AFP : Moustapha Niasse s'apprête à passer le flambeau, après 25 ans de règne

10 - Avril - 2025

Un vent de transition souffle sur l’Alliance des Forces de Progrès (AFP). Ce samedi 12 avril 2025, le parti fondé en 1999 par Moustapha Niasse tiendra une assemblée générale. Elle actera officiellement le départ de son fondateur et Secrétaire général,

après plus de deux décennies à la tête de la formation politique. Ce moment symbolique pourrait sceller l’entrée de l’AFP dans une nouvelle ère — ou amorcer son déclin, à l’image de nombreux partis façonnés par une figure dominante. C’est Marcel Diana Ndiaye, Secrétaire national chargé de l’administration de la permanence, qui a confirmé le retrait de Niasse lors d’un point de presse, soulignant qu’il est « en retrait, mais loin de la retraite ». Le parti travaille activement à bâtir un consensus autour de son successeur, dans un esprit de continuité mais aussi de rajeunissement.

Une carrière politique à travers les régimes

Le parcours de Moustapha Niasse (85 ans) épouse les grandes étapes de l’histoire politique sénégalaise. Haut fonctionnaire formé à l’école de l’État, il est repéré par Léopold Sédar Senghor, qui l’intègre très tôt dans la haute administration. Il devient ministre des Affaires étrangères en 1978, Premier ministre en 1983 et reste à ce poste sous Abdou Diouf jusqu’en 1984, avant de revenir brièvement dans les années 1990.

En 2000, alors qu’il se présente à l’élection présidentielle, il crée la surprise en se classant troisième avec 16,77 % des suffrages. Son soutien à Abdoulaye Wade entre les deux tours est décisif pour la première alternance politique de l’histoire du Sénégal. Dans la foulée, l’AFP entre à l’Assemblée nationale en 2001 avec 11 sièges.

Nommé Premier ministre aux premières heures de la première alternance, la lune de miel avec Wade sera de courte durée. Niasse quitte la mouvance présidentielle, s’ancre dans l’opposition, et se présente à nouveau en 2007. Il chute lourdement à la quatrième place avec 5,93 %, dépassé par la montée d’Idrissa Seck et le retour en force d’Ousmane Tanor Dieng. L’AFP, comme le Parti socialiste, boycottera ensuite les législatives de la même année.

L’homme politique rebondit en 2012, en s’alliant au sein du Front Siggil Sénégal pour soutenir Macky Sall, dans ce qui deviendra la deuxième alternance. En reconnaissance de son rôle, il est élu président de l’Assemblée nationale, poste qu’il occupera pendant deux mandats consécutifs (2012–2022).

Même après avoir quitté le perchoir, l’enfant de Keur Madiabel est resté influent au sein de Benno Bok Yakaar. En 2023, il est désigné par la coalition dirigée par Macky Sall pour coordonner le processus de désignation du candidat de la majorité à l’élection présidentielle de 2024. Un signe que, malgré son retrait, sa voix continue de peser dans les cercles décisionnels.

Quel avenir pour l’AFP ?

Aujourd’hui, alors que le pays connaît une troisième alternance, l’AFP doit se réinventer. De nouveaux leaders émergent, et la pression de renouvellement se fait sentir. Créée dans la foulée du congrès sans débat du Parti socialiste de 1996, qui avait consacré Ousmane Tanor Dieng, l’AFP s’est dès le départ positionnée comme une alternative sociale-démocrate. Mais avec le départ de son fondateur emblématique, le parti fait face à un tournant stratégique.

Marcel Diana Ndiaye annonce la mise en place d’une « nouvelle direction fortement rajeunie » qui devra incarner la modernité tout en assurant la cohésion. L’un des prétendants les plus visibles est Mbaye Dione, maire de Ngoundiane, qui a publiquement affiché son ambition : « Je veux être le président. J’ai la position pour l’être, mais ce sont les militants qui vont choisir », déclarait-il en février. D’autres figures comme l’ancien ministre du Commerce Alioune Sarr ou le professeur Mawloud Diakhaté sont également cités comme candidats sérieux à la succession.

Le legs d’un faiseur de roi

Qu’il s’agisse de Senghor, Diouf, Wade ou Macky Sall, Moustapha Niasse aura été, à chaque étape, un homme central. Diplomate, stratège, faiseur de roi, mais aussi gardien de certaines constantes politiques, il s’apprête à passer le témoin à la jeune génération, laissant à l’AFP une feuille de route claire : préserver l’héritage tout en se réinventant.

Le pari reste néanmoins périlleux. À l’image de nombreuses formations politiques en Afrique, l’AFP devra prouver qu’elle peut exister sans son fondateur et conserver sa pertinence dans un paysage politique en pleine mutation, dominé désormais par le Pastef, nouveau pouvoir et force montante.

le soleil

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