Lettre ouverte au président de la République- Crise du secteur de la presse: Agir pour la postérité

22 - Mai - 2017

Permettez-moi, Excellence Monsieur le président de la République, cette initiative solitaire pour m’adresser à vous sur la préoccupante situation de la presse. Si j’ai opté pour ce moyen de communication, c’est parce que malgré tout ce qui a été fait par la CAP, je ne vois pas encore de solutions à l’horizon. Pire, aussi bien dans le gouvernement que votre entourage qui regorge beaucoup de journalistes et d’hommes de médias, il n’y a aucune initiative. Or, ils sont bien au fait de la situation de “putréfaction” du secteur. Oui, Monsieur le président de la République, la presse de votre pays est à l’agonie.

Ils vous ont dit que vous n’avez aucune part de responsabilité dans cette situation, que vous n’avez aucune obligation à répondre à nos revendications. Mais en tant que père de la Nation, vous ne pouvez être un observateur inerte de cette crise aiguë. Me considérant comme trait d’union entre beaucoup de générations et d’organisations des médias, les confidences et gémissements (me) parviennent de tous les côtés. Si rien n’est fait, dans un avenir proche un important pan de la presse risque de s’affaisser. À part, la RTS, le Soleil, GFM et DMedias (qui résiste grâce à la diversification des produits dans le cadre d’un holding) toutes les autres entreprises de presse sont au bord de la tombe.

Le débat est délibérément déplacé sous l’angle “ce sont les patrons de presse qui sont responsables de tous les maux du secteur”. Or aujourd'hui, tous les compartiments de la corporation sont en déliquescence et ont besoin au lieu d’une perfusion mais d’un traitement de choc durable. Et cela passe nécessairement par une volonté politique comme cela a été le cas en 2009 en France. A l’époque, le président français d’alors, Nicolas Sarkozy avait été obligé d’intervenir pour sauver une presse à l’agonie. Ainsi, 6 milliards d’euros ont été décaissés suite à des états généraux des médias où un Plan de sauvetage avec des mécanismes clairement et consensuellement identifiés ont été mis en place. Grâce à ces mesures, la presse française tient toujours.

Au Sénégal depuis des décennies, il n’y a pas eu de mesures consolidantes pour les médias. Juste, que des solutions ponctuelles par rapport à des urgences du moment. Ce qui a fait empirer la situation d’année en année. En conséquence, la Coordination des Associations de Presse (CAP) a eu à dérouler un plan d’actions pour solliciter simplement la mise en place d’un système plus favorable au développement des médias au Sénégal. Il s’agit, en réalité, d’un cadre clair et organisé qui passe par l’adoption du Code de la presse et ses décrets d’application, de la réforme de la loi sur la publicité, une nouvelle convention collective et un mécanisme très puissant qui va obliger tout le monde (patrons et acteurs de la presse) à respecter la loi en toute vigueur.

Monsieur le Président de la République

Il ne s’agit point de recréer la roue. Dans la sous région, il y a des exemples qui ne constituent certes pas une réussite totale mais ils ont l’avantage de marcher. Même s’il y a, toujours, des choses à dire sur toute œuvre humaine. La Côte d’ivoire dispose d’un Conseil National de Presse (CNP) qui est dirigé et composé pour la plupart de professionnels de l’Information et de la Communication. Une structure qui représente beaucoup d’avantages en termes d’organisation de la profession et du respect des règles. Tout contrevenant à la législation et aux réglementations, s’expose à des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la fermeture légale d’une entreprise de presse ou d’une suspension à vie d’un journaliste. Mais le CNP distribue aussi de bons points qui aident à voir clair quand il s’agit de mesures incitatives. Il stimule, en vérité, une émulation saine. Cet organe a, certes des limites mais, nous pouvons aussi nous inspirer du Benin et du Ghana pour tenter de les combler. Mieux encore, l’expertise des doyens de la presse qui ont blanchi sous le harnais peut être d’une très grande utilité.

Monsieur le président de la République

Si le Sénégal réussit à franchir le cap de la mise en place de ces instruments, cela sera tout à votre honneur et de la démocratie sénégalaise chantée sur tous les toits. Et cela sera surtout inscrit en lettres d’or sur les grandes réalisations de votre mandat. Le monde des médias de notre pays en a certes besoin, mais encore plus que notre Nation tout entière.

Toute démarche est subjective et donc nécessairement critiquable. Quoiqu’on puisse reprocher à la CAP, l’objectif de son combat est noble et légitime. Il transcende les clivages politiques et partisans. D’autres nous diront que vous n’êtes pas les seuls dans ce pays. Mais tout de même, nous avons le droit d’avoir et de revendiquer un parti-pris pour notre secteur et de tirer la sonnette d’alarme pendant qu’il est encore temps.

Je m’adresse à vous via cette forme épistolaire parce que l’heure est très grave. Sans votre volonté politique, sans votre implication, il n’y aura aucune avancée. Et malheureusement la gangrène de ce membre risque de métastaser et de contaminer gravement le grand corps qu’est notre si cher Sénégal. Et cette belle vitrine qu’offre notre démocratie à l’international risque de craqueler.

Espérant que ma missive ne restera pas lettre morte, je vous prie, Excellence Monsieur le président de la République, de considérer l’ampleur de la crise et d’agir pour la postérité.

Ibrahima Lissa Faye, Journaliste Blogeur

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

23 - Novembre - 2022

BAISSE DES PRIX : LES BOUTIQUIERS DÉTAILLANTS EN GRÈVE JEUDI ET VENDREDI

Rechargez vos paniers ! Les boutiquiers détaillants vont fermer leurs boutiques demain jeudi et après-demain vendredi. Ils ont décidé d’observer une grève...

18 - Novembre - 2022

Les budgets de l’Assemblée nationale, du HCCT et des institutions judiciaires connaissent une hausse

Les budgets de l’Assemblée nationale, du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT), du Conseil Constitutionnel de la Cour Suprême et de la Cour des Comptes...

17 - Novembre - 2022

Baisse des prix : Après Dakar, les régions s’impatientent, le ministère du Commerce donne des assurances

Les nouveaux prix des denrées qui sont entrés en vigueur le lundi 14 novembre, mais seulement dans la région de Dakar. Conséquence, les populations des localités...

16 - Novembre - 2022

Gaz sénégalais : La stratégie de l’opérateur pour profiter des alléchants prix du moment

Avec le conflit Russo-ukrainien, le gaz sénégalais est déjà convoité, alors qu’il n’est pas encore sorti de terre. L’opérateur dit avoir...

16 - Novembre - 2022

REVUE DE PRESSE: Les quotidiens commentent le diagnostic du FMI sur le Sénégal et l’introduction du bracelet électronique

Les quotidiens se sont intéressés aux conclusions d’une mission effectuée au Sénégal par le Fonds monétaire international (FMI) et à...