SENEGAL : QUAND LA REPUBLIQUE COURBE L’ECHINE DEVANT LES CHEFS RELIGIEUX !

12 - Mai - 2020

Dans son adresse à la nation, lundi 11 mai, le président de la République a annoncé « la réouverture des lieux de culte. Le Ministre de l’Intérieur, en rapport avec le Ministre de la Santé et de l’Action sociale, engagera les consultations nécessaires à cet effet avec les guides spirituels et les Associations religieuses, pour convenir des conditions et modalités », a-t-il précisé.
Cette mesure, selon le président Macky Sall, s’explique par le fait que « nous devons désormais apprendre à vivre en présence du virus, en adaptant nos comportements individuels et collectifs à l’évolution de la pandémie ».
Il est aussi plausible d’affirmer qu’elle a été prise pour arrondir les angles avec Léona Niassène, voire les tous les foyers religieux de notre pays, cela dans l’objectif de nous éviter une autre crise.
L’analyse du contexte autorise cette affirmation. Vendredi dernier, l’imam de la mosquée de Léona Niassène a été convoqué au commissariat central de Kaolack, coupable d’avoir bravé la mesure interdisant les prières collectives. Le Khalife général de Léona Niassène avait tenu à l’y accompagner. Une foule de fidèles avait littéralement pris d’assaut le commissariat pour apporter son soutien indéfectible au mis en cause. A l’issue de l’audition de l’imam, le khalife général, Cheikh Sidi Ahmad Tidjani Niass « Oumayma », visiblement en colère, avait promu que « la mosquée ne fermera ni aujourd’hui ni demain et j’attends de voir des forces de l’ordre… », avait-il menacé.
Certes, l’attitude de Léona Niassène est répréhensible, mais est tout de même compréhensible. Elle s’explique manifestement par une volonté de mettre fin à une discrimination qui n’avait que trop duré. Car la mesure interdisant les prières collectives à la mosquée est manifestement appliquée à la tête du khalif. Alors que Touba et Médina Gounass prient dans leurs mosquées respectives, Léona Niassène, Tivaouane et d’autres cités religieuses, elles, doivent se plier à la décision de l’autorité. C’est visiblement cette politique de deux poids, deux mesures qui a sonné la révolte à Léona Niassène, vendredi dernier.
Alors face à la détermination du khalife général, Cheikh Sidi Ahmad Tidjani Niass « Oumayma » de prier à la grande mosquée, vendredi prochain, que pourrait faire l’Etat ? Mater les fidèles et embastiller l’imam ? Une option dangereuse aux conséquences imprévisibles. Laisser-faire ? Cela ressemblerait à un manque notoire d’autorité puisque le khalif a ouvertement défié le pouvoir. Désamorcer la bombe en anticipant l’ouverture des lieux de culture avant le rendez-vous tant redoutée ? Apparemment, le pouvoir a opté pour cette solution qui semble être la moins dangereuse pour lui même si la crise sanitaire est loin d'être maîtrisée. Mais nul n’est dupe ! Le problème reste entier. Il relève, une fois encore, le manque d’autorité de l’Etat face aux chefs religieux. Malheureusement, cette compromission, qui n’a pas commencé sous l’ère Macky Sall, est en train de prendre des proportions inquiétantes, et si rien n’est fait, elle peut conduire à l’abîme et remettre en cause notre modèle démocratique.
Une des solutions, me semble-t-il, consisterait à refonder notre paradigme démocratique en redéfinissant le rôle et de la place que les chefs religieux devraient y jouer puisqu’ils constituent un des piliers essentiels de notre société. A défaut, la République continuera à courber l’échine devant eux !
Cheikh Sidou SYLLA

 

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

05 - Décembre - 2024

CRISE POLITIQUE EN FRANCE: UN DÉPUTÉ MILITE POUR UNE DÉMISSION COLLECTIVE

"L'auto-dissolution, ou la démission collective des 577 députés (...) est une option de déblocage que personne ne mentionne", note sur X le député...

05 - Décembre - 2024

Diplomatie : Bassirou Diomaye Faye attendu aux Emirats et au Qatar

Le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a quitté Dakar, mercredi, pour une tournée devant le mener aux Émirats arabes unis et au Qatar, a annoncé la...

05 - Décembre - 2024

"IL NE FAUT PAS NOMMER DE PREMIER MINISTRE CE SOIR", CONSEIL DE MARINE TONDELIER A MACRON

"Je demande au président le respect des Françaises et des Français, les respect des électeurs. (...) On vit une crise politique et démocratique majeures. Je...

05 - Décembre - 2024

Assemblée nationale : Les députés convoqués pour une plénière vendredi

Les députés de la quinzième législature vont encore retourner à l’hémicycle. En effet, ils sont convoqués vendredi afin de parachever la mise...

04 - Décembre - 2024

Nouvelle Assemblée nationale : Ousmane Sonko annonce la tenue de sa « Déclaration de politique Générale » dans les plus brefs délais

En conseil des ministres ce mardi 3 décembre, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a évoqué la tenue de sa Déclaration de Politique Générale (Dpg) qui,...