« PERSONNE NE PEUT S’OPPOSER À LA CANDIDATURE DE KHALIFA SALL À LA PRÉSIDENTIELLE »

04 - Septembre - 2018

Rien, ni personne ne peut s’opposer à la candidature de Khalifa Ababacar Sall. C’est la conviction de Me Abdoulaye Babou. L’ancien président de la commission des Lois à l’Assemblée nationale sous le régime de Abdoulaye Wade se fonde non seulement sur le droit, mais aussi et surtout sur le temps qui nous sépare de la déposition des candidatures pour la Présidentielle du 24 février 2019. Selon lui, d’ici cette date, on ne peut pas régler l’affaire pénale d’une manière définitive. Or, seule une condamnation définitive en matière pénale peut empêcher Khalifa Sall de se présenter. Par ailleurs, l’avocat a confié à Sud Quotidien que le Chef de l’Etat, Macky Sall a été «mal conseillé, mal avisé», sur la révocation de Khalifa Sall. Par la même occasion, il a estimé que le ministre de la Justice «n’a pas raison» en soutenant que le président Sall n’a besoin d’attendre une condamnation définitive pour révoquer le maire de Dakar.

Maître Babou, qu’elle est votre commentaire sur le décret de révocation du maire de Dakar ?

«Le décret du président de la République a eu le tort de faire référence à l’arrêt du 30 août dernier alors que cet arrêt de la Cour d’appel de Dakar, comme je l’ai dit, n’est pas une décision définitive. Il fallait attendre une décision définitive. Le gouvernement s’est précipité et a parlé d’arrêt définitif. Or, c’est justement à ce niveau où le décret de révocation de Khalifa Sall est attaquable. Car, il fait référence à une décision de justice qui n’est pas définitive. Les avocats de Khalifa Sall vont donc saisir la Chambre administrative de la Cour suprême pour attaquer le décret parce qu’il n’a pas de fondement juridique pour avoir visé l’arrêt du 30 août. Le président de la République a été mal conseillé, mal avisé avant de prendre sa décision de signer ce décret. Il aurait due ne pas faire référence à cet arrêt de la Cour d’appel. Sur le plan juridique, on ne peut pas se baser sur une chose qui n’est pas définitive pour motiver sa décision. Car, les choses peuvent changer.

Le président a pris la décision de lui ôter son statut de maire, mais le fondement juridique n’est pas bon. Je ne sais pas ceux qui ont conseillé le président, mais il ne fallait pas surtout faire référence à l’arrêt par qu’il n’est pas encore définitif.

Pourtant le ministre de la Justice, Ismaïlia Madior Fall soutient le contraire ?

Le ministre de la justice n’a pas raison parce que pour justifier la légalité du décret, il fait la même erreur que le chef de l’Etat en visant de la Cour d’appel. Ce jugement n’étant pas définitif, les sanctions étant suspendues, on ne peut pas y faire référence. C’est le cas pou l’article 61 de la Constitution qui parle de la destitution du député. Là aussi, on parle de condamnation définitive. C’est le mot «définitif» qui est important.

Ensuite, le ministre de la Justice a également parlé de l’article 331 du Code des Collectivités locales qui dit que si on utilise des deniers appartenant à la Collectivité locales à des fins personnelles, ça peut entrainer la radiation. Il devait se limiter à ce texte et non parler d’arrêt. C’est eux qui se sont enfermés dans une situation illogique en faisant référence à un arrêt qui n’est pas définitif. On ne peut tirer aucune conséquence finale d’un arrêt qui n’est pas définitif parce qu’il y’a encore des voies de recours et chaque fois qu’il en est ainsi, Khalifa Sall est toujours présumé innocent.

Ils ont visé l’arrêt. Cela veut dire que l’arrêt est pénal et que la décision n’est pas encore définitive. C’est là le tord du gouvernement. Il ne devait même pas parler de l’arrêt, c’est ce qui leur complique la vie. Tous les juristes sont d’accord, qu’en matière pénale, l’arrêt est suspensif. Au depuis, ils avaient raison, Khalifa Sall a utilisé des deniers publics pour des fins personnelles, là ce n’est pas une décision de justice mais, ils se sont foudroyés en visant l’arrêt. Ceux qui ont conseillé le président de la République l’ont enfoncé. Et en droit, on ne parle que d’une condamnation définitive. Donc, toutes les décisions du président de la République, tout ce qu’il a fait en visant l’arrêt du 30 août, n’est pas conforme au droit. Il fallait attendre. Ils ne l’ont pas fait. Ils sont passés à côté.

Quelles sont les chances dont Khalifa Sall dispose des chances pour récupère son fauteuil de maire?

Je pense que les chances de Khalifa Sall sont moindres. Car, la saisine de la Cour suprême par ses avocats n’empêchera pas l’application du décret. La meilleure façon pour l’arrêter, c’est d’introduire en même temps, une requête pour annuler le décret pour excès de pouvoir mais aussi introduire ce qu’on appelle le sursis à statuer. Autrement dit, en attendant que la section administrative de la Cour suprême règle le problème, on lui demande d’arrêter, de suspendre ce décret. Maintenant est-ce que cette procédure a des chances de réussite, j’en doute au regard du traitement réservé par cette même Cour suprême à l’affaire Nafy Ngom Keïta. Tout le monde savait que les conditions en droit de son relèvement à l’Ofnac n’étaient pas réunies mais néanmoins la décision est passée. Il y’a aussi le cas de l’ancien inspecteur des impôts, Ousmane Sonko qui a été relevé dans les mêmes conditions de non respect des procédures administratives. Ce qui est sûr, c’est que si la Cour suprême se base strictement sur le droit, le décret de révocation de Khalifa Sall sera annulé parce que les motivations choisies ne sont pas fondées.

Combien de temps dispose la Cour suprême pour rendre sa décision ?

Il faut faire la distinction. Pour le cas pénal, il n’y a pas de délai si vous faites un pourvoi en cassation en matière pénale pour que la section criminelle vide cette affaire dans un première temps. Généralement ça prend plus d’un an. Maintenant, si vous voulez utiliser la procédure des rabats d’arrêts, ça va encore prendre du temps. C’est pourquoi je disais qu’en matière pénale, vous ne pouvez pas vider totalement l’affaire de Khalifa Sall dans une période moins de deux ans. Or, il ne reste que quatre mois pour le dépôt des dossiers de candidature parce que le code électoral dit : «Les candidats à l’élection présidentielle doivent déposer leurs dossiers au plus tard 2 mois avant les élections». Donc, si vous prenez deux mois avant les élections, ça sera le 24 décembre. Calculer à partir de maintenant, nous sommes en septembre, octobre, novembre, décembre. Cela fait quatre mois. S’il n’y a pas une condamnation définitive, Khalifa Sall peut se présenter comme un candidat à l’élection présidentielle. Donc, pour la candidature de Khalifa Sall à l’élection présidentielle, personne ne peut s’y opposer. Personne !

Parce d’ici le 24 décembre 2018, on ne peut pas régler l’affaire pénale d’une manière définitive. C’est la condamnation définitive en matière pénale qui va empêcher Khalifa Sall de se présenter. Donc, ça c’est clair et net.

Est-ce la révocation de Khalifa Sall peut constituer un argument pour rejeter sa candidature ?

C’est ça la question que je me suis déjà posée. Si on poursuivait Khalifa Sall ne serait-ce que pour l’affaire pénale, on ne pourra jamais l’empêcher d’être candidat. Est-ce que maintenant, on ne va pas changer de fusil d’épaule en disant : «on laisse ça et on en vient maintenant à l’affaire administrative». Que dit la loi ? On fait état par exemple l’article 63 de la constitution pour le cas de Khalifa Sall mais comme député. Le député qui est condamné perd son mandat. Mais là aussi, on parle de condamnation définitive. On ne peut pas utiliser l’article 61 de la constitution parce qu’il y’a un écueil de droit, la condamnation ne pourra pas être définitive dans les quatre mois. Au moment où il a déposé, le dernier délai c’est le 24 décembre, donc par A ou par B, Khalifa Sall a des chances. On peut l’accuser de tous les délits, toutes les crimes, mais tant que la condamnation n’est pas définitive, on ne peut pas s’y opposer. Le Conseil constitutionnel ne pourra pas rejeter la candidature de Khalifa Sall. En lisant ses textes, il verra que ce n’est pas possible. Toutes les voies de recours ne sont pas encore épuisées. Il n’y a pas une condamnation définitive. Et tant que la condamnation n’est pas définitive, en droit, on considère que vous êtes innocent. Vous ne serez définitivement condamné que quand on a épuisé toutes les voies de recours. Et là on dira, maintenant, il est coupable. Mais, tant que ce n’est pas déterminé, on peut vous condamner à 10 ans, 20 ans, mais vous êtes innocent. La peine ne figure nulle part et elle ne pourra pas être inscrite sur le casier judiciaire. C’est ça la réalité.

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