Projet gazier GTA : graves accusations contre BP et Kosmos

11 - Décembre - 2024

Les compagnies britannique et américaine auraient recouru à des manœuvres frauduleuses au préjudice de l’État du Sénégal dans le cadre de l’exploitation du gaz que le pays partage avec la Mauritanie. Un rapport du cabinet Mazars pointe les soupçons.

Il y a de l’eau dans le gaz. Dans un rapport d’audit largement repris dans l’édition de ce mercredi 11 décembre de Libération, le cabinet Mazars impute à BP et Kosmos Energy pas moins de sept irrégularités financières qui auraient été commises dans le cadre de l’exécution du Contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures (Crpp) relatif au champ pétrolier Grand Tortue/Ahmeyim (GTA), découvert en 2015 et propriété du Sénégal et de la Mauritanie.

L’audit couvre 2012-2021. Durant cette période, souligne le rapport, la compagnie britannique BP détenait 60% des parts du projet, l’américaine Kosmos 30% et l’État du Sénégal, à travers Petrosen, 10%. Les auditeurs déclarent que l’examen des coûts pétroliers déclarés par les deux opérateurs révèle, entre autres irrégularités supposées, des surestimations de charges, une refacturation de charges fiscales, des entorses aux dispositions du Crpp en matière de comptabilisation des opérations en devises, des écarts et insuffisances à propos des pièces justificatives.

1. BP déclare des coûts pétroliers récupérables de 4 millions 126 mille 957 dollars (près de 2,6 milliards F Cfa) pour l’Unité GTA, soit 2 millions 63 mille 479 (environ 1,3 milliards F Cfa) de la quote-part du Sénégal, et 101 255 dollars (un peu plus de 63 millions F Cfa) pour les coûts «hors Unités». Le problème, selon Mazars, c’est que ces coûts englobent ceux (1,8 million de dollars, 1,1 milliard F Cfa) déclarés antérieurement, sans faire «l’objet de tenue comptable et de justification», par Timis Corporation, premier opérateur du projet, qui l’a cédé à BP et Kosmos.

«En l’absence de documentation probante, ces coûts déclarés ne peuvent être admis en récupération», tranche l’audit. D’autant que, souligne Libération, paraphrasant le rapport, «ces coûts [ont été] initialement déduits des états des coûts recouvrables par Kosmos».

2. Kosmos, pour sa part, a déclaré, selon les auditeurs, des coûts pétroliers de 171 987 dollars (près de 120 millions F Cfa) pour 2014-2016, période «durant laquelle [la compagnie américaine] a agi en tant qu’opérateur de Cayar Profond et Saint-Louis Offshore Profond». «Toutefois, pointent les fouineurs de Mazars, malgré plusieurs relances et rappels, les pièces justificatives qui nous ont été fournies pour justifier ces dépenses, n’ont été constituées que de factures sans documentation probante des contrats, des preuves et justifications des livraisons de biens ou de réalisation des services. En l’état actuel, nous n’avons pas été en mesure de justifier le caractère recouvrable de ces dépenses.»

3. L’audit a relevé «la refacturation de charges fiscales, notamment de la part du sous-traitant Eiffage marine (Ndlr, redressé récemment par le Fisc), portant sur un montant de 12 063 milliers de dollars [7,5 milliards F Cfa] et reportées comme un coût récupérable par le contractant».
Mazars estime que les montants en question doivent être déduits «de l’état des coûts pétroliers récupérables car ils ne remplissent pas, de par leur nature, les conditions de récupérabilité de coûts et ne sauraient être supportés par l’État dans le cadre du recouvrement du Cost oil [remboursement des dépenses d’exploration et d’investissement]».

Pour appuyer sa conclusion, le cabinet d’audit rappelle que les contractants, leurs sous-traitants et les sous-traitants de ces derniers bénéficient d’une exonération de tous les impôts, taxes et droit au profit de l’État durant les phases de recherche et de développement des projets pétroliers et gaziers.

4. Dans son rapport, Mazars signale que «le contractant [BP] n’a manifestement pas respecté les dispositions du Crpp et ses annexes comptables en matière de comptabilisation des opérations en devises autre que le dollar».

Pire, souligne Libération, reprenant les auditeurs, «la réestimation des gains et pertes de change dans le cadre de la conversion en dollar de l’ensemble des opérations libellées en devises autre que le dollar a permis de relever un surplus de coût estimé à 194 346 dollars (121 millions F Cfa). «Par conséquent, tranche le cabinet, la quote-part de coût à rejeter sur les états de coûts pétroliers du Sénégal sera de 54 694 milliers de dollars [34 milliards F Cfa], soit 50% du total des coûts rejetés.»

5. 6. 7. Les auditeurs du projet GTA ont pointé en plus une «surévaluation de 301 008 milliers de dollars [187,4 millions F Cfa]» des frais de siège «imputée aux coûts pétroliers», «des écarts sur les pièces justificatives d’un montant de 30 829 dollars [19,1 millions F Cfa]» et «des pièces justificatives insuffisantes concernant un montant de 69 731 dollars [43,4 millions F Cfa]».

 

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