux tenants de l’apartheid qui l’y avaient jeté. Il me semble aussi que le Tchadien Félix Malloum avait été sorti de prison pour être transporté directement à la présidence de la République !
Le capitaine Thomas Sankara lui-même, emprisonné par le régime du commandant Jean Baptiste Ouédraogo alors qu’il était Premier ministre, avait été libéré par les fameux para commandos de Po dirigés par un certain…capitaine Blaise Compaoré avant d’être placé à la tête du Faso. Ce même si, bien plus tard, ce même Compaoré avait fini par faire assassiner le très charismatique Thomas Sankara, devenu un héros de la jeunesse africaine au même titre aujourd’hui qu’un certain… Ousmane Sonko ! Comme quoi, en Afrique, la prison est souvent l’antichambre du pouvoir. De la même manière, le pouvoir conduit très souvent à la prison si ce n’est à l’échafaud.
Une chose est sûre : jamais, depuis 1960 et les événements dits de Saint-Louis, un parti politique n’avait été dissous au Sénégal. Par la suite, jamais le président Senghor n’a eu recours à cette mesure extrême. De même, ses successeurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, bien que confrontés à de très fortes oppositions, n’ont jamais dissous un parti. Certes, les Moustarchidines l’avaient été mais ce n’était pas un parti politique. Il a donc fallu attendre 2023 pour qu’un président de la République né après notre accession à l’indépendance en 1960 dissolve un parti politique sous des prétextes sinon ridicules du moins largement tirés par les cheveux ! Mais bon, c’est bien connu que quiconque veut noyer son chien l’accuse de rage. En attendant, la belle vitrine démocratique sénégalaise de jadis est bien craquelée avec tous les coups de boutoir qui lui sont portés, l’emprisonnement d’Ousmane Sonko et la dissolution de son parti n’en étant que les derniers en date. Surtout quand on sait que quelque 600 personnes, coupables du délit ou des crimes d’être contre le régime en place, surpeuplent actuellement nos prisons… Une longue nuit noire, assurément, s’abat sur notre jadis si belle démocratie. Nul ne sait quand et, surtout, dans quel état notre pays en sortira.
Toutes ces choses constituent le chant du cygne du président Macky Sall. Le chant du cygne, pour ceux qui ne le sauraient pas c’est, dans le domaine de l’art, la dernière œuvre d’un poète ou d’un artiste…Et autiste, pardon artiste, Macky Sall l’est effectivement en matière de gouvernance !
Mamadou Oumar NDIAYE

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