Rébellion de Cissé Lô: Macky va-t-il oser ?

17 - Décembre - 2019

Moustapha Cissé Lô a mis fin à une série de limogeages de proches pour des fautes jugées graves dans leurs communications : Moustapha Kassé, Sory Kaba, Moustapha Diakhaté.

Il a dit ou fait pire et continue à le faire, sans être inquiété. Du moins pour le moment. Il a ainsi mis à nu la fragilité d’une démarche, celle qui consiste à brandir le bâton pour faire taire des proches qui n’ont fait qu’exprimer leurs opinions, parfois sur un seul sujet.

Il a révélé la stratégie de deux poids deux mesures du Président, il a défié son autorité, indisposé le parti et semé la discorde. Mais, il est encore là.

C’est vrai que l’homme est député. Et il a mandat électif que la seule démission du parti peut le lui faire perdre.

En plus, Macky l’avait envoyé au Parlement de la Cedeao, il en a assuré la Présidence, une aubaine pour devoir un personnage panafricain, très connu et dont le cursus ne va plus laisser indifférent.

Qui plus est, il a accompagné le Président au tout début de la création de son parti, a contribué à financer les opérations de conquête du pouvoir.

Et le comble de tout cela, c’est qu’il ne se laisse pas faire. Il n’hésitera pas à continuer des déballages qu’il a déjà commencés à propose de Yakham Mbaye. Cissé Lô est quelqu’un qu’il vaut mieux garder dans ses rangs que de jeter dans la jungle politique. Son opposition interne est encore modérée. Mais Macky sait que le jour qu’il lui créera des problèmes, il lui donnera carte blanche pour livrer à ses opposants et à l’opinion publique, davantage d’arguments contre le régime.

C’est ce cas que le Président va sans doute essayer de gérer de retour d’Egypte. Il lui faudra trouver une parade. Et la seule valable, en l’espèce, c’est de le recevoir et de discuter franchement avec lui sur les causes de sa rébellion. Le grand Manitou s’est rendu compte que la politique du bâton a des limites. En politique, seul le dialogue peut contribuer à résoudre certains problèmes.

Malheureusement, depuis sa victoire en 2012, il n’a cessé de faire le vide autour de lui : Mbaye Ndiaye, Mimi Touré avant d’être réhabilitée, Mor Ngom, Alioune Badara Cissé, et bien d’autres aux responsabilités égales ou moindres, ont été touchés.

Jusqu’ici, contrairement à ceux qui parlent d’absence d’autorité, l’Alliance pour la République (Apr) a souffert d’une forme d’autoritarisme qui n’a pas épargné les alliés de Benno Bokk Yaakar (Bby).

Le ‘’mouth ba moth’’ (se taire ou partir) a toujours prévalu. Jusqu’à ce que Cissé Lô se braque.

Alors, on peut se demander si Macky va oser ? Va-t-il siffler la fin de la récréation ou le laisser continuer à vociférer au point de mettre en danger les fondements de son régime ? Va-t-il négocier ou sanctionner ? Des questions dont il a, seul, les réponses.

Qu’à cela ne tienne, cette situation a le mérite de rappeler aux apéristes qu’ils ont tout intérêt à davantage structurer leur parti afin de lui doter des mécanismes de prévention, d’organisation, de prospective et de sanction nécessaires, pour faire face à des situations de crise grave.

Un parti sérieux ne saurait s’articuler autour d’une seule personne, sans numéro 2 et sans réelle volonté de responsabiliser les uns et les autres.

C’est justement cela qui a rendu prématurée la guerre de succession et le fait que de hauts responsables soient indexés par leurs frères de parti de chercher à lorgner le fauteuil présidentiel.

A cela s’ajoute le flou autour de sa posture en 2024. Personne ne sait si Macky va tenter de rester ou va partir. Alors, ceux qui ne peuvent plus s’approcher du Président, estiment que leur mort politique a été programmée pour les empêcher d’avoir un avenir dans le parti au détriment d’autres.

En conséquence, si rien n’est fait et que cette situation doit perdurer jusqu’aux locales et aux législatives, les contradictions énormes qui génèrent les investitures vont précipiter la dégénérescence du parti et la confusion générale va régner autour du Président Sall.

Peut-être que l’Apr en a marre du pouvoir…

Assane Samb

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