A ma chère Afrique meurtrie, peignant encore à se tenir debout !

09 - Mai - 2017

« J’entends de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit d’un qu’on jette à la mer… les abois d’une femme en gésine… des raclements d’ongles cherchant des gorges… des ricanements de fouet… des farfouillis de vermine parmi des lassitudes…”

Ces mots poignants d’Aimé CÉSAIRE, dans son Cahier d’un retour au pays natal, nous rappellent l’horreur absolue que constitua l’esclavage pour des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. En quelques phrases, nous réalisons pleinement ce qui aujourd'hui parait inconcevable, abominable et révoltant dans la plupart de nos sociétés : l’asservissement de l’homme par l’homme.

Extraits de la préface du rapport de préfiguration de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, de la traite et de leurs abolitions, établi en mars 2017 par Lionel ZINZOU, Président de cette dite fondation. Cette préface est du Ministre des Outre-mer de la République française, Madame Ericka BAREIGTS, que j’emprunte pour commencer mes propos en ce 10 mai 2017 la journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.

Pour rappel, la France est le premier État et demeure le seul qui, à ce jour, ait déclaré la traite négrière et l'esclavage "crime contre l'humanité". Elle est également le seul État à avoir décrété une journée nationale de commémoration et également créé une Fondation chargée entre autres de développer et promouvoir la connaissance de l’histoire de l’esclavage mais aussi celle des sociétés et cultures des Outre-mer, ses circulations culturelles, autour d’un projet qui ne se cristallise pas sur le seul passé.

Notons avec fierté républicaine cette avancée dans la réflexion civique sur le respect de la dignité humaine et la notion de crime contre l’humanité en faisant un travail inlassable de mémoire pour transmettre aux générations futures des modèles d’exemples puisés des pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité.

Un pas de marche à répéter autant de fois que nécessaire face à la dimension universelle de l’esclavage et de la traite de l’homme par son semblable qui depuis les premières grandes civilisation (Egyptienne, romaine, grecque…) a tout été une arme pour exploiter et faire vivre des modèles économiques de travail forcé en refusant à des êtres humains une identité, une citoyenneté, une filiation, une culture et réduire leur condition humaine à la condition de « biens meubles », susceptibles d’être aliénés, vendus, échangés, mutilés.

Sans le travail au sein de la République, de certains de ses braves fils (filles), l’esclavage et la traite ne sauraient être reconnus, à l'unanimité des parlementaires, par une loi dite « Loi Taubira » en 2001, comme crimes contre l’humanité.

Cette réalité terrible de l’histoire, qu’un travail de mémoire est lancé et soutenu par les pouvoirs publics, ne fut l’affaire qu’uniquement de la France voire certains Etats occidentaux mais aussi de l’empire arabo-musulmane.

D’après les spécialistes africains qui traitent le sujet (vidéo que je conseille de regarder : https://www.youtube.com/watch?v=4DaXgrPgsNY) : l’arrivée de l’Islam et ses conquêtes avaient besoin de capturer des hommes et des femmes pour en faire des esclavages donc main d’œuvre dans le travail forcé légitimé par les textes, les sultans et des érudits. L’Islam n’autorise à réduire en esclavage que les non-musulmans et ce qui justifiait à travers les siècles des millions d’Européens sont capturés et vendus mais ils se défendent, rendant difficile et dangereux leur business alors les esclavagistes arabes s’orientent vers les musulmans d’Afrique noire avec la complicité des élites africaines musulmanes comme l’aborde le Pr Ibrahima Thioub, à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, en tant qu’Historien courageux qui fait parler le passé sans jugement mais juste à la quête de la vérité en mettant de côté l’émotion.

Heureusement pour le bien de l’humanité, de braves gens continuent d’œuvrer à mettre en lumière ces pratiques indignes, inhumaines et criminelles qu’aucune raison ne justifierait voire ne dédouanerait car les responsabilités furent multiples (africaines, occidentales et arabes) et ne doivent occulter la vérité dans les travaux de mémoire en vue d’éviter l’oubli, combattre le racisme et toutes formes modernes d’oppression de l’être humain dans toutes les sociétés inégalitaires.

Marchons, portant le lourd fardeau du passé, ayant les regards indignés constamment sur le présent de par ses violences inexplicables (guerres, attentats, refus de l’autre…) sans oublier le besoin de préparation nécessaire pour le futur en protégeant tout ce que nous avons de plus commun « notre planète mère » qui a nourri nos ancêtres, nous alimente encore et que nous avons l’obligation de la laisser pour les générations à venir.

Pour finir, j’appelle de tous mes vœux à une issue favorable à l’invitation lancée à tous les peuples concernés en général et au continent africain en particulier à se joindre à cet immense chantier de création de la Fondation de mémoire dédiée à l’esclavage afin de permettre à chacune et à chacun de nous de guérir de ses blessures, que l’étape d’après la colonisation a continué à infecter, en maintenant ce continent à genoux encore et encore mais espérons !
Amadou THIAM.

Le lien du rapport sous format PDF :
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2017/03/rapport_de_prefiguration_de_la_fondation_pour_la_memoire_de_lesclavage_de_la_traite_et_de_leurs_abolitions.pdf

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