SENEGAL : "AMBIANCE ELECTRIQUE" A DAKAR, LA TENSION MONTE A UN MOIS DE LA PRESIDENTIELLE( FRANCEINFO)

26 - Janvier - 2019

L'opposition sénégalaise ne décolère pas. Ses principaux candidats ont été éliminés de l'élection présidentielle. Les citoyens ont été frappés de stupeur, explique le politologue sénégalais Babacar Justin Ndiaye à Franceinfo Afrique.
Ousmane Sanko est l'un des rares candidats de l’opposition sénégalaise à avoir été autorisé à se présenter à la présidentielle du 24 février 2019. Son quartier général dakarois a été dévasté dans la nuit du 23 au 24 janvier par des hommes armés de haches et de machettes. "Ils ont cassé tout ce qu’il y avait comme outils et mobiliers, ordinateurs, tables, chaises", rapporte un témoin. Le candidat Ousmane Sanko voit derrière cette attaque la main du pouvoir, qui mènerait une campagne d’intimidation contre l’opposition et ses sympathisants.

"L’ambiance devient de plus en plus électrique. Chacun soupçonne l’autre de préparer un mauvais coup. Il y a des arrestations dans la banlieue chez des jeunes sympathisants de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Des arrestations préventives, qui ont été dénoncées par des organisations de la société civile. C’est dire à quel point le thermomètre grimpe politiquement", a confié le politologue sénégalais, Babacar Justin Ndiaye, à Franceinfo Afrique.

« Ce qui est certain, c'est qu'il y a chez le président Macky Sall, une volonté farouche de garder le pouvoir »
Babacar Justin Ndiaye, politologue sénégalais
A Franceinfo Afrique

Babacar Justin Ndiaye explique que la tension est montée d’un cran depuis que le Conseil constitutionnel a écarté de l’élection présidentielle les principaux candidats de l’opposition à l’élection présidentielle.

"Les Sénégalais ont été frappés de stupeur. Ils constatent que pour la première fois, le parti socialiste de l’ancien président Léopold Sédar Senghor, qui a gouverné le pays presque 40 ans, n’a pas de candidat. L’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, qui voulait défendre les couleurs de ce parti, a été désavoué par la direction du parti avant d’être jeté en prison par le président Macky Sall. Quant au parti démocratique sénégalais, le PDS, l’autre formation d’envergure du Sénégal, son candidat Karim Wade a été aussi invalidé", observe-t-il.

"Des soupçons de manipulations politico-judiciaires"

Sur les 27 candidats qui s'étaient lancés dans la course, seulement cinq d’entre eux ont vu leur dossier validé par le Conseil constitutionnel. Ils avaient parcouru le Sénégal pour décrocher les 53 000 parrainages exigés par la loi. D’où la colère de l’opposition qui accuse le président Macky Sall, candidat à sa propre succession, de vouloir se maintenir au pouvoir coûte que coûte.

"L’opinion est convaincue qu’il y a de la manœuvre politique derrière tout ça. Les Sénégalais n’ont pas apprécié les méthodes avec lesquelles Karim Wade et Khalifa Sall ont été éliminés, après avoir été traînés devant les tribunaux. Ils auraient voulu voir tout le monde autorisé à participer. Qu’on le veuille ou non, il y a des soupçons de manipulations politico-judiciaires", explique Babacar Justin Ndiaye à Franceinfo Afrique.

"L'autoritarisme a pris le pas sur le dialogue"

Longtemps citée en exemple sur le continent africain, la démocratie sénégalaise serait-elle tombée en panne sèche ? Certainement pas, répond le politologue sénégalais. Ce qui est sûr, concède-t-il, c’est qu’elle est assez fatiguée.

"Depuis l'arrivée de Macky Sall au pouvoir en 2012, le droit à la manifestation, le droit à la critique, les pratiques de protestations ont été progressivement interdites. On assiste depuis quelques années à une certaine propension à l'autoritarisme. Le pouvoir est plus enclin à la décision plutôt qu'à la discussion", observe-t-il.

Si les voyants sont au rouge à un mois du scrutin, Babacar Justin Ndiaye écarte tout risque d’une explosion de violence généralisée. «Ce qui est sûr, c’est que les Sénégalais sont profondément pacifiques. Ils sont hostiles à la violence. L’histoire récente l’a d’ailleurs démontré. Le Sénégal a échappé depuis 1960 jusqu'à nos jours à l’épidémie de coups d’Etat militaires qui a secoué l’Afrique», rappelle-t-il.

Alors que le pouvoir affiche sa fermeté et dénonce "les appels à l’émeute", des responsables musulmans et catholiques multiplient les appels à la retenue et au dialogue.

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

15 - Avril - 2024

Ziguinchor : Quatre prétendants pour la succession d’Ousmane Sonko

La course à la succession du maire Ousmane Sonko à Ziguinchor (sud) est déjà lancée. Quatre prétendants ont affiché ouvertement leurs ambitions...

15 - Avril - 2024

Crise de leadership interne au sein de coalition benno, éventualité d’une réunification de la grande coalition Yewwi askan wi : ces défis de la nouvelle opposition qui profitent à la coalition «Diomaye président»

Contrairement au contexte des deux premières alternances politiques survenues en 2000 et en 2012, où le nouveau président élu, aussitôt après son...

13 - Avril - 2024

REVUE DE PRESSE : LES PREMIERS PAS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT ET LES ATTENTES DES SENEGALAIS A LA LOUPE DES JOURNAUX

Les journaux continuent à suivre les premiers pas et actions du gouvernement formé le 5 avril, trois jours après l’entrée en fonction officielle du...

12 - Avril - 2024

La lettre du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye aux fonctionnaires et agents de l’administration du Sénégal

À l’attention de tous les fonctionnaires et agents de l’administration du Sénégal ) Chères collaboratrices, chers collaborateurs, En cette...

12 - Avril - 2024

SENEGAL : « C’EST L’INJUSTICE SOCIALE QUI NOUS A FAIT VOTER BASSIROU DIOMAYE FAYE »

L’injustice et le népotisme érigés en règle ont visiblement conduit les Sénégalais à sanctionner le régime de Macky Sall, lors de la...