Sidiki Kaba : de la défense des droits de l’homme à la censure des juges

18 - Avril - 2017

«C’est le propre de la censure violente d’accréditer les opinions qu’elle attaque» Voltaire
Si la nature humaine a sa part d’ombre, elle n’autorise pas tous les écarts. En effet, la trajectoire oblique de Maitre Sidiki KABA constitue un cas d’école pour tous les juristes et analystes politiques.
Ex-Président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), Maitre Sidiki KABA était connu du grand public comme un homme ayant consacré l’essentiel de sa carrière à promouvoir les droits humains, les valeurs de justice, d’équité et de liberté. Sa nomination en 2013, comme Ministre de la justice marque un incroyable revirement dans la posture de l’homme. De défenseur des droits de l’homme, Maitre Sidiki KABA est désormais partie prenante de toutes les dérives du régime de Macky Sall. Devenu la caution « juridique » du pouvoir au niveau de l’opinion internationale pour « préserver l’image démocratique » du Sénégal, Maitre Sidiki KABA se terre dans un mutisme assourdissant face à la multiplication des arrestations arbitraires d’opposants politiques et aux violations répétées de la Constitution.
Alors que les libertés individuelles et collectives des sénégalais garanties par la Constitution (droit de manifester, droit d’opposition) sont constamment menacées par le régime en place, et que les tentatives de musellement de la presse sont prégnantes, Maitre Sidiki KABA semble avoir renié ses valeurs d’antan. Sa capacité d’indignation est éteinte. Le Droit n’est plus sa boussole. Ministre de la Justice, il était censé défendre l’indépendance de la Magistrature telle qu’elle a été proclamée par la Constitution sénégalaise. A vrai dire, sa démarche est tout autre : Maitre Sidiki KABA, qui a officialisé son adhésion à l’APR, est non seulement soutien actif du régime ; mais plus grave, il s’est mué en Censeur des « magistrats ». La convocation du Juge Souleymane TELIKO devant le Conseil de discipline le 19 avril 2017 (sur décision expresse du Ministre de la Justice) pour un banal courrier électronique envoyé à ses collègues magistrats témoigne d’un excès de pouvoir et ne repose sur aucun fondement juridique. Cette mesure inique émanant du Ministre de la Justice est arbitraire, inacceptable, et insoutenable. Nous sommes au Sénégal, en 2017. Nous ne sommes ni en Algérie, ni en Russie, ni au Pérou. Il n’appartient pas au Ministre de la Justice qui lui-même est soumis au Droit (au même titre que tous les citoyens sénégalais) d’imposer une police de la pensée au Sénégal. Les magistrats sénégalais dans l’exercice de leurs fonctions ont parfaitement le droit d’œuvrer pour l’indépendance de la justice. C’est la Constitution, Charte suprême qui leur garantit ce Droit. Plus qu’un Droit, c’est un Devoir : le devoir de tout magistrat d’agir pour l’indépendance de la justice. Dans cette pseudo-affaire, le Juge Souleymane TELIKO a scrupuleusement respecté tous les principes déontologiques liés à sa fonction :
1. Le juge a donné son avis personnel motivé sur l’utilisation systématique, abusive et injustifiée de la procédure de consultation à domicile, et demandé de manière tout à fait démocratique à l’instance à laquelle il appartient (l’UMS) d’instaurer le débat,
2. Cet avis était destiné exclusivement à usage interne, puisque le courrier électronique a été envoyé à ses collègues magistrats,
3. Le sujet évoqué porte sur le fonctionnement de la Justice au Sénégal, et relève de la compétence du juge Souleymane TELIKO (c’est de son métier dont il s’agit),
4. La démarche du juge est saine, normale et vise à renforcer l’indépendance de la Justice.
Au vu de tout ce qui précède, il apparait que la convocation du Juge TELIKO, dont le ressort est lié vraisemblablement à un règlement de compte (le juge TELIKO a toujours défendu l’indépendance de la justice) est totalement infondée. Aucune faute de quelque nature que ce soit n’a été commise par le Juge qui mérite une quelconque sanction. En vérité, la tenue d’un Conseil de discipline pour un e-mail envoyé par un Juge relève d’une gigantesque farce ! Les multiples dérives du régime de Macky Sall qui n’épargnent désormais plus le pouvoir judiciaire risquent d’ébranler les fondements démocratiques du Sénégal et de fragiliser tous les contrepouvoirs. La convocation du Juge TELIKO est la cote d’alerte.
Au demeurant, l’expérience professionnelle de Maitre Sidiki KABA et son parcours personnel l’obligent à un devoir d’alerte. Son rôle est de conseiller utilement Macky Sall pour lui éviter certaines déviances liées un exercice solitaire et brutal du pouvoir. Avant qu’il ne soit trop tard.


Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr

 

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

02 - Septembre - 2024

Déclaration de politique générale : Les conseils d'Abdoulaye Baldé à Ousmane Sonko

Lors de son passage à l'émission "Point de Vue", Abdoulaye Baldé s'est prononcé sur la déclaration de politique générale du Premier ministre...

01 - Septembre - 2024

DECLARATION DE LA COALITION « SENEGAL KESSE » POUR UNE NOUVELLE ÈRE DEMOCRATIQUE AU SENEGAL

Ensemble pour construire : • Un Sénégal démocratique, • Un Sénégal bien gouverné, • Une Représentation populaire digne Nous,...

01 - Septembre - 2024

OUSMANE SONKO PROMET UN RENFORCEMENT DU SOUTIEN SENEGALAIS A LA CAUSE PALESTINIENNE

Le nouveau régime veut aller au-delà des déclarations et initiatives dans le conflit israélo-palestinien pour marquer sa présence ”à...

30 - Août - 2024

Livre bilan de 12 ans de pouvoir : Macky répond à Diomaye et Sonko

Réponse du berger à la bergère ! C’est par un livre blanc de 199 pages que l’ancien président de la République, Macky Sall a répondu aux...

30 - Août - 2024

Dissolution de l’Assemblée nationale : Le Président est fixé sur la date par le Conseil constitutionnel

La question de la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République était en suspens depuis plusieurs mois, en raison des exigences...