Yakham Mbaye écrit à Macky Sall « Lettre d’un militant à un porteur d’optimisme »

06 - Avril - 2021

Victime de malaise, Yakham Mbaye a été évacué en France il y a près de15 jours. De son lieu d'hospitalisation, le militant a trouvé des forces pour suivre le discours à la Nation du Président Macky Sall pour ensuite adresser à son mentor politique une longue lettre. PressAfrik vous livre l'intégralité du texte intitulé « Lettre d’un militant à un porteur d’optimisme »!!!

« On ne conduit le peuple qu’en lui montrant un avenir : un chef est un marchand d’espérance ».
Napoléon Bonaparte

Éloigné du pays, malgré moi, et surtout de ce que j’affectionne le plus : le champ de la démocratie où se confrontent convictions et concepts pour y bretter avec ceux qui vous portent contradiction – une absence qui me pèse plus que ce qui y a concouru – par la grâce et la magie des NTIC, samedi dernier, je vous ai regardé, je vous ai écouté et j’ai essayé de prendre la mesure de vous entendre. Puis, ce lundi, m’a pris un irrépressible besoin de rompre mon monologue et de vous exprimer, tout en la partageant, l’impression que vous m’avez laissée. Cela, je l’avoue, en dépit de l’injonction que vous m’avez fait de me retirer des fronts pour me ménager.

Seulement, j’ose croire que vous pardonnerez l’acte que je vais poser, assimilable à une « désobéissance », en comprenant mon inféodation à une posture faite religion : les situations conjoncturelles particulières et/ou handicapantes auxquelles peut être confronté un militant engagé ne peuvent et ne doivent le dispenser de se battre pour votre juste gloire, en toutes circonstances, avec tous les moyens nécessaires et légaux. En ce qui me concerne, ces moyens sont trois attributs par la grâce de Dieu et sont toujours opérationnels : ma langue et mes mains pour exprimer mon verbe et mes écrits, et ma tête pour les affûter.

Cette posture indiquée est caractérisée autrement par la formule de Babacar Justin Ndiaye : « Un régime auquel on appartient, on le défend avec ferveur ou on le quitte avec grandeur ».

Donc, à l’issue de votre adresse à la Nation sénégalaise, ma conviction fut faite : c’est par la force de l’empathie que vous vous êtes adressé à votre peuple dont une partie, infime soit-elle si elle est rapportée à la majorité qui vous a brillamment élu et réélu, mais non moins négligeable, a exprimé, début mars dernier, sa fureur née d’insoutenables difficultés quotidiennes qui la tenaillent.

Votre posture s’explique, à mon avis, par le fait que vous avez compris qu’il est arrivé le temps de l’ajustement et du réajustement, après cette secousse alarmante. Et l’écoute et la compréhension dont vous avez fait preuve à l’endroit des vôtres ont été mises en exergue dans votre adresse du 08 mars 2021.

Contrairement à ces chefs emmurés dans le huis clos réfrigérant de leur pouvoir, espace lugubre du fait des jeux, trafics et intrigues de courtisans qui les rendent sourds aux fureurs qui grondent et secouent l’alentour, vous avez prêté une oreille attentive à vos concitoyens. Cette aptitude n’est assurément pas celle d’un dictateur ; que le terme soit compris selon sa vieille définition d’un magistrat nommé et détenteur des pleins pouvoirs en temps de crise dans la Rome antique ou, au sens actuel, par le fait d’un gouvernant qui maintient son peuple sous le joug à l’image de Anastasio Somoza, au Nicaragua, ou Antonio Noriega, au Panama.

Sans doute, avant le 08 mars, alors que d’un peu partout des cris d’orfraie vous pressaient de parler, sans parvenir à vous départir de votre stoïcité, vous aviez fait vôtre le propos du célèbre communicateur traditionnel et écrivain malien, Massa Makan Diabaté : « La parole d’un chef, c’est comme l’eau versée, elle ne se ramasse pas ». Et au moment opportun, vos paroles ont laissé voir votre grande capacité à vous saisir rapidement des enjeux du moment et à leur apporter des réponses rapides et précises. « Je vous ai compris », aviez-vous alors dit à ceux, en particulier ces jeunes, qui avaient déversé le trop-plein de leur amertume dans des artères de la capitale et de contrées du Pays réel.

Vous avez compris que la jacquerie urbaine d’une partie des jeunes, cette frange majoritaire de notre population qui souffre d’un quotidien sans relief, n’appelait pas un doigt accusateur et inquisiteur, mais un esprit ouvert et une volonté réelle d’apporter des réponses concrètes à leurs interrogations. En annonçant un programme spécial doté de 350 milliards de francs CFA et destiné à l’emploi et à l’employabilité des jeunes, vous ouvriez la porte de l’espoir.

Aujourd’hui, moins d’un mois plus tard, vous administrez un cinglant démenti à ceux qui ont tenté de faire croire que votre « Je vous ai compris » n’était qu’une entourloupe qui connaitrait le sort polémique et les accusations infamantes réservées dans les livres d’Histoire à la même formule prononcée il y a 63 ans, le 04 juin 1958, à Alger, par « le plus illustre des Français ».

Soucieux de tenir votre parole et d’apporter une réponse robuste aux attentes des Sénégalais insatisfaits, vous avez été plus généreux que lors de votre première annonce. Ce seront finalement 450 milliards de francs CFA, au moins, mobilisés sur trois ans (c’est 136 % du budget national 2021 d’un pays africain comme la Centrafrique : 330 milliards de francs CFA !). Et dès cette année, 150 milliards de francs CFA iront au financement du Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique des jeunes.

Assurément, vos contempteurs n’auront pas le temps d’émettre leurs sempiternelles interrogations dubitatives qui leur servent de fertilisants pour les champs où ils sèment le pessimisme et le désœuvrement dans l’espoir d’entretenir des troupes de Sénégalo-sceptiques nécessaires à la réussite de leurs futures funestes entreprises. C’est peine perdue !

Assurément, les futurs bénéficiaires de vos annonces, partie de ceux qui ont exprimé leur fureur, ne subiront pas l’épreuve d’une longue attente pour voir se concrétiser ce programme, important outil d’inclusion sociale, puisque dans moins de trois semaines, le 22 avril 2021, à l’issue d’un Conseil présidentiel sous votre houlette, vous signerez son acte de naissance qui lancera sa mise en œuvre immédiate. Le recrutement, dès le mois de mai prochain, de 65 000 jeunes sur l’ensemble du territoire sénégalais, n’est-il pas le meilleur des gages de bonne volonté ?

Avec ces paroles optimistes porteuses d’actes d’espoir, vous faites honneur à ce qui apparaît comme votre marque de fabrique : un homme concret, imbu de mesure et de compromis.

Dès votre élection, vous avez amorcé votre magistère à la tête de l’État du Sénégal par un projet national fort et mobilisateur, un projet de promotion sociale collective qui se renforce et se réajuste au fil du temps. Il vise l’objectif maintes fois clamé de permettre à chaque Sénégalais de se dire : « Tout est possible, je peux avoir un avenir pour moi et pour mes enfants ».

C’est tout le sens de votre vision d' »Un Sénégal pour tous, par tous » par un développement inclusif et solidaire qui ne laissera personne sur le bord de la route.

Vous vous êtes engagé devant les Sénégalais à continuer de répondre aux besoins d’accès aux infrastructures, à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, aux soins de santé, au logement, à l’emploi et aux activités génératrices de revenus. Cette fibre sociale – socialiste, diraient nombre de nos alliés de la mouvance présidentielle – qui vibre en vous et n’a jamais faibli depuis votre accession au pouvoir, a un horizon clair : la protection sociale pour tous. De nombreux programmes, comme la Couverture maladie universelle, la Bourse de sécurité familiale, le Pudc, la Der et tant d’autres, sont en passe de corriger les inégalités sociales et de ressusciter nos liens de solidarité malmenés par les rigueurs du temps.

Je peux attester, pour avoir eu l’honneur et le privilège d’être à vos côtés de 2009 à 2012 pour vous voir inspecter des étendues peuplés de Sénégalais, qui vont de la Diaspora aux coins les plus reculés du pays en passant par ses zones urbaines, que vous avez « Le Sénégal au cœur ». C’est ce qui fonde votre connaissance de la terre qui vous a vu naître et vous permet de dérouler vos politiques d’équité territoriale et de justice sociale. Oui, comme vous l’avez relevé dans votre adresse du 03 avril, le Sénégal c’est aussi Ngayenne Sabakh, Darou Ndiaye, Thioubalel Nabadji, Toumania, Nouma, Barocuonda, Madina Wandifa, Djinany, Diembéring et tant d’autres localités bénéficiaires des politiques d’équité territoriale et de justice sociale. Nous le ferons à Boli Ndaw, à Fafacourou, Darou Ndiaye, Diallocounda, Diakhaling, Sinthiou Amadou Salam, Bokiladji, Brin, Bassoul, Keur Dabo. Tous ces villages dont certains, malgré leur petite taille et leur éloignement, n’en demeurent pas moins parties intégrantes du pays et méritent, à ce titre que l’on prennent soin de leurs populations.

Au lieu de geindre et de faire entendre aux Sénégalais un concert de jérémiades en arguant que le pays souffre de plusieurs décennies – pour ne pas dire depuis l’époque coloniale – de non investissement dans le secteur plus que vital de l’accès à l’eau potable, et ainsi se décharger sur vos prédécesseurs, vous avez agi en homme d’État : assumer et endosser le principe de continuité, certes ingrat. Et pour corriger cet état de fait et rattraper le temps perdu, vous avez consenti des efforts financiers monumentaux.

Aujourd’hui, les populations des régions de Dakar, de Thiès et d’autres localités avoisinantes, qui paient un lourd tribut à la quête de l’eau potable, vont pousser, dès le mois prochain, un ouf de soulagement : la mise en service de la troisième usine de Keur Momar Sarr (KMS3) va leur fournir, dès sa première phase, 100 000 m3 d’eau potable et faire du manque du liquide précieux un mauvais souvenir.

La vie d’une Nation étant faite de soubresauts, de compromis et surtout de consensus forts, vous avez raison de dire que la cause qui doit nous mobiliser est certainement une commune volonté de vivre ensemble. Un appel qui vient à son heure, car depuis quelques temps, malheureusement, les préoccupations dans notre pays ont dégringolé de quelques paliers. La bagatelle est en passe de devenir l’alpha et l’oméga dans notre société. Le discours communautariste et particulariste est en train de s’y développer dangereusement. Le bon sens, cependant, nous enjoint – les responsabilités sont partagées – de nous accrocher avec l’énergie du désespoir au legs des Anciens. Car porter un tel discours, c’est comme vouloir partager sa pitance avec une meute d’hyènes en croyant naïvement qu’on en sortira indemne.

Au fil des siècles, les dissensions ethniques, religieuses, raciales, idéologiques ont semé la désolation et la terreur un peu partout dans le monde. Avant-hier, après le génocide du peuple arménien, à l’aube du Troisième Reich, lorsque Baldur Von Schirach, leader des Jeunesses Hitlériennes, pris par un délire obsessionnel provoqué par sa haine viscérale des Juifs, joignant le geste à la parole, a clamé : « Quand j’entends le mot culture, je dégaine mon revolver », les démocrates et républicains ont souri et dit tout le mépris qu’ils vouaient à ces Nazis, des comédiens à leurs yeux. Lui emboîtant le pas, Joseph Goebbels, Ministre de la Propagande, initia sur tout l’étendue du territoire allemand des autodafés : toutes les œuvres écrites et musicales de Juifs Allemands étaient brûlées dans d’énormes buchers. Là encore, les démocrates et républicains ricanèrent. Moins de dix ans après, nombre d’hommes de culture qui n’avaient pas pu s’échapper d’Allemagne reçurent une balle de revolver dans la tête, le reste mourut dans les camps de concentration ; parallèlement, à la place des livres que les Nazis brûlaient, ce sont six millions de Juifs qui périrent dans des fours crématoires. Et avant qu’on ne stoppât la folie hitlérienne qui déclencha la Deuxième Guerre Mondiale, cinquante millions d’humains étaient morts.

Hier, c’était le génocide rwandais, encore frais dans nos mémoires.

Avant de plonger l’humanité dans un Capharnaüm et de déclencher une sorte d’Armageddon, toutes ces calamités ont débuté par de simples et banales petites phrases haineuses.

Alors, tous, nous devons apprécier à sa juste valeur votre invite à « préserver cet art de vivre bien sénégalais », car dans ce pays, « il ne saurait y avoir de place pour le particularisme quel qu’il soit ». Encore moins une atteinte aux Institutions, à l’État, à l’État de droit et à la République.

Maintenant, ceux-là qui sont tentés de jouer au « nouveau monde », celui de la transgression, du saccage des symboles et de la remise en cause systématique, en négligeant les vertus enseignées par les Anciens, il est important de rappeler une vérité implacable : les tentatives désordonnées de rattrapage ont toujours l’effet des sables mouvants, ceux qui restent immobiles s’enfoncent, ceux qui bougent s’enfoncent aussi.

Votre adresse à la Nation du 03 avril est assurément une parole de redressement social, patriotique, économique et moral. Vos belles annonces sur un ton qui apaise transpercent, fissurent et vont, indubitablement, disloquer ce rideau de fer noir qui s’est abattu, tel le couperet d’une guillotine, sur le quotidien de millions de « goorgoorlu » avec la survenue de la pandémie de la Covid-19 et son cortège de malheurs.

Vous avez donc été un porteur d’optimisme pour vos compatriotes.

Dieu fasse, dans Sa Miséricorde infinie, que vous ayez les moyens de concrétiser tous vos projets pour le Sénégal.

Yakham MBAYE
Militant de l’Alliance pour la République.

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