Saccage de plusieurs stations-service: risque de pénurie de carburant à Dakar
De Diacksao à Pikine, quatre stations-service sur cinq ont été saccagés, provoquant une pénurie de carburant au grand dam des automobilistes. La seule qui fonctionne se trouve à Poste Thiaroye, et elle accueille une horde de véhicules, depuis vendredi dernier. Devant cette situation, certains automobilistes préfèrent garer leurs véhicules dans l’espoir d’un apaisement du climat social.
Cette matinée du lundi est bien différente des autres. En lieu et place des longues queues d’usagers à l’attente des transports en commun pour rallier le centre-ville, c’est le grand désert sur les routes. Le rond-point Poste Thiaroye, d’habitude en proie aux bouchons, est dégarni. Les rares véhicules qui font le tour n’ont pas besoin des ordres des agents préposés à la circulation. L’absence des tabliers et certains marchands ambulants au bord de la chaussée ouvre aux automobilistes un boulevard. Assis à côté d’une station-service, Bamba et Ousseynou observent ce spectacle si inhabituel. « C’est du jamais vu. On se croirait en pleine fête de Tabaski. Tout est calme, tout est plat », constate Bamba, doigt pointé vers le dispositif sécuritaire. La station-service contiguë au dépôt de la société Dakar Dem Dikk, qu’ils fréquentent tous les jours, a subi la colère de certains manifestants. D’ailleurs, elle garde les stigmates des jours de tension. La pompe est à terre, les vitres et enseignes lumineuses cassées et les rayons de la boutique vidés. Debout devant la porte, l’un des agents en uniforme rouge déplore une casse aux multiples conséquences. « Depuis jeudi soir, nos activités sont à l’arrêt. Impossible pour les automobilistes d’avoir du carburant. Quatre stations sur cinq ont été saccagées », regrette-t-il tout en replaçant quelques bouteilles vides. À quelques mètres, Pathé Fall a garé son véhicule devant un restaurant saccagé. Devant cette scène de destruction, il fait part de son étonnement. « La situation est chaotique, le carburant devient une denrée rare », déplore M. Fall d’une petite voix.Conducteur de taxi clando, Abdou Gaye a déjà constaté les dommages collatéraux de la série de manifestations. La disponibilité du carburant constitue un problème pour lui. « Pour avoir du carburant, il faut parcourir des kilomètres. C’est déplorable. Si cela continue, nous serons obligés de garer nos véhicules », explique-t-il.Bras croisés et écoutant l’édition spéciale d’une radio, Assane Ba regrette, lui aussi, des agissements qui exposent tout le monde. « Nous sommes confrontés à une pénurie de carburant. Ici, à Poste Thiaroye, il n’y a qu’une station d’essence qui fonctionne actuellement. Celles de Thiaroye-sur-Mer et de Sips ont également été saccagées. Cela devient intenable pour nous. Actuellement, j’ai moins de cinq litres dans mon réservoir. Notre activité sera impactée les prochains jours », craint le conducteur.
De longues files constatées
Épargnée par les pilleurs, cette station-service installée à Poste Thiaroye reçoit simultanément quatre véhicules dont un bus. Pompes en mains, une dame et un jeune homme en tenue bleue remplissent les réservoirs. Depuis vendredi soir, ils constatent un regain de l’activité avec de longues files de véhicules. « De Fass Mbao à Sicap Mbao en passant par Keur Massar, les chauffeurs font des kilomètres à la recherche de carburant. Les saccages ont provoqué une pénurie. Nous sommes à l’attente d’un camion d’approvisionnement pour la continuité du service, car la demande est plus forte », édifie Mamadou Guèye, recevant deux billets de 10 000 francs Cfa d’un client. Barbe blanche, bonnet sur la tête, le monsieur a acheté 20 litres d’essence. Pour s’approvisionner, il a du faire le grand tour. « C’est catastrophique. J’ai fait le trajet Sicap Mbao-Poste Thiaroye dans l’unique but d’acheter du carburant. Plusieurs stations-service ont été saccagées. Si la situation perdure, tous les véhicules seront à l’arrêt », craint Abdourahmane Gaye. Prêt à démarrer, Ousseynou Gaye embouche la même trompette. Vêtu d’un blouson noir, le quinquagénaire est dépassé par la situation. « Je n’ai jamais vécu pareille situation. Il est presqu’impossible d’avoir du carburant de Fass Mbao à Pikine. La plupart des stations ont cessé toute activité ce lundi matin ; la situation est chaotique pour nous, chauffeurs, qui tournons en rond pour remplir nos réservoirs », regrette-t-il la mine triste. Au garage clando d’à côté, l’ambiance est terne. Plus d’une vingtaine de véhicules sont à l’arrêt. Si certains chauffeurs sont plongés dans les commentaires de l’actualité judiciaire, d’autres en profitent pour laver les voitures. Ce lundi matin est une journée morte, selon Pape Ndiaye. Le visage poussiéreux, les mains noircies par l’huile du moteur, il se plaint d’une tension sociale qui, à son avis, a provoqué la pénurie de carburant. « La clientèle est absente au moment où on constate de longues files dans l’unique station qui fonctionne actuellement à Poste Thiaroye. Devant cette situation, nous préférons garer les véhicules pour plus de sécurité. Dans la mesure où la vente du carburant au détail est interdite, nous jouons la carte de la prudence en observant l’évolution de la situation », souligne-t-il, le regard dirigé vers la station-service qui ne cesse d’accueillir les automobilistes.
Le Soleil