Remaniement: “La plus grave heure de l’histoire du Sénégal a sonné hier”, Adama Gaye

02 - Novembre - 2020

La plus grave heure de l’histoire du Sénégal a sonné hier. Sous la forme d’un tremblement de terre survenu à travers un semblant de remaniement ministériel mais vraie trahison d’un peuple désormais obligé de répondre à la hauteur de la gifle qui lui a été faite.
Au lendemain de cet acte qui le laisse groggy, gorge nouée, sans voix, pris en otage, encerclé par les pires dealers en son sein, sa marge de manœuvre ne lui laisse qu’une alternative des plus raides. Qui se résume à un choix simple : se révolter, uni, dans ce qui reste de forces de refus, ou se résigner en acceptant le sort peu enviable qui lui est tracé, vers sa perte de contrôle sur son destin, sa souveraineté et son héritage historique ou naturel.
Ce qui s’est passé dépasse l’entendement. C’est qu’au milieu de la pire crise sanitaire, avec le corona, sociale, avec les migrations de sa jeunesse, économique, avec un chômage généralisée, culturelle, avec la division ethno-religieuse qui s’ancre et s’amplifie, le régime de Macky Sall, qui ne s’est maintenu en place qu’en usurpant l’an dernier le vote des Sénégalais a préféré aligner un gouvernement de guerre contre le peuple.
Il y est fait une part belle à tous ceux qui sont prêts à faire des deals pour l’accompagner dans ses méfaits ou les couvrir, d’où ce qu’on peut appeler le Protocole du 1er Novembre par lequel Idrissa Seck, pratiquant ce qu’il sait faire de mieux, avale ses vomissures, se met au service de son expertise suprême : la trahison de la cause nationale afin de protéger les arrières de celui qu’il sait pourtant incapable, en plus d’être un brigand politique de la pire catégorie.
Ce gouvernement maintient en son sein des délinquants dangereux pour l’équilibre social. Quid de Malick Sall, unanimement honni, ou de l’assassin des antilopes protégées, Abdou Karim Sall, qui ne restent à leurs postes que parce qu’ils sont les figures de proue d’une conspiration ethniciste que les sénégalais, qui n’y étaient pas habitués, peinent encore à admettre ni à voir tant elle leur semble surgie d’horizons lointains, les Balkans ou le Rwanda, qu’ils pensaient n’être pas la ligne de mire géographique de notre pays.
L’évidence est pourtant là. Ce gouvernement est éthniciste. Le dire n’est pas s’en prendre à quelque grouve ethnique du pays, c’est constater que partout, là où son cœur bat, les noms qu’il décline résonnent d’une volonté hégémonique dont il importe, sans tarder, de prendre la mesure. Nous sommes face à un péril.
Ce qui s’est passé hier n’est pas décevant. C’est un crime contre le peuple sénégalais. La continuation d’une volonté de subjuguer la pensée et les hommes libres. Nous ne sommes plus libres. Qu’un Antoine Diome, ne mesurant pas l’ampleur d’une mission aussi régalienne que celle de diriger le ministère de l’intérieur, qui n’excelle que dans la traque, y soit installé, c’est la marque d’un régime porté vers la chicotte et la privation des libertés.
Qu’on se le dise : les chefs religieux qui se taisent s’ils n’ont encouragé le deal d’hier, ce peuple qui en rigole, tombant dans le travers des dérisions, sa presse, qui a fabriqué les monstres qui nous gouvernent, ses derniers acteurs politiques ou ses activistes, dans la société physique ou virtuelle, ravagés par l’égocentrisme et l’égoïsme, cette incapacité générale à dire non, à résister, à soutenir les victimes de la criminalité d’Etat sont les éléments combinés sur lesquels la malédiction nationale s’est affirmée hier, sans états d’âmes.
Le peuple sénégalais et ses élites, de tous bords, prêts à toutes les courbettes et compromissions sont coupables d’autophagie. Ils participent à l’exécution de notre nation et de son avenir. Leur culpabilité est visible par sa légèreté symptomatique d’une lâcheté sans bornes. Qui se déploie sous nos yeux. J’ai dit ici moult fois ce que cette démission collective comporte. Elle se retrouve dans la propension à banaliser les révélations qui sont faites sur les malversations continues contre la démocratie, à se taire, piteusement, quand le respect de l’état de droit est violenté, que les arrestations arbitraires deviennent la norme, pour faire peur, tuer et dominer, ou que le labelling des personnes, à la manière des plus cyniques autocraties, est pratiqué, pour les jeter en taule (Assane Diouf en est le prototype, je l’ai été aussi). Cette démission, c’est aussi ce désintérêt collectif face au détournement des hydrocarbures et des deniers publics, à l’assassinat de l’harmonie ethnique au profit d’un complot communautaire anti-national, ou encore à l’acceptation d’une vie devenue intenable, à une soumission à la fatalité qui n’a rien de divine mais est le fait d’êtres criminels ayant capturé notre présent et que nous laissons tracer, selon leurs prismes privés, notre destin commun, piraté, perdu.
L’heure est extrêmement grave. La communauté internationale doit savoir qu’il se passe au Sénégal un projet politique dangereux, susceptible, demain, de se traduire par une guerre civile voire un génocide, et certainement vers encore plus de viols des libertés individuelles et collectives sous les genoux d’une caste de criminels agissant au nom d’un mandat démocratique usurpé.
Les choix face à ce péril jamais vu dans notre pays sont devenus terribles. Celui de l’exil, qui est le mien, en Egypte, aujourd’hui, demain en Europe, aux Usa ou ailleurs, n’est peut-être pas le moindre mal à la lumière de la culture ambiante de la trahison et de l’acceptation d’une gouvernance crapuleuse qu’aucun sénégalais digne ne doit accepter. La question est aussi celle de savoir pourquoi les forces dites de sécurité et les guides religieux, syndicaux, le patronat, la presse, les citoyens ordinaires consentent-ils à accompagner cette entreprise que l’histoire jugera de la plus ferme des manières.
Roosevelt devrait revenir à la vie, pour nous dire, comme il l’avait fait à ses compatriotes américains au moment de la grande crise de 1929-1933, que nous aussi avons un rendez-vous avec le destin.
J'invite le peuple sénégalais à se redresser et à refuser ce sort qui lui est fait, à ne pas tomber dans les chapelles personnelles annonciatrices de quelque messie qui viendrait le sauver, l'exemple de trahison donné hier par Idrissa Seck étant assez éloquent de la tortuosité des acteurs politiques du Sénégal.
Ne sous-traitons pas notre destin à qui que ce soit. Unis, en peuple résistant, nous nous sauverons. Il est question de vaincre ou périr.
Mon choix est fait. En exil ou de retour au pays, je reste dans le combat...
Adama Gaye, exilé et opposant au régime de Macky Sall, le Caire 2 novembre 2020
PS : Plus on s’oppose avec des arguments qui tiennent la route et sont prouvés par les faits, la marche de l’histoire, plus on se trouve traité de tous les noms d’oiseaux. J’en ai entendu beaucoup, aussi mensongers les uns que les autres. Qu’on ne m’imagine pas reculer, et j’avertis les geôliers de la justice et de la sécurité : si, pour couvrir les crimes de Macky Sall et de sa bande, vous attentez à ma liberté et à ma sécurité, le monde entier, éveillé, est averti.

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