Présidentielle 2024 : Aminata Touré lance sa campagne électorale

03 - Janvier - 2023

C’est désormais officiel : transfuge de la majorité sans être adoubée par l’opposition, Aminata Touré entend se porter candidate à la présidentielle de 2024.

Cette fois, c’est dit. Aminata Touré entend bien être candidate à l’élection présidentielle de février 2024, dût-elle affronter dans les urnes celui qu’elle a servi loyalement pendant plus d’une décennie : le président sortant, Macky Sall.

Le 22 septembre 2022, « Mimi » Touré l’avait suggéré de manière plus que subliminale, lors d’une conférence de presse : « Un de vos collègues journalistes disait que je pensais à 2024 à chaque fois que j’attachais mon foulard devant la glace. Laissez-moi vous dire que oui, j’y pense ! J’y pense encore plus intensément, j’y pense très sérieusement. J’irai au préalable à la rencontre des Sénégalais et des Sénégalaises recueillir leurs avis et leur soutien. »

Les préalables sont désormais derrière elle et la décision est prise, assure-t-elle aujourd’hui. Dimanche 1er janvier, une semaine après le discours traditionnel du président de la République – à tonalité beaucoup moins politique que le sien –, Mimi Touré a donc entamé l’année 2023 en fanfare. 

Clash


Rien de vraiment étonnant, venant de cette personnalité atypique, qui jette des pavés dans la mare comme d’autres des cuillerées de sucre dans la théière à l’heure de l’attaya – le thé à la menthe traditionnel.

Depuis septembre dernier, comme Jeune Afrique l’a relaté, le divorce était consommé avec son mentor. Si Macky Sall n’a jamais évoqué le sujet, elle-même ne s’en est pas privée. Et chacun, au Sénégal, d’y aller de son interprétation sur ce « clash ». Une chose est sûre : Aminata Touré s’estime trahie.

Après qu’on lui a préféré Amadou Mame Diop pour le perchoir de l’Assemblée, alors qu’elle avait dirigé la liste de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) lors des récentes législatives, elle a largué les amarres pour voler de ses propres ailes, au risque de se retrouver entre deux eaux : en rupture avec la mouvance présidentielle mais, aussi, en délicatesse avec l’opposition, qu’elle n’a jamais ménagée du temps où elle était l’une des alliées les plus fidèles du chef de l’État.

Le 1er janvier, sur Radio Futurs Médias (RFM), Mimi Touré a réitéré son opposition à un éventuel troisième mandat de Macky Sall. « L’un de mes combats communs avec l’opposition, c’est que la Constitution soit respectée, a-t-elle martelé. Je suis restée en conformité avec moi-même. »

Selon Mimi Touré, la perspective d’un troisième mandat risquerait de « plonger le pays dans l’instabilité ». Cet enjeu, reprend-elle, relève d’une « question citoyenne fondamentale ». « Nous tous, en chœur, avions parcouru le pays et assuré, la main sur le cœur, que nul ne pourrait exercer plus de deux mandats consécutifs. Le président Macky Sall himself a dit – et je le cite : « J’ai verrouillé la Constitution pour que la question du nombre de mandats ne se pose plus. »

Talon d’Achille


Dans la mythologie grecque, Achille avait un point faible : l’un de ses talons, par lequel l’avait tenu sa mère, Thétis, en le plongeant dans le Styx. Aminata Touré, elle, en a deux. D’abord, son long compagnonnage avec Macky Sall. Difficile, après cela, de passer pour une opposante crédible, même si ses déclarations récentes n’épargnent pas le chef de l’État. 

Dans un univers politique sénégalais où les changements de camp sont chose banale, elle aura tout de même réussi, au cours de ces derniers jours, à réaliser une pirouette inédite : faire front avec l’opposant radical Guy Marius Sagna, et déposer avec lui, à l’Assemblée, une question sur une affaire susceptible d’embarrasser le gouvernement.

« J’assume mon compagnonnage passé avec le président Macky Sall. Un compagnonnage loyal de ma part, et engagé, mais jamais inconditionnel, indique-t-elle à JA. Je suis restée constante dans mes positions, sur la question de la bonne gouvernance, au sujet de laquelle j’ai déposé une requête conjointe avec mon collègue Guy Marius Sagna. J’ai débuté au gouvernement comme ministre de la Justice, et j’ai dépensé beaucoup d’énergie sur des dossiers de reddition des comptes, sous les instructions de Macky Sall. Or, après [la divulgation d’un] rapport accablant de la Cour des comptes sur la gestion des 1 000 milliards du fonds [de lutte contre le] Covid, demander à entendre le Premier ministre à l’Assemblée nationale dans le cadre des questions d’actualité, comme le permet la loi, quoi de plus normal ? »

Et de poursuivre : « Macky Sall lui-même a occupé tous les postes sous la présidence d’Abdoulaye Wade, et s’est opposé à lui quand celui-ci a voulu un troisième mandat. Il est bien dommage que l’Histoire se répète. Un recul démocratique, un bond de dix ans en arrière est inacceptable pour moi et pour la majorité des Sénégalais. »

Charybde et Scylla


Deuxième talon d’Achille : cette ancienne ministre de la Justice aura également été l’artisan, ès qualités, de la procédure intentée devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) à l’encontre de Karim Wade, le fils d’Abdoulaye Wade, en exil au Qatar depuis sa libération, en juin 2016, et candidat déclaré à la prochaine présidentielle sous les couleurs du Parti démocratique sénégalais (PDS). Entre Charybde et Scylla, Aminata Touré saura-t-elle naviguer ?

Au Sénégal, depuis l’indépendance, en 1960, une seule élection présidentielle aura compté des candidatures féminines. En 2012, au terme du second mandat d’Abdoulaye Wade, Diouma Dieng Diakhaté et Amsatou Sow Sidibé avaient pu se présenter. Mais elles avaient recueilli, respectivement, 0,12% et 0,18% des voix.

« Justement, estime Aminata Touré, il est temps de changer tout cela : les femmes, qui représentent plus de la moitié des électeurs de ce pays, doivent affirmer sans complexe leurs ambitions dans tous les domaines. Elles doivent en outre constituer une alliance stratégique avec les jeunes, soit 89% de l’électorat, ce qui nous permettrait de tout changer, au Sénégal et en Afrique. Ce changement est plus que nécessaire afin de parvenir à davantage de justice sociale, à une meilleure gestion de nos ressources et à donner la priorité à l’intérêt général. »

jeune Afrique

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