VIOLENTES MANIFESTATIONS AU SENEGAL : ANTOINE FELIX DIOME MET DE L’HUILE SUR LE FEU

06 - Mars - 2021

Dans une déclaration de presse, vendredi 5 mars, le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Diome a exprimé la position du gouvernement sur les violentes manifestations qui paralysent le pays suite à la convocation et au placement en garde à vue du leader de Pastef, Ousmane Sonko, accusé de « viols répétés » par une masseuse. Dans un propos aux allures comminatoires, le premier flic du Sénégal a notamment promis que, sans exception, « les personnes ayant commis des actes de vandalisme seront recherchées, arrêtées, poursuivies et déférées devant la justice ». Il a aussi indexé Ousmane Sonko comme étant le responsable des manifestations, cela à cause de son appel « à l’insurrection » et de son « refus public ostentatoire » de répondre à la convocation des autorités judiciaires, a-t-il expliqué. Le ministre de l’Intérieur a aussi annoncé que des terroristes étaient derrière les manifestants.
La sortie de Antoine Félix Diome montre à suffisance que l’exécutif n’a pas pris la pleine mesure de la situation périlleuse dans laquelle se trouve le Sénégal depuis l’éclatement des violences meurtrières de ces derniers jours. Visiblement, le ministre de l’Intérieur ignore qu’au-delà de l’affaire « Sweet Beauté », ces manifestations traduisent la volonté de certains parmi nos compatriotes d’exprimer leur refus de l’injustice sociale, de l’instrumentalisation de la justice, de la régression démocratique, du chômage endémique des jeunes, de la corruption des élites politiques etc. Dans un précédent texte, je soulignais que ces maux dont souffre criardement notre pays sont « autant de combustibles qui n’attendent qu’une étincelle. Dans ce contexte, disais-je, les tenants du pouvoir doivent faire preuve d’intelligence dans l’adversité afin que la tentative de liquidation politique de Sonko ne soit pas l’étincelle qui va faire brûler le pays ». Hélas, la gestion catastrophique de cette crise est en train de montrer les limites objectives des tenants du pouvoir. Le comble de la lecture erronée de cette crise, par le ministre de l’Intérieur, réside aussi dans l’infantilisation des manifestants en relevant notamment la présence massive des ados dans les manifestations. Malheureusement, comme tous les régimes finissants, celui de Macky Sall aussi n’a pas échappé au déni de la réalité, à l’excès d’orgueil, à l’imposture…
Au lieu de concentrer son propos dans le sens de l’apaisement pour une sortie de crise rapide en cette période de morosité économique, Antoine Félix Diome a plutôt mis de l'huile sur le feu en chargeant lourdement Ousmane Sonko et surtout en esquivant de parler des nervis recrutés par le parti présidentiel pour mater les manifestants. Le ministre n’a également donné aucune assurance aux familles éplorées sur les éventuelles enquêtes pour situer les responsabilités concernant les décès enregistrés. Il était plutôt préoccupé à justifier les violences policières après la prise de position claire de l’ONU qui invitait le pouvoir « à veiller à la sécurité des manifestants et des biens avec professionnalisme et dans le respect des lois ». Pour ce faire, rien de plus que d’accuser les manifestants de terroristes, un terme mobilisateur en ces temps qui courent pour avoir la bénédiction des partenaires financiers et techniques.
En résumé, la sortie irresponsable du ministre de l’Intérieur renseigne sur la volonté du pouvoir de liquider politiquement Ousmane Sonko en dépit la forte résistance opposée par ses partisans. Un scénario qui laisse à penser que la violence a encore de beaux jours devant nous. A moins que le président Macky Sall sorte de sa cachette pour siffler la fin de cet épisode douloureux de l’histoire politico-judiciaire du Sénégal.
Cheikh Sidou SYLLA

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