USA:pourquoi Trump devrait régulariser des millions d'immigrés clandestins

30 - Novembre - 2016

Au lieu de les expulser, comme le président élu Donald Trump le désire, régulariser la situation des plus de 11 millions d'immigrés sans-papier permettrait d'augmenter leur productivité et aurait un impact positif sur l'économie américaine, selon plusieurs études. Plus de 5% des travailleurs du secteur privé aux États-Unis sont des migrants clandestins. Le chiffre frôle les 20% dans l'agriculture.

Et si au lieu d'expulser jusqu'à trois millions d'immigrés clandestins, Donald Trump leur donnait des papier ? L'idée peut paraître saugrenue pour le président élu des États-Unis, qui a repris sur l'immigration une ligne très dure, après avoir donné un temps une impression de modération depuis son élection. Suggérée par deux chercheurs du Queens College de l'Université de la ville de New York (CUNY, université publique à ne pas confondre avec New York University, NYU, qui est un établissement privé) dans une récente étude intitulée "Contribution économique des travailleurs illégaux : une analyse sectorielle", cette amnistie permettrait pourtant au milliardaire américaine de "rendre sa grandeur à l'Amérique", comme il aime tant le proclamer.

Après avoir connu une forte hausse depuis 1990, lorsqu'ils étaient 3,5 millions, le nombre de migrants en situation illégale aux États-Unis s'est stabilisé depuis 2009 et ils étaient en 2014 quelque 11,1 millions (dont 52% de Mexicains), soit 3,5% de la population du pays, selon les dernières estimations du Pew Research Center. Parmi cette dizaine de millions, 8 millions de personnes travaillent ou cherchent du travail. Ils représentent 5% de la masse totale de travailleurs aux États-Unis.

D'après les recherches de Ryan Edwards et Frances Ortega, basées notamment sur des données du Centre pour l'immigration et du Bureau d'analyse économique, les travailleurs illégaux aux États-Unis contribuent à hauteur de "3% au PIB annuel du secteur privé, ce qui correspond à près de 5.000 milliards de dollars sur une période de 10 ans". La présence des sans-papiers diffèrent toutefois en fonction du domaine dans lequel ils travaillent : ils représentent ainsi 18% des travailleurs dans l'agriculture, 13% dans la construction et 10% dans les loisirs et la restauration.

Régulariser la situation de ces travailleurs permettrait d'augmenter d'environ 20% leur contribution au PIB du secteur privé, la faisant passer de 3% à 3,6%, soit 1.000 milliards sur dix ans, et "déclencherait des investissements supplémentaires de la part des employeurs", expliquent les chercheurs dans leur étude. Si la contribution des travailleurs illégaux peut sembler faible au vu de leur poids dans le nombre total d'employés, cela s'explique par le fait qu'ils sont "en moyenne moins qualifiés et moins productifs que les natifs et les immigrés légaux". De fait, les immigrés en situation régulière sont "environ 25% plus productifs" que ceux en situation illégale. Pour les deux chercheurs, "cela peut être un reflet de leurs opportunités d'emplois limités".

Un constat similaire avait été fait par Robert Lynch, professeur en économie au Washington College, dans une étude publiée en mars 2013 par le Center for American progress, un think tank américain progressiste dirigé par l'ancien chef de cabinet de Bill Clinton, John Podesta. Il estimait alors que régulariser la situation des 11,1 millions de migrants clandestins et leur accorder la citoyenneté ferait croître le PIB étasunien de 1.400 milliards de dollars sur une période de 10 ans (2013-2022), augmenterait les revenus des Américains de 791 milliards de dollars et permettrait à l'économie de créer en moyenne chaque année 203.000 emplois supplémentaires.
Le précédent Reagan

Par le passé déjà, les États-Unis ont lancé une vaste vague de régularisation de la situation d'immigrés, comme le rappelle Quartz. Ronald Reagan, alors chef d'État, avait alors amnistié plus de 2,7 millions de personnes via l'Immigration Reform and Control Act (IRCA). Les retombées de cette initiative ont été largement mesurées par différent-e-s économistes américains, qui constatent que les immigrés sortis de l'illégalité ont obtenu de meilleurs salaires (entre 6 et 13% d'augmentation pour les hommes, jusque 20% pour les femmes), ainsi que l'accès à de meilleurs emplois, résument les économistes Pia M. Orrenius et Madeline Zavdony dans un article consacré au sujet et paru fin 2012 dans la revue Cato Journal. Elles soulignent toutefois que les travailleurs immigrés en situation illégale ne représentait à l'époque que 1,7% au mieux de la force totale de travail. Aujourd'hui, ce taux est trois fois plus important, une régularisation massive aurait donc un impact nettement plus important sur les natifs américains, pouvant susciter des craintes semblables à celles émises par l'électorat de Donald Trump.

L'IRCA a également eu un effet positif sur la criminalité, en baisse de 2 à 5% dans les années suivant la réforme, constate dans un article publié en avril 2013, Scott R. Baker, alors étudiant en doctorat d'économie à Standford.

"À chaque fois que nous avons régularisé la situation d'immigrés clandestins, nous avons vu une formidable augmentation de leur productivité. Ils produisent bien plus, gagnent bien plus, payent bien plus de taxes. [...] Et pas seulement parce qu'ils ont un meilleur revenu, mais parce qu'ils [...] commencent à déclarer leur revenu. [...] Au final, le bénéfice surpasse largement les coûts", défendait Robert Lynch lors d'une interview accordée en juin 2013 au réseau de télévision PBS.

Et de rappeler qu'après l'IRCA, la productivité des immigrés anciennement en situation illégale a augmenté de 15% lorsqu'ils ont obtenu des papiers, puis à nouveau entre 10 et 12% lorsqu'ils ont reçu la nationalité américaine.

Donner des papiers à des millions en situation illégale permettrait donc de lancer un cercle économique vertueux. Mais surtout, éviterait aux États-Unis de dépenser des centaines de milliards de dollars en les expulsant. Faire sortir par la force les 11,1 millions d'immigrés clandestins coûterait au gouvernement fédéral entre 400 et 600 milliards de dollars, estimait dans une précédente étude publiée en mars l'American action forum, un think tank de centre droit. Certes, Donald Trump ne compte au maximum qu'en expulser qu'un quart mais entre augmenter le déficit public et booster le PIB étasunien, le choix semble vite fait.

La Tribune

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