PROPOS DE MERCREDI : L’EAU, UNE DENREE DANGEREUSE ?

27 - Mars - 2019

La Sde nous fait croire une fois encore qu’un accident survenu sur une de ses conduites est la cause de l’assèchement des robinets à Dakar et d’autres villes. La fréquence de tels accidents pose la question de savoir si les sociétés chargées de l’hydraulique détiennent réellement les plans du tracé de leurs canalisations. Sinon, qui les détient et pourquoi ?
Cet arrêt de la distribution d’eau vient généraliser une pénurie sévère dont Dalifort et d’autres quartiers dakarois souffrent déjà depuis plusieurs jours. L’origine du manque d’eau n’est donc pas strictement accidentelle. Le déficit structurel de la production d’eau est toujours aussi profond qu’avant. Les investissements requis ne sont pas effectués ou n’ont pas l’impact attendu. Ce qui n’est guère étonnant dans un contexte de privatisation du secteur, où la grande question d’actualité est de savoir qui, de « M. Bouygues » ou de « M. Suez », va empocher les milliards que les Sénégalais paient annuellement pour pouvoir consommer leur propre eau.
Est-ce la guerre entre ces deux multimilliardaires français qui provoque aujourd’hui des dommages collatéraux accidentels ? On ne peut que spéculer en l’absence d’une enquête sérieuse sur la question. Idem sur la qualité de l’eau servie, qui est soupçonnée de contribuer à l’extension de certaines maladies endémiques.
Le manque d’eau affecte aussi gravement les populations rurales. Nous avons déjà dénoncé ici les dangers de la privatisation de l’hydraulique rurale réalisée dans le cadre du Pepam. Désormais, chaque jour apporte son lot d’informations consternantes sur des communautés villageoises entières privées d’eau du fait de la défaillance technique des opérateurs ou de factures impayées car anormalement chères.
La fin de la soif n’est pas pour aujourd’hui dans le milieu rural, en dépit du tapage électoraliste orchestré autour du Pudc et du Puma. On révèle à ce propos que nombre des forages précipitamment réalisés et bruyamment inaugurés ont déçu les bénéficiaires, car ils fournissent peu d’eau ou une eau salée. D’autres demeurent non fonctionnels faute de châteaux d’eau.
Un minimum de souci pour les conditions de vie des populations et pour la sécurité nationale devrait inciter à mettre à profit la transition actuelle entre un contrat expiré et un autre non encore signé, pour explorer des alternatives à la privatisation tous azimuts. Paradoxalement, l’expérience de la privatisation de l’eau, comme celle de l’électricité, a fini de démentir le prétexte d’une incapacité nationale à gérer convenablement ces secteurs stratégiques, qui avait été brandi en son temps par la Banque mondiale pour les justifier. Les partenaires stratégiques apportent certainement un plus mais il peut être optimisé dans le cadre d’une gestion publique faisant appel à la concurrence internationale.
Pourquoi devrions-nous rester éternellement les bannis de la nationalisation, qui est partout dans le monde un instrument de gestion ordinaire ? Ou plutôt jusqu’à quand les intérêts privés étrangers vont-ils prévaloir sur le droit des Sénégalais à une eau saine et potable à un prix raisonnable ?

27/03/2019
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien député
Secrétaire général du Mps/Selal

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

07 - Février - 2024

Report de la présidentielle : Le Conseil National du Laïcat invite au respect scrupuleux du calendrier républicain

Dans un communiqué, le Conseil National du Laïcat s’est prononcé sur le report de la présidentielle et invite au respect scrupuleux du calendrier...

07 - Février - 2024

Sénégal : « Ce coup de force s’inscrit dans notre histoire françafricaine »

Benjamin König ( Humanité.fr)- Coauteur d’un ouvrage récent sur l’histoire électorale des pays de la Françafrique, Ndongo Samba Sylla analyse ce qui se...

07 - Février - 2024

LES MINISTRES SAMBA SY, MOMAR SAMB ET LES PARTIS DE GAUCHE REJETTENT CATÉGORIQUEMENT LE REPORT DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

La gauche contre le report de l’élection présidentielle. Dans un communiqué publié hier soir, les partis membres de la CDS a souligné qu’un «...

07 - Février - 2024

LES ETATS-UNIS « SONT PROFONDEMENT PREOCCUPES » APRES LE REPORT DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE

Il s’agit de la réaction la plus critique à ce jour d’un important partenaire du Sénégal face à la grave crise politique que traverse le pays. Les...

07 - Février - 2024

Sénégal: 13 candidats d'opposition s'allient pour protester contre le report de la présidentielle

Ils sont 13 candidats sur les 20 de la liste définitive à former désormais un collectif. Parmi eux, Amadou Ba, le mandataire du candidat de l’ex-Pastef Bassirou Diomaye...