PROPOS DE MERCREDI : ENCADREMENT AUTORITAIRE DE LA DEMOCRATIE

20 - Mars - 2019

La note du coordonnateur des juges de l’application des peines, restreignant les possibilités d’obtention de permis de visite au détenu Khalifa Sall, renforce l’isolement de l’ancien maire de Dakar. Cette nouvelle sanction déroute l’opinion, car elle intervient dans un contexte où Macky Sall a annoncé l’ouverture d’un dialogue national à partir du mois d’avril.
Certes, le confinement de l’interlocuteur peut être un moyen de le soustraire à l’influence indésirable de ses alliés. Mais le plus probable est que cette note vient punir la posture du célèbre prisonnier qui ne semble pas, malgré les nombreux appels du pied, prêt à quémander une grâce présidentielle.
Khalifa Sall a, aux yeux du pouvoir marron, le grand tort de rester, dans sa résidence rebeussoise, un acteur politique autonome jouant un rôle important dans la recomposition en cours de l’opposition. Il n’accepte pas de se comporter comme un otage. Tout le contraire de son compagnon d’infortune, Karim Wade. Un otage est une arme pour un chantage, une monnaie d’échange qu’on se procure dans le but d’influencer la conduite de l’adversaire. En l’espèce, la prise d’otage a visé la neutralisation du Pds et du Ps-Taxawu Sénégal à l’occasion de la dernière présidentielle. Elle n’a atteint son objectif que pour le premier.
La note du juge est un fait qui doit faciliter la compréhension de la démarche du pouvoir dans l’actuel contexte post-électoral. Un pouvoir conscient d’avoir exagéré dans le trucage du processus électoral et dans les diverses fraudes ayant abouti à la « réélection » du 24 février. Un pouvoir minoritaire et illégitime en quête de légitimation.
Une double légitimation. D’abord, celle du « résultat » de la présidentielle ; ensuite et surtout, celle des nouvelles réformes censées garantir aux investisseurs attirés par l’odeur du pétrole et du gaz un environnement politique stable protégé contre toute mauvaise surprise démocratique, c’est-à-dire contre toute alternance remettant en question les contrats léonins déjà signés. Au-delà du sort de l’actuel président, l’enjeu de ces réformes est de permettre à l’actuelle oligarchie de garder le pouvoir après 2024, au grand bénéfice de ses commanditaires extérieurs.
Un de ses idéologues, Abdou Fall, délivre le concept de ces réformes. Il propose une évaluation de « quarante années d'un régime de libertés absolues en faveur des citoyens, des partis, des médias et associations » en vue « de son encadrement et de la redéfinition des responsabilités des parties prenantes ». Encadrement, le fin mot est lâché. Une démocratie encadrée, c’est l’autoritarisme institutionnalisé. C’est, entre autres innovations régressives, une Charte des partis politiques facilitant leur dissolution et limitant leurs capacités de participation aux élections, comme au Bénin où seuls deux partis de la mouvance présidentielle ont été qualifiés pour les prochaines législatives. Et des modifications du Code électoral anéantissant toute possibilité d’alternance.
L’intention est nettement affichée. Mais le résultat final dépendra surtout de l’attitude de l’opposition, qui doit choisir entre un boycott stérile et une stratégie offensive de corps-à-corps.
20/03/2019
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien député
Secrétaire général du Mps/Selal

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

04 - Juillet - 2023

LE PRESIDENT MACKY SALL OU LA GRANDE LEÇON DE DEMOCRATIE ! (PAR MOISE SARR)

Monsieur le Président, ce lundi 3 juillet 2023, Vous avez écrit une page nouvelle dans l’histoire politique de notre cher pays, le Sénégal. Alors que plusieurs...

04 - Juillet - 2023

MACKY SALL NON PARTANT EN 2024 : LES REACTIONS DE BEN, AMADOU DIALLO ET Dr DIA

Macky Sall voulait « jouer au plus malin » « Pour avoir respecté notre Constitution sous la pression en interne du peuple et de l'internationale ? »,...

03 - Juillet - 2023

Présidentielle 2024 : Ousmane Sonko parle de deal et alerte sur son isolement par Macky Sall et ses alliés

Dans sa déclaration face au peuple sénégalais, dans la soirée du 2 juillet, Ousmane Sonko a vilipendé le Chef de l’Etat, Macky Sall sur son intention de...

03 - Juillet - 2023

Présidentielle 2024 : Karim Wade se prépare à son retour au Sénégal (cadre PDS)

Karim Wade se prépare à venir au Sénégal dans le cadre des élections présidentielles de 2024. C’est ce qu’a soutenu Doudou Wade lors de...

03 - Juillet - 2023

A la Une, la fin du suspense sur une troisième candidature de Macky Sall

La déclaration de Macky Sall, prévue ce lundi, à partir de 20 heures, pour clarifier s’il est candidat ou non à la présidentielle de 2024 est au menu des...