Le recteur de la Mosquée de Paris retire sa plainte contre Michel Houellebecq

01 - Juin - 2023

Cette fois, la controverse intellectuelle ne se réglera pas devant un tribunal. Après une rencontre avec Michel Houellebecq, le recteur de la Mosquée de Paris abandonne les poursuites judiciaires qu'il comptait engager contre l'écrivain.

Chems-Eddine Hafiz avait déposé plainte, mercredi 28 décembre, contre l'auteur de Soumission, pour « provocation à la haine contre les musulmans ». Les propos visés avaient été tenus dans la revue de Michel Onfray, Front Populaire, qui rendait compte, sur quarante-cinq pages, d'une conversation entre l'écrivain et le philosophe. Deux extraits tirés d'un long raisonnement étaient incriminés. « Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamique, je pense que des actes de résistance auront lieu, déclarait notamment Houellebecq. Il y aura des attentats devant des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l'envers ». Un peu plus loin, l'écrivain affirmait : « Le souhait de la population française de souche, ce n'est pas que les musulmans s'assimilent, mais qu'ils cessent de les voler et de les agresser… »

Michel Houellebecq et Chems-Eddine Hafiz se sont rencontrés jeudi matin à l'initiative du grand rabbin de France, Haïm Korsia. La réunion aurait pu avoir lieu à l'Institut de France, mais les contraintes d'agenda de l'écrivain qui débute le tournage d'un film de Guillaume Nicloux en Guadeloupe, ont précipité les choses. À 9 heures, les deux chefs religieux et l'auteur français contemporain le plus lu dans le monde se sont donc rencontrés autour d'un café. Chems-Eddine Hafiz a expliqué à Michel Houellebecq la grande émotion suscitée par ses propos. « Si l'on suit à la lettre les mots de Michel Houellebecq, je suis moi-même un voleur, explique-t-il. Je lui ai dit qu'il n'aurait jamais dû essentialiser les musulmans en les opposant aux Français “de souche” ».

«Points communs»

Michel Houellebecq a tenu à restituer ses propos dans leur contexte, en précisant qu'ils avaient été tenus dans une longue discussion de six heures, et a reconnu que « les paragraphes concernés sont ambigus ». L'écrivain s'est engagé à les préciser dans un futur livre qui regroupera l'intégralité de sa conversation avec Michel Onfray parue dans Front Populaire. Michel Houellebecq a confié les paragraphes explicités au Figaro, qui les reproduit dans leur intégralité sur son site internet. « Je ne crois pas, pour ma part, que les conditions soient actuellement réunies (concernant la guerre civile, NDLR). Il faudrait d'abord que la police ne puisse effectivement plus pénétrer dans certains quartiers ; ce n'est pas le cas : ils ont parfois du mal, ils doivent déployer les grands moyens, mais ils y arrivent. Il faudrait ensuite que l'armée elle-même ne puisse plus y pénétrer ; et ça, ça me paraît pour l'instant improbable », détaille l'auteur. Concernant le deuxième passage incriminé, il ajoute notamment : « Les histoires de voile, de burkini, de nourriture halal etc., les Français s'en ficheront complètement dès qu'ils ne percevront plus les musulmans comme une menace pour leur sécurité. Ce qu'ils demandent, et même qu'ils exigent, c'est que les criminels étrangers soient expulsés, et en général que la justice soit plus sévère avec les petits délinquants. Beaucoup plus sévère. »

Le rabbin Korsia est sorti de l'entrevue avec la satisfaction d'avoir évité un procès inutile et préjudiciable pour toutes les parties. « Houellebecq est un immense écrivain, un immense penseur », ajoute-t-il. Ce dernier confie au Figaro qu'il est « sincèrement soulagé et heureux de cette issue » et d'avoir pu « préciser ses propos » qui correspondent davantage désormais à ce qu'il voulait exprimer. Et Michel Houellebecq de conclure : « Ce genre de débat ne doit pas se régler devant un tribunal. D'autant que dans le pire des cas, le procès aurait eu lieu pendant le débat sur l'euthanasie. Or, sur ce sujet, j'ai énormément de points communs avec le recteur et les responsables religieux en général ».

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