Réforme du Code du travail en France: Ce qui risque de bientôt changer pour vous

21 - Août - 2017

Le moment de vérité approche. Cette semaine, le ministère du Travail doit présenter aux organisations syndicales et patronales une partie du contenu des fameuses ordonnances qui pourront bouleverser la vie des salariés et des employeurs. Si les textes ont été soigneusement conçus à l’abri des regards, le cadre général, à savoir le projet de loi d’habilitation, est quant à lui connu puisqu’il a été adopté par le Parlement début août.
Trois grands thèmes sont définis : la « nouvelle articulation de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche », la « simplification et le renforcement du dialogue économique et social et de ses acteurs », et enfin « la sécurisation des relations de travail ». Alors concrètement, qu’est-ce qui pourrait changer ?
Ce qui pourrait changer… pour les CDI
Le thème a beaucoup fait débat cet été. Le « CDI de chantier » ou « contrat de chantier », pour l’instant limité au BTP, pourrait être étendu à d’autres sphères. Ce contrat de travail dure le temps d’une mission, ou d’un chantier. Comme il n’a pas de date de fin précise, ce qui le range dans la catégorie des CDI, il peut donc excéder la durée maximale d’un CDD (18 mois, hors exceptions). Une fois la mission terminée, l’employeur peut tout à fait licencier le salarié, qui touche alors des indemnités légales, mais pas de prime de précarité.
Le projet de loi ne définit pas les domaines (informatique, automobile, etc) qui pourraient être concernés par ce contrat. Il se borne à indiquer que le recours au CDI de chantier devra être validé « par accord de branche », ce qui laisse la possibilité au gouvernement d’exclure certains secteurs… ou pas.
Ce qui pourrait changer… pour les CDD
Le contrat à durée déterminée est pour l’instant strictement délimité par le Code du travail. Dorénavant, les branches auront droit d’y apporter des modifications. Le secteur de la restauration rapide pourrait par exemple décider d’augmenter le nombre de renouvellements possibles d’un CDD ou d’allonger sa durée.
« Les motifs de recours au CDD pourront également être élargis, craint Fabrice Angéï, spécialiste du dossier à la CGT. Il va y avoir des marchandages branche par branche, ce qui conduira à du dumping social : certaines branches seront encore plus dévalorisées qu’aujourd’hui. De plus, rien ne dit qu’à terme les entreprises ne puissent pas elles-mêmes décider des conditions des CDD, si les branches décident de leur déléguer cette compétence ».

Ce qui pourrait changer… pour les accords d’entreprises
C’est l’un des points clés des ordonnances. Le projet de loi veut faciliter « les modalités de négociation, de révision et de conclusion d’un accord (…) dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ». François Asselin, président de la Confédation des petites et moyennes entreprises (CPME) revendique « un dialogue social direct : s’il n’y a pas de syndicats, il faut pouvoir signer un accord avec les délégués du personnel » affirme-t-il.
Autre point important : le recours au référendum d’entreprise où les syndicats sont présents. Pour l’instant, seuls les syndicats représentant au moins 30 % des voix ont le pouvoir d’organiser un référendum. Celui-ci possède une valeur légale, qui valide un accord d’entreprise. Si le texte reste en l’état, l’employeur pourrait lui aussi faire valider un accord via le vote des salariés, même en cas de refus des syndicats majoritaires. ​Une ligne rouge pour de nombreux leaders syndicaux.
Ce qui pourrait changer… en cas de licenciement
Les ordonnances vont définir un barème obligatoire pour les dommages-intérêts versés au salarié lorsqu’il est victime d’un licenciement jugé abusif, notamment en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. Jusqu’à présent, le barème était indicatif. Pour Fabrice Angéï, c’est tout simplement « un contournement du juge (…) Cela va permettre de connaître le prix à payer pour se séparer d’un salarié, quels qu’en soient les motifs ».
Cette position n’est pas partagée par tous les syndicats : dans un entretien accordé au Monde le 28 juin, Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, affirmait que l’instauration d’un barème n’était pas une ligne rouge pour lui. Reste à connaître les montants qui auront été arbitrés.

« Il ne faut pas que ce soit un drame »
Autre changement qui s’annonce sur les licenciements : le gouvernement veut en finir avec le « formalisme » des prud’hommes. Au fil des débats, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, n’a cessé de répéter cette histoire :

Pour François Asselin, « il faut sécuriser la rupture du contrat de travail. Lorsqu’on doit se quitter, il ne faut pas que ce soit un drame ni pour le salarié, ni pour l’entreprise ». Ce point étonne Fabrice Angéï : « Se séparer d’un salarié est assez facile aujourd’hui, il suffit de voir l’explosion du nombre de ruptures conventionnelles. Vouloir réformer le licenciement sous prétexte d’un trop grand formalisme, c’est un faux motif ».
Quel calendrier ?
Selon le ministère du Travail, la « semaine de concertation » démarrera le mardi 22 août. Le directeur de cabinet de Muriel Pénicaud, Antoine Foucher, recevra d’abord le Medef. Les autres partenaires sociaux se succéderont ensuite de mercredi à vendredi.
Une fois cette phase refermée, les derniers arbitrages seront rendus, avant l’envoi des ordonnances au Conseil d’État, pour consultation, le 28 août. Puis le 31 août, ce sera le grand jour : Edouard Philippe a promis que le projet serait officiellement présenté à cette date, normalement via une conférence de presse.

20mn.fr

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