QUAND L’ETAT ETRANGLE DAKAR, PIKINE, GUEDIAWAYE, RUFISQUE ET THIES

27 - Décembre - 2018


Alors que le monde entier, particulièrement les grandes Villes sont revêtues de leurs plus beaux atours pour les fêtes de fin d’année, et pour accueillir le nouvel an, Dakar ne brille pas, cette année. Ou du moins comme ce fut le cas ces dernières années. A l’exception de quelques grandes artères qui sont illuminées et décorées, la capitale sénégalaise n’est pas… en fête. Au-delà de la capitale, cette réforme initiée par l’Etat pour mutualiser les ressources a des répercussions sur le fonctionnement de toutes les 5 Villes du Sénégal, au sens juridique du terme, à savoir Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès.

FIN D’ANNEE 2018 : Dakar ne fête pas

Contrairement aux années précédentes, Dakar n’est pas en fête, en cette fête d’année 2018. Excepté quelques grandes artères qui seront illuminées et décorées, certaines le sont déjà, rien ou presque ne renvoie aux fêtes de fin d’année dans la Ville capitale du Sénégal. La faute à la réforme initiée par l’Etat du Sénégal et consacrant la suppression de la patente, d’où provient l’essentiel des recettes de la Villes, au profit de la Contribution économique locale (CEL). Ce que confirme Cheikh Guèye, adjoint au maire de Dakar, par ailleurs maire de la commune de Dieuppeul-Derklé. Interrogé, hier mercredi, par Sud Fm Sen Radio, M. Guèye explique que ce changement introduit par le gouvernement dans le fonctionnement des collectivités territoriales pour mutualiser les ressources est à l’origine des difficultés de trésorerie de la Ville. «D’abord il y a un problème de contrainte budgétaire. Il y a un problème aussi que les partenaires qui nous accompagnent pendant ce moment connaissent les mêmes difficultés que nous et ne peuvent exercer ce qu’ils avaient à faire dans le passé. Il y a une situation très difficile, beaucoup de blocages que la Ville a connu, avec la détensions du maire.» Cheikh Guèye d’ajouter que «la situation telle qu’elle est posée, est très difficile. Nous connaissons une situation financière très tendue, nous connaissons des difficultés quant à l’obtention de matériels de décoration et de pavoisement de la Ville. Même la Ville aujourd’hui, qui d’habitude était habillée et décorée, ne l’est pas parce que le matériel à notre disposition ne permet pas de mettre cela partout (dans la Ville) à travers les grandes artères.»

Toutefois, note-t-il, la municipalité fait avec les moyens à sa disposition pour permettre au Dakarois de passer une bonne fête, malgré toutes les difficultés liées à cette réforme en cours. «Mais avec l’arrivée de madame le maire, Soham El Wardini, qui est dans cette posture de rendre Dakar aux Dakarois, de faire de sorte que les Dakarois sentent les engagements et les programmes de la Ville de Dakar, madame le maire a essayé autant que faire se peut de vouloir faire de sorte que les Dakarois voient leur Ville décorée à l’occasion de la fête de fin d’année. Madame le maire a donné des instructions très claires aux services techniques de faire de sorte que la ville, même si elle n’est pas habillée, décorée comme ce fut le beau temps, mais qu’on sente quand-même des efforts. C’est ce qui fait qu’on a privilégié certains grands axes de Dakar pour montrer les efforts que la Ville est entrain de consentir, à l’instar des grandes Villes d’Afrique et du monde.» D’ailleurs, ces problèmes de décoration ne sont que l’arbre qui cache la forêt des difficultés que rencontre la Ville de Dakar.

Interpellée à l’occasion du réveillon de Noël 2018 par Zik Fm, madame le maire, Soham El Wardini, a justifié cet état de fait par des contraintes budgétaires nées de la suppression de la patente. «C'est justement ça. Ce sont les contraintes budgétaires. La patente a été supprimée et jusqu'à présent il n'y a pas de liquidité. Ce qu'on peut faire au niveau de la perception, c'est juste le salaire. Le percepteur ne peut pas faire autre chose. On a utilisé le reste de nos décorations qui se trouvaient dans le magasin», a révélé le maire de Dakar. En ce qui concerne la Place de l'indépendance, elle a affirmé que c'est un «privé» qui s'est chargé de la décoration cette année. «Nous, nous avons fait ce qu'il y a au Centenaire et le reste en ville», a dit Soham El Wardini.

REFORME PORTANT SUPPRESSION DE LA PATENTE AU PROFIT DE LA CEL - L’AMS salue une mesure qui permet de mutualiser les recettes, même si…

En dehors de Dakar, les difficultés de trésorerie liées à la suppression de la patente, au profit de la Contribution économique locale (CEL), touchent les 5 principales Villes du Sénégal que sont Dakar, Guédiawaye, Pikine, Rufisque et Thiès qui ne disposent plus d’assez de recettes fiscales pour dérouler normalement les différentes activités. En attendant de légiférer pour la redistribution des ressources (à mutualiser) conformément à cette réforme, l’Association des maires du Sénégal (AMS) indique qu’à la Direction de la Comptabilité publique et du Trésor, des facilités ont été faits pour permettre aux collectivités locales, mais surtout à ces grandes Villes de prendre en charge les dépenses obligatoires. «C’est une réforme très importante qui a nécessité des études. Et ces études ont pris pratiquement toute la durée de l’exercice. Ce qui fait que, de façon législative, les textes n’ont pas été votés; même si les techniciens ont validé; ce qui a impacté surtout le fonctionnement de certaines collectivités dont une bonne partie des recettes était composée de la patente. Mais, toujours est-il que l’AMS s’est saisi de la question, s’est approchée des services de la Direction de la Comptabilité publique et du Trésor. Et, naturellement, le directeur général, M. Cheikh Diop, a compris nos préoccupations et des facilités ont été faits pour permettre aux collectivités locales, mais surtout à ces grandes Villes, de prendre en charge les dépenses obligatoires», affirme Mbaye Dione, Secrétaire général de l’AMS, au micro de Sud Fm Sen Radio, précisant que l’AMS suit de très près cette question

M. Dionne qui salue la mesure reconnait qu’«au-delà des 5 grandes Villes que sont Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès, une bonne partie des collectivités territoriales, les communes en particulier, qui bénéficiaient de la patente ont eu quelques difficultés par rapport au recouvrement, pour la bonne et simple raison que l’Etat du Sénégal, en accord avec les élus, ont apporté une réforme qui fait disparaître la patente au profit de la Contribution économique locale sur la valeur ajoutée et sur la valeur locative. Et ça, c’est un système qui permet de mutualiser les recettes et celles qui bénéficiaient de la patente ont continué à en bénéficier, mais un volet de cette patente sera reversé à certaines communes qui n’avaient qui n’avaient pas du tout de fiscalité locale. C’est une mesure salutaire du gouvernement parce que ça permet quand-même de niveler vers le haut et personnes n’y perd. Au contraire, ceux qui recevaient la patente dans le système de compensation vont recevoir au moins le montant de ce qu’ils avaient lors du dernier exercice», conclut-il le Secrétaire général de l’AMS

AMADOU SENE NIANG, CONSULTANT, FORMATEUR EN GOUVERNANCE LOCALE : «Si cela continue, nous allons tout bonnement à la mort des collectivités locales»

Réagissant par rapport aux contraintes budgétaires que traversent les Villes du Sénégal, notamment Dakar, en cette période de fêtes de fin d’année, à travers un entretien avec Sud Fm Sen Radio, Amadou Sène Niang conseille le chef de l’Etat, Macky Sall à travailler en faveur de collectivités locales fortes, riches et qui puissent véritablement disposer de recettes, s’il veut véritablement que le Sénégal émerge. Pour le consultant, formateur en gouvernance locale, on ne peut pas comprendre que l’Etat puisse prendre des décisions sans pour autant anticiper les conséquences de celle-ci sur les collectivités locales. Et, si cela continue, nous allons tout bonnement à la mort des collectivités locales.

DEPUIS QUE CETTE LOI SUPPRIMANT LA PATENTE A ETE VOTEE, «AUCUNE VILLE NE FONCTIONNE AU SENEGAL»

«La ville de Dakar vit des difficultés financières assez énormes pour la seule et simple raison que les Villes qui sont au Sénégal, qui sont au nombre de 5 : Rufisque, Dakar, Guédiawaye, Pikine et Thiès, n’ont que deux recette fiscales principalement. Il s’agit de l’ancienne patente (contribution des patentes) et du foncier bâti. Tout le reste est dérisoire, c’est-à-dire, c’est les produits de l’état-civil (entre 50 millions), les transfères étatiques qui ne font pas 200 millions, un peu les produits de la coopération qui très souvent ne font pas 100 millions pour toutes les grandes Villes. Et maintenant là, ce qu’on a constaté, c’est que les ressources que j’ai cité tout à l’heure font 90% voire 95% des recettes des Villes. Il se trouve que cette année, l’Etat a bien voulu réformer la patente en la supprimant purement et simplement et en la remplaçant par ce qu’on a appelé la Contribution économique locale (CEL), avec deux volets: la CEL/VA c’est-à-dire Contribution économique locale/Valeur ajoutée et la CEL/VL pour la Contribution économique locale/Valeur locative. Cette dernière CEL (CEL/VL), reste dans la Ville où se trouve l’entreprise. Maintenant, pour ce qui est de la CEL/VA, elle va être rassemblée dans un grand panier à redistribuer par voie législative aux autres collectivités locale du Sénégal. C’est cette loi de répartition de la CEL/VA qui fait qu’aujourd’hui cette somme n’est pas encore redistribuée aux différentes collectivités locales. Or, c’est la part la plus importante des recettes des Villes. C’est pourquoi, depuis que cette loi a été votée, aucune Ville ne fonctionne au Sénégal. La Ville de Rufisque, la Ville de Dakar, tout comme les autres Villes, que ça soit Guédiawaye, Pikine et Thiès, n’ont aucune recette fiscale qui leur permettrait de fonctionner.

«ON NE PEUT PAS COMPRENDRE QUE L’ETAT PUISSE SE PERMETTRE DE PRENDRE DES DECISIONS SANS POUR AUTANT ANTICIPER LES CONSEQUENCES»

Aucune dépense ne peut être effectuée, surtout les dépenses d’investissement. Vous aviez entendu les Rufisquois dire, quand ils votaient leur budget l’année passée que l’année 2018 allait être une année d’investissement; aucun investissement n’a été fait. Allez à Dakar, ce sera certainement la même chose, aucun n’investissement n’a pu être fait parce que justement il n’y pas de recettes fiscales qui devraient permettre à ces collectivités locales là de pouvoir disposer de moyens pour subvenir aux préoccupations des populations. Mais, si cela continue, nous allons tout bonnement à la mort des collectivités locales parce qu’une collectivité locale a une personnalité morale, une autonomie financière. Et, justement, elle est gérée par une assemblée élue au suffrage universel. On ne peut pas comprendre que l’Etat puisse se permettre de prendre des décisions sans pour autant anticiper les conséquences qui pourraient s’abattre sur ces collectivités locales là. Et, ma foi, c’est ce qui est arrivé cette année et c’est pourquoi toutes les grandes Villes, au sens juridique du terme, n’ont pu rien faire.

SI MACKY VEUT VERITABLEMENT QUE LE SENEGAL EMERGE, IL DOIT ŒUVRER POUR DES COLLECTIVITES LOCALES FORTES, RICHES ET DOTEES DE RECETTES

Je crois que le président de la République va vous entendre, il est interpellé. S’il veut véritablement que le Sénégal émerge, cela passe par des collectivités locales fortes, riches et qui puissent véritablement disposer de recettes. Cela pose aussi un autre problème: c’est un peu le pouvoir fiscale des collectivités locales. On se rend compte que les collectivités locales n’ont aucun pouvoir fiscal, ni dans la détermination de l’assiette, ni dans le recouvrement, ni dans la détermination et l’identification des contribuables. Tout est géré par une chaine fiscale assez huilée par l’Etat, à travers ses services déconcentrés, à travers la Direction des Impôts et Domaines, à travers le Trésor. A ces niveaux là véritablement, il y a beaucoup de travail à effectuer pour permettre à ces collectivités locales de pouvoir jouer leur rôle, comme cela se fait partout ailleurs, en Afrique. Je peux citer le Cameroun où il y a le FEICOM (le Fonds spécial d'équipement et d'intervention intercommunale, ndlr) qui permet, dans une gestion assez harmonisée, équilibrée, de gérer la chaine fiscale et de faire une redistribution au profit et de l’Etat et des collectivités locales. Allons dans ce sens pour permettre aux collectivités locales du Sénégal de pouvoir avancer.»

sud quotidien

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