Opinion: je suis Abdou Karim Guèye (Par Adama Gaye)

14 - Mai - 2020

Avant, il y eut Budapest, Prague, Pretoria, Varsovie. Les chars soviétiques envahirent la capitale de la Hongrie, le 4 novembre 1956, pour mettre fin aux velléités réformistes et de retrait du Pacte de Varsovie entretenues par le leader du Parti communiste local au pouvoir, Imre Nagy, en réponse aux attentes d’une foule estudiantine décidée à en découdre avec les agents de la répression sécuritaire d’Etat, en d’autres termes aux tenants de la rationalité soviétique.
Les assauts libertaires dans les rues et au Parlement durèrent le temps d’une rose. La Hongrie, premier pays tenté par un schisme contre l’ordre soviétique, le primat rouge, de Moscou, en subit les contrecoups avec violence: les rêveurs d’un illusoire élan démocratique furent matés.
Douze ans plus tard, dans un autre pays du Bloc soviétique, la même méthode supprima un mouvement pro-démocratique dans un contexte planétaire où la rage estudiantine faisait tomber partout les barrières et les interdits.
Nous sommes alors en Tchécoslovaquie. L’année 1968. Janos Kadar et ses hommes aidés par les forces militaires du Pacte de Varsovie, c’est-à-dire les Soviétiques, mit fin aux espoirs de réforme du pays initiés sous la férule d’un hiérarque local, Alexandre Dubcek, qui fut ainsi évincé. Le Printemps de Prague, sous les yeux en larmes d’Alexandre Dubcek, fut écrasé par le hardpower militaire soviétique. Ailleurs, dans le monde les barricades des enragés et la musique psychédélique révolutionnaire en soutien à la lutte des noirs américains pour leurs droits civils, faisaient reculer mandarinat intellectuel et racisme institutionnalisé.
Peu après, dans un Sénégal aseptisé par une poésie senghorienne déconnectée d’une réalité politique locale tenue d’une main de fer dans un gant de velours, en plus d’avoir envoyé se faire “rééduquer”, tuer aussi, au front militaire, dans l’atroce guerre de libération de la Guinée Bissau, le pouvoir cynique avait fait “suicider”, Omar Blondin, jeune fleur prometteuse d’une intelligentsia en quête d’espace de libertés.
Plus tard, plus raffinée, la violence institutionnelle d’Etat, revêtue d’un manteau taillé avec minutie pour sévir déployait sa force brutale chirurgicalement contre les jeunes militants opposés à la ségrégation officielle en Afrique du Sud. Il y eut aussi la...normalisation à partir de 1981 menée par un Général spartiate en lunettes noires, Vojciech Jaruzelski, qui lança ses troupes pour espérer démonter la révolte syndicale en cours à Gdansk, dans les chantiers navals, sous l’impulsion d’un ouvrier Polonais entêté, Lech Walesa, un futur Prix Nobel de la Paix.
On croyait que le combat pour les libertés démocratiques et syndicales, citoyennes, sous l’action d’autres figures emblématiques, comme le Tchèque Vaclav Havel, était suffisamment enraciné dans le monde pour qu’il n’y ait plus d’opposition par la violence d’Etat à leur exercice.
Erreur...Hier soir, la condamnation à trois mois de prison ferme d’un jeune rappeur sénégalais, alors que son pays est confronté aux pires défis de son existence, est venue rappeler que la bête immonde porte désormais, uniquement, les couleurs nationales, détournées, du Sénégal.
Pleurons qu’aucune voix ne se soit élevée contre le sort carcéral infligée par une justice indigne, publiquement sodomisee, à travers son instance supérieure, la Cour Suprême, dans le discours prononcé par un Macky Sall impitoyable a son égard, en la déjugeant, la violant, déchirant sa plus récente et forte décision sur les rapatriements des corps de victimes sénégalaises du Covid19.
Cette in-justice s’est tournée vers un homme malade, et qui sait à l’article de la mort, dont le seul tort est d’avoir exprimé son opinion, constitutionnellement protégée, sur la mal-gouvernance du pays.
Le pays s’est tu. Les intellectuels et politiciens ont regardé ailleurs.
La normalisation d’une médiocre et rapace dictature, sous la houlette d’un CovidSall, dépassé, et les manœuvres d’un sinistre ministre de la justice, s’est accélérée avec l’envoi en prison d’Abdou Karim Gueye.
Sans le connaître personnellement, je lui donne ici mon soutien solennel. Fut-ce celui d’une voix solitaire derrière un espoir, d’autres disaient un printemps, bridé et brisé.
#JeSuisAbdouKarimGueye.
Sénégalaises, sénégalais, avons-nous le droit de céder à la capitulation face à un général Macky Sall déserteur devant ses responsabilités et qui nous a prouvé, au delà de tout doute, son indignité et incapacité à tenir le flambeau des valeurs et espérances de notre pays?
Le virus et Dieu nous observent.

Adama Gaye, Le Caire, 14 Mai 2020

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

26 - Janvier - 2024

Degré Zéro de la politique (Par MOUSSA DIAW)

La politique est un engagement dans la gouvernance de la société pour améliorer le bien-être des citoyens par le respect des règles de jeu et de...

25 - Janvier - 2024

BASSIROU DIOMAYE FAYE CANDIDAT, QUE PREVOIT LA LOI POUR QU’IL PUISSE BATTRE CAMPAGNE ? (PAR Me ABDOULAYE TINE)

En l’état du droit sénégalais, la loi ne prévoit rien pour le cas d’une personne détenue en prison et qui doit battre campagne en tant candidat...

25 - Janvier - 2024

LES DERNIERES MAGOUILLES POLITICIENNES DE L’ERE MACKY !(PAR IBRAHIMA THIAM)

A deux mois du scrutin le conseil constitutionnel a donc validé vingt candidats à l’exception de deux opposants notables, Ousmane Sonko ancien leader du Pastef,...

25 - Janvier - 2024

Présidentielle 2024 : des candidats recalés reçus par le chef de l’Etat

Le chef de l’Etat, Macky Sall, a reçu en audience, mercredi, le Collectif des candidats recalés à l’élection présidentielle du 25 février,...

25 - Janvier - 2024

Audience au palais de la République : Les questions qui ont été abordées par le collectif des candidats spoliés devant le chef d’Etat

Le Président Macky Sall a reçu aujourd’hui le collectif des candidats recalés à la présidentielle du 25 février prochain. Une occasion pour Cheikh...