TAMBA : LE GOUT DU SENEGAL DANS LES RAYONS FRANÇAIS

06 - Mars - 2020

Il y a encore cinq ans, l’heure du déjeuner était souvent pour lui d’une routine sans saveur. Mahamadou Sylla en avait assez de manger « des pâtes, encore des pâtes et toujours des pâtes ». Lors de sa pause quotidienne, cet ancien concessionnaire automobile ne trouvait pas grand-chose à son goût au fond des frigos du supermarché de Bondy (Seine-Saint-Denis) où se situait alors son bureau.

Pour changer ses habitudes, ce grand gaillard de 36 ans s’est mis à chercher dans les moindres recoins des étals une recette vendue sous cellophane de son pays d’origine, le Sénégal. Mais à son grand étonnement, il n’a jamais rien repéré. « Mais où sont les plats de la maman ?, s’est-il demandé à plusieurs reprises. Où sont les plats africains ? »

A part l’Afrique du Nord surreprésentée par le couscous mijoté à toutes les sauces ou de la harira lyophilisée, les mets subsahariens sont portés disparus dans les rayons des grandes surfaces. Pourquoi ? « Chez nous, la cuisine n’est pas vue comme une aventure entrepreneuriale. Elle n’est pas encore valorisée comme a pu l’être la musique ou les vêtements », explique Mahamadou Sylla.

Son « aventure » a lui commence donc en 2015 : étude de marché, visite des magasins, prise de contact avec différents chefs de rayon… « Je leur demandais s’ils avaient déjà mangé un plat africain. Ils me répondaient qu’un ami leur en avait fait goûter, mais ils ne savaient pas où en trouver, se souvient-il. Le constat est vite fait : les plats cuisinés subsahariens, ça n’existe pas. »

Un clin d’œil à la ville natale de ses parents
Il démissionne et injecte toutes ses économies – 60 000 euros – pour se consacrer pleinement à son projet : lancer une marque de plats préparés aux goûts d’Afrique de l’Ouest. Celle-ci s’appellera Tamba, un clin d’œil à la ville natale de ses parents, Tambacounda, capitale du Sénégal oriental. « J’aime les challenges », sourit cet ancien footballeur semi-professionnel qui a pas mal bourlingué (France, Pologne, Belgique, etc.).

Et pour arriver à ses fins, il n’a pas cherché à se précipiter : « La patience, c’est ce qui m’a manqué pour passer pro, reconnaît-il. Nous les Africains, nous avons une image qui colle à la peau : c’est que nous aurions l’habitude de tout faire à l’arrache et que nous ne serions pas assez organisés. Pas du tout ! J’ai bien pris mon temps pour aller au bout de l’idée. »

Mahamadou Sylla en est persuadé : « On arrive à un moment où on a envie de goûter à autre chose », martèle-t-il. Première étape donc : préparer les bonnes recettes. « On se devait de retrouver les plats de la maman. Je savais que la mienne serait derrière les préparations, souligne-t-il. Mes frères et sœurs goûtaient aussi les échantillons, il fallait leur approbation. » Pour mettre toutes les chances de son côté, il choisit la cheffe Anto Cocagne, spécialiste de la gastronomie du continent – et qui a sa propre émission sur Canal+ Afrique – comme ambassadrice de la marque. « Elle a apporté sa touche », précise M. Sylla.

Trois recettes sont élaborées : le mafé à l’agneau, le thiou yapp au bœuf et le yassa au poulet, tous accompagnés de riz blanc basmati. « Je n’ai pas voulu de recettes trop complexes, ajoute-t-il. Elles ont une valeur pédagogique et ciblent les non-initiés qui verront que notre cuisine n’est pas grasse ou épicée. » Sans conservateur et additif, la viande (hallal) et les ingrédients d’origine française sont mitonnés dans une cuisine centrale située dans les Ardennes.

Bons, peu épicés, goûteux et assez copieux
Après quatre années à peaufiner les plats et l’emballage cartonné façon wax – une réussite –, Tamba est lancée en septembre 2019 et se retrouve dans les rayons frais de six supermarchés de l’Ile-de-France. En six mois, le produit vendu à près de 6 euros l’unité s’est écoulé à plus de 2 300 exemplaires. « Au Leclerc de Bois-d’Arcy [Yvelines], ça a explosé auprès de la clientèle qui vient de Versailles, se félicite Mahamadou Sylla. Même si c’est compliqué, les mentalités s’ouvrent. » Au final, le résultat est surprenant : les plats – surtout le mafé – sont bons, peu épicés, goûteux et assez copieux.

Aujourd’hui, au volant de sa berline, il passe son temps sur les routes pour aller à la rencontre des enseignes et multiplie dégustations et autres animations en grandes surfaces pour faire connaître Tamba. « Je suis tout seul avec ma sœur qui s’occupe de la communication », insiste-t-il, en précisant être très présent sur les réseaux sociaux. L’entrepreneur espère pour bientôt une distribution nationale, alors qu’il est en négociation avec une grosse enseigne française dont il préfère pour l’heure taire le nom. « On peut suivre en cas de fortes demandes. Tout est prêt de notre côté, assure-t-il. Les campagnes de publicité, d’autres recettes. Il y aura des surprises. »

Il sait que tôt au tard de grandes marques de plats cuisinés se lanceront dans la course et proposeront également des mets d’Afrique de l’Ouest. « Et c’est tant mieux, répond-il. Il y a de la place pour tout le monde. » Mais pour anticiper une future concurrence, Mahamadou Sylla recherche un investisseur. « Nous sommes une petite marque, nous n’avons pas la puissance et le réseau d’un groupe, concède-t-il. Vivons en bonne intelligence : on peut partager ensemble ce marché. »

Lemonde

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