Mobilité : des transports gratuits, une bonne idée ? (Par Mounia Van de Casteele)

30 - Mars - 2017

Instaurée à Aubagne (Bouches-du-Rhône) en 2009, argument de campagne de l'alliance EELV-Parti de gauche à Grenoble en 2014, la gratuité des transports en commun est devenu un enjeu important, à l'échelle locale. Pour autant, les effets d'une telle mesure sont davantage négatifs que positifs, selon Yves Crozet, spécialiste de l'économie des transports, qui évoque des alternatives plus socialement équitables. Décryptage.

On ne peut pas dire que les transports occupent une place de premier plan dans la campagne présidentielle. C'est du moins ce que déplorent les acteurs du secteur, qui tentent d'y remédier, grâce à diverses initiatives comme le débat entre les différents porte-parole des candidats organisé par le think tank TDIE le 22 mars à Paris ou encore les états généraux de la mobilité durable. L'occasion d'évoquer l'idée, loin d'être nouvelle, de la gratuité des transports en commun, au moment où les opérateurs luttent activement contre la fraude, véritable sport de haut niveau en France, et que le tarif du pass Navigo va encore augmenter, notamment pour financer le métro du Grand Paris Express.
"Parfois cela se justifie"

"La gratuité est une vieille idée, aussi stupide que le revenu universel d'ailleurs", s'amuse Yves Crozet, spécialiste de l'économie des transports. "C'est tentant et parfois cela se justifie, comme dans une vingtaine d'agglomérations en France, telles que Chateauroux, qui ont de petits réseaux. Lorsqu'il s'agit d'un réseau de trois lignes au maximum, ce n'est pas la peine de mettre des contrôleurs, et on le finance d'une façon ou d'une autre. A Chamonix, par exemple, le système des remontées mécaniques financent les transports en commun, donc ce n'est pas fondamentalement stupide", analyse-t-il.

"Mais quand il y a de gros investissements à faire (du type tramway), la recette commerciale est indispensable. Sinon il n'est pas possible de développer son réseau. Rendre les transports gratuits à Paris, reviendrait ainsi à trouver plusieurs milliards par an, qui seraient payés par les impôts", poursuit l'économiste.

D'autant que la gratuité entraîne des abus, comme une hausse des incivilités ainsi qu'une dégradation du matériel. C'est en tout cas ce que les études faites là où cela a été instauré, ont montré, prévient-il. "Cela a été fait à Atlanta aux Etats-Unis", précise Yves Crozet. Résultat : "On a observé une sur-utilisation des transports en commun, ce qui va en outre chasser les autres usagers, comme dans le Languedoc avec la mise en place du TER à 1euro".
Pas de report modal de la voiture vers les transports en commun

"De la même manière, lors des pics de pollution, si on observe une hausse de la fréquentation, il s'agit de gens qui n'ont pas de voiture. Les seuls gagnants sont donc les visiteurs et les touristes (de loisir ou d'affaire) qui sont estimés à 100.000 par jour."

La gratuité des transports en commun n'aurait ainsi pas favorisé le report modal escompté des autosolistes vers cette alternative. C'est pourquoi, en Ile-de-France, le Stif avait plutôt mis en place un pass, la dernière fois. "D'ailleurs le pass navigo dézoné n'a pas changé l'usage de la voiture", précise Yves Crozet. Avant de conclure :

"C'est globalement une mauvaise idée, du fait des effets pervers possibles".

Cependant, "politiquement ça peut se décider", estime-t-il. "En Grande-Bretagne, les autoroutes sont gratuites, mais pas l'école publique avant six ans. Ce sont des choix de société".

C'est également le sentiment du GART, le groupement responsable des autorités de transport. Son président, le sénateur LR Louis Nègre, également coprésident du think tank TDIE, ne voit ainsi pas la gratuité d'un bon œil :

"Cela dévalorise le service public, qui a un coût. D'ailleurs la gratuité n'existe pas, il faudrait alors augmenter les impôts, ce qui ne risque pas de plaire aux électeurs. D'autant que c'est le seul service public qui voit son prix tendanciellement baisser, alors que tous les autres augmentent."

Cela dit, des solutions existent. "Les collectivités locales peuvent mettre en place des tarifications adaptées aux revenus des voyageurs, en se basant sur le quotient familial par exemple. Ce type de tarification sociale a d'ailleurs déjà été mis en place dans certaines villes, à l'instar de Strasbourg", rappelle-t-il. Reste donc à généraliser une telle pratique.

Latribune

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