Les Sénégalais ont-ils les moyens de boycotter les biens et les services français ? (Par Momar Sokhna Diop)

01 - Novembre - 2020

« Et si le boycott des produits français par les Sénégalais, provoque le boycott des produits sénégalais par les Français ? » Mais au fait les Sénégalais produisent quoi ?
Voilà une question qui mérite d’être éclairée.
Eh oui ce sont les discours des Présidents français qui semblent provoquer toutes ces interrogations. En effet, leurs communications ne séduisent plus les Africains. Au contraire, ils les indignent davantage. C’était le cas du discours de Dakar du Président Nicolas Sarkozy pour qui « le drame de l’Afrique, c’est que l’homme noir africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».
Lors de sa conférence de presse, en marge du sommet du G20 à Hambourg en Allemagne, le 8 juillet 2017, le Président Emmanuel Macron affirmait que « quand des pays africains ont encore aujourd'hui sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ».
Toutefois, c’est son discours sur le "séparatisme islamiste" et la nécessité de "structurer l'islam" en France qui a suscité critiques, manifestations et même appels au boycott des produits français. Mais les africains et en particuliers les Sénégalais peuvent-ils vraiment boycotter les produits français ?
Il faut rappeler que le Sénégal joue un rôle important dans l’économie française, car une grande part des exportations de la France vers l’Afrique va à destination du Sénégal. En général, cela concerne diverses marchandises dont le blé, le lait et les produits laitiers, les produits pharmaceutiques, les automobiles, les équipements mécaniques, électriques et électroniques. Le Sénégal exporte surtout des produits agricoles, des produits halieutiques et bientôt des produits pétroliers et gaziers.
Le Sénégal importe plus qu’il exporte. C’est pourquoi sa balance commerciale est souvent voire toujours déficitaire.
Dans ces conditions, comment consommer local lorsqu’on produit ce que l’on ne consomme pas et que l’on consomme ce que l’on ne produit pas ? En effet, 80% des biens et services de premières nécessités achetées par nos concitoyens sont importés ?
Comment encourager le « consommer local » quand sa monnaie (le CFA) frappée à Chamalières commune française située dans le département du Puy-de-Dôme, en région Auvergne-Rhône-Alpes est garantie par la France avec des conditions dévastatrices des économies locales ?
Comment boycotter les produits d’un pays à qui vous avez délégué une grande partie de l’exploitation de vos produits halieutiques, de votre pétrole, de votre gaz, de votre phosphate, de votre eau, de votre électricité, de tous vos réseaux de télécommunication …. ?
Sénégalais, soyez raisonnables. Il ne faut pas « mettre la charrue avant les bœufs ». Le combat n’est pas de boycotter les produits de qui que ce soit. Il s’agit de doter le Sénégal d’un régime patriote, responsable et capable d’asseoir « une politique endogène de développement » comme l’avait recommandée le Président Mamadou Dia en 1962.
Cela consiste à identifier, à nouveau, les ressources du pays (Ressources humaines, naturelles, minières…) ; à mettre en place, progressivement, des politiques de transformation industrielle qui permettront de créer des emplois et de stopper l’immigration meurtrière ; à créer des valeurs ajoutées et de la croissance endogène qui, bien réparties permettront aux salariés, aux Sénégalais et aux apporteurs de capitaux de gagner décemment leur vie.
Une telle politique permettra également à l’Etat de mobiliser des recettes fiscales plus consistantes et de développer les infrastructures sanitaires, éducatives et de solidarité.
C’est seulement à partir de ce moment-là que le Sénégal pourra espérer promouvoir le consommer local et compléter ses besoins par des importations issues d’accords de partenariats plus saints et mieux équilibrés.
Donc il ne faut pas boycotter les produits français. Il faut d’abord travailler à produire pour s’auto suffire et à mettre, ensuite, en place avec la France voire avec les autres partenaires actuels et potentiels des « accords gagnant/gagnants », c’est-à-dire des partenariats qui favoriseront des transferts progressifs de compétences et de technologies.
Momar-Sokhna DIOP, professeur d’économie gestion Ecrivain.

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

23 - Août - 2023

Pétrole sénégalais : L'opérateur de Sangomar donne des assurances après le report de la production

Après le report du début de la production pétrolière en 2024, Woodside, l'opérateur de Sangomar donne une assurance quant au nouveau délai. Au...

22 - Août - 2023

MACKY SALL NOMME MOISE SARR A LA SETER

Un ouf de soulagement pour ses nombreux partisans qui trépignaient d’impatience de le voir accéder aux responsabilités. En effet, depuis sa sortie du gouvernement, Moise...

21 - Août - 2023

Le BRT va démarrer ses premiers essais ce lundi

Dès ce lundi, le Bus Rapide Transit (Brt) va entamer ses essais statiques. Le gouverneur de Dakar a tenu à lancer un message aux populations. C’est Al Hassan Sall, le...

16 - Août - 2023

LA FILIERE OIGNONS AU SENEGAL, L’EXEMPLE D’UNE GESTION CALAMITEUSE D’UNE POLITIQUE ECONOMIQUE ! (PAR SOULEYMANE SOW)

L’oignon est devenu, à cause d’une mauvaise gestion du secteur, une denrée rare et chère au Sénégal. Le manque de volonté politique claire, la...

10 - Août - 2023

Etats-Unis : un homme remporte 1,58 milliard de dollars au Mega Millions

Aux Etats-Unis, après 31 tirages sans vainqueur, un homme a remporté, mardi 8 août, 1,58 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros) au Mega Millions. L'heureux gagnant,...