Tournée économique de Macky: les brassards rouges, une saillie sur le protocole d’Etat

16 - Juin - 2021

​Contrairement aux précédentes tournées économiques du président Sall, celle entamée depuis cette semaine dans les régions de Saint-Louis et de Matam, malgré la ferveur populaire dans laquelle elle se déroule, a une particularité. En effet, elle a par moments des airs de corrida quand on sait qu’un peu partout, des manifestants portent des brassards rouges ou brandissent des étoffes écarlates pour exprimer leur mécontentement. Ce qui produit le même effet que les chiffons rouges que brandissent les toréros pour exciter les taureaux qu’ils transpercent ensuite avec leurs banderilles. Toutefois, plutôt que de les snober ou faire tabasser par les nervis qui l’escortent aux côtés des policiers et des gendarmes, le président de la République a arrêté son cortège parfois pour engager le dialogue avec les manifestants. Une attitude d’écoute qui a poussé le sociologue Ousmane Ba à estimer que Macky Sall a sans doute décrypté le message des événements regrettables du mois de mars dernier. Et qu’il retombe donc sur terre après s’être cru dans les nuages. Les brassards rouges ont fini de bousculer le protocole d’Etat. Ils n’étaient pas attendus, ils se sont invités de force. Une véritable saillie dans le programme présidentiel !

Si jusqu’ici les manifestations de brassards rouges se sont toujours exprimées dans un cadre serein, à Dodel, dans le Fouta, ce lundi, le cortège présidentiel aurait essuyé des jets de pierres de populations brandissant des brassards rouges. Les manifestants ont été finalement dispersés par le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Comme lors de la première partie de sa présente tournée économique à Kaffrine et à Kédougou, le président Macky Sall voit encore rouge lors de ce deuxième volet entamé depuis le 12 juin dans le nord du pays (régions de St-Louis et Matam). Entre manifestations bruyantes, mobilisation et démonstration de force de ses partisans, inaugurations, le chef de l’Etat a été obligé à plusieurs reprises d’arrêter son cortège pour parler à des populations en brassards rouges qui exposent différentes revendications tournant toutes autour de frustrations et d’ « oublis » dont feraient part les mécontents dans la mise en œuvre des projets et programmes présidentiels.

Ces protestations sont si récurrentes que les brassards rouges, qui bien évidemment ne faisaient pas partie du programme présidentiel, ont fini par bousculer le protocole d’Etat au grand dam des affidés locaux du chef de l’Etat qui n’auraient pas aimé voir une seule once de contestation au niveau de leurs terroirs car leur stratégie était de faire croire à Macky Sall que tout était nickel avec « zéro revendication », toutes les doléances avaient été satisfaites. C’est ainsi d’ailleurs qu’on a pu entendre le ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo, déclarer que Podor n’avait aucune doléance où formuler au président de la République.

Venu pourtant s’enquérir de l’état d’exécution des projets et programmes qu’il avait lancés dans les régions administratives de Saint-Louis et Matam mais aussi — il l’avait fait savoir — recueillir les doléances des populations. Mais puisque celles de Podor n’en avaient pas, Macky Sall ayant déjà tout réglé… Pourtant, n’étant pas dupe par rapport à ces flagorneries, le président Sall a donné la parole aux populations de toutes les localités visitées.

De Sud-Est au Nord du pays, il s’est arrêté à chaque fois qu’il le pouvait pour discuter avec les porteurs de brassards rouges ou qui déployaient des pancartes dans lesquelles étaient inscrites des doléances. Il les a écoutés et leur a promis de régler leurs problèmes. Une chose qu’il ne faisait pas d’habitude. Depuis, les évènements du mois de mars dernier, qui ont vu le pays basculer dans une violence inouïe, sont passés par là.

Au cours de sa présente tournée dans le Fouta, malgré souvent la forte mobilisation des leaders politiques des localités visitées, ils n’ont pas pu empêcher l’expression de la colère de quelques segments de la population qui ont manifesté leur mal -vivre. Mieux, malgré le bilan assez positif du président en matière de réalisations, surtout infrastructurelles, des personnes ont exprimé un peu partout leur mécontentement.

Des protestataires que le président Sall a choisi d’écouter. Interrogé sur la signification de ces brassards rouges exhibés tout au long du parcours présidentiel, le sociologue Ousmane Ba définit d’abord ces brassards rouges comme l’expression d’une démarche pacifique des populations qui ont besoin juste qu’on leur prête une oreille.

« Les brassards rouges sont souvent l’affaire des Asiatiques. Mais ici, au Sénégal, c’est avec l’avènement du président Abdoulaye Wade que ce phénomène s’est implanté. Lui-même ayant invité les populations à exprimer ainsi leur colère. Et cela constitue une marque de fabrique de la démocratie », a expliqué le sociologue Ousmane Ba.

Par ailleurs, il rappelle que le discours du chef de l’Etat, Macky Sall, le 31 décembre dernier, où il disait en réponse à une question d’un journaliste qu’il « ne voit pas le rouge » avait été très maladroit. Pour le sociologue, c’était une erreur que le président ne devait pas commettre en s’exprimant comme il l’a fait. Car, selon Ousmane Ba, c’est cette phrase qui a sans doute poussé les jeunes à se radicaliser davantage du fait que le président de la République soutient ne pas voir la couleur rouge.

En brandissant cette couleur sous son nez partout, ils l’ont obligé à s’arrêter pour leur parler. Pour le sociologue, dans une démocratie active, les autorités doivent prêter attention à certains signaux comme le brassard rouge afin de pacifier l’espace. « Si le président Macky Sall avait été attentif aux brassards rouges, certainement que, lors des événements dramatiques du mois de mars dernier, les manifestants auraient fait usage de ces brassards rouges au lieu de verser dans la violence » suppose notre interlocuteur.

Ainsi, le sociologue Ousmane Ba soutient que, sociologiquement, il est préférable que les manifestants utilisent les brassards rouges au lieu d’exprimer leur mécontentement autrement. Mais, il faut que les autorités soient beaucoup plus attentives pour décrypter les messages de ces porteurs de brassards rouges. Lesquels, souvent, manifestent pour l’amélioration de leurs conditions de vie et le développement de leur Cité. Et ne sont donc nullement des « terroristes » ou des « grands bandits ».

Le Témoin

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

02 - Juillet - 2023

PRESIDENTIELLE DE 2024 : MACKY SALL ANNONCERA LUNDI S’IL SERA OU NON CANDIDAT

Le président sénégalais Macky Sall a prôné l’unité devant ses supporters et dit qu’il annoncera lundi s’il sera candidat pour un...

01 - Juillet - 2023

TROISIEME MANDAT : LE PRESIDENT MACKY SALL OU L’ART DU SUSPENSE

Le président Macky Sall fait durer le suspense. Prévue pour avant la fête de la Tabaski, qui a eu lieu le 28 juin, l’annonce de sa décision relative à sa...

28 - Juin - 2023

FRANCE : LA REPUBLIQUE DES VALEURS A LA RENCONTRE DES SENEGALAIS

La République des Valeurs-Réewum Ngor / France a mis à profit ce week-end dernier pour aller à la rencontre des Sénégalais dans quelques marchés de...

28 - Juin - 2023

AGRESSION DE DEMBA NDIAYE : LE CAP2024 CONDAMNE « FERMEMENT »

Le CAP2024, un nouveau mouvement de soutien à Macky Sall qui a été porté sur les fonts baptismaux par Cheikh Ahmed Tidiane Sall, condamne « fermement »...

28 - Juin - 2023

« POUR AIDER LES SENEGALAIS A FAIRE UN CHOIX ECLAIRE » EN 2024 : ME MOUSTAPHA KAMARA EXPLIQUE L’OBJECTIF DU LIVRE « ABDOUL MBAYE, UN DESTIN SENEGALAIS »

Me Moustapha Kamara se veut clair : « Abdoul Mbaye, un destin sénégalais » n’est pas un livre programme du candidat déclaré à la...