Aux étouffeurs du Sénégal !

05 - Novembre - 2021

Le tollé nourri d’amalgames et d’intentions malsaines et incompréhensibles, de nuisance qu’a occasionné la belle consécration de Mbougar Sarr au Sénégal témoigne encore une fois de plus une volonté ferme d’instaurer une tradition doctrinalement procédurale qui se veut instrument de filtre, de mesure de tout ce qui se produit artistiquement pour afin jauger et juger sur la valabilité morale ou non des œuvres tant littéraires que cinématographiques. Autrement dit, nous sommes tous soumis à une gendarmerie de mœurs qui de manière diffuse s’installe sous les couleurs d’une défense de « valeurs socio-culturelles » et « religieuses » et s’arroge le droit de délibérer sur ce que nous devons spirituellement ou /et culturellement nous pencher. C’est notre liberté la plus sacrée, qu’on veut nous dérober. C’est la liberté de création qu’on veut porter atteinte. C’est la restriction du cadre de création, l’affaissement du génie, la crainte qui inhibe le talent de l’artiste qui seront les conséquences désastreuses d’une telle opération de banditisme pseudo-religieux. On en est arrivé à un niveau de paranoïa incommensurable, à un niveau de soupçon de mauvaise foi inadmissible. Au point qu’une consécration littéraire de haute facture ne pourrait être de l’ordre du mérite, mais une simple promotion octroyée par des lobbies LGBTI à un jeune écrivain sénégalais qui a fait l’unanimité dans les critiques littéraires et dont son roman a été sélectionné dans tous les prix littéraires.

Cette propension immédiate et irréfléchie à croire que l’Occident est intrinsèquement derrière tous les évènements de notre quotidien n’est ni plus ni moins que le spectre plafonné d’un complexe plus qu’une méfiance lucide et avant-gardiste.

A ces gens qui se croient les plus doctes et les plus avertis avec leur bien-pensance , il faut leur rappeler que la tradition est certes la mémoire des expériences des anciens qui dans leur tâtonnement ont stabilisé des référents fiables. Un homme ne peut donc devenir homme qu’en appartenant à une communauté portée par une tradition à la lumière de laquelle il recevra les repères nécessaires à son cheminement d’humanité. Mais cette tradition ne saurait être une doctrine, un prisme figé et statique, mais elle est plutôt un foyer de sens qui s’atteste dans sa maturation chez un sujet, on ne l’impose pas. C’est la somme d’expériences de plusieurs siècles qui se sont rassemblées en une mémoire de ce qui convient l’homme et ce qui ne le convient pas. Pourquoi alors, vouloir à tout prix embarquer tout le monde dans cette hermétique invention à l’emporte-pièce de « nos réalités » comme si elles constituaient l’essence absolue de ce que nous sommes et de ce que nous avons à devenir singulièrement les uns des autres ?

Nous gagnerions mieux à cultiver la tolérance et la prudence. Apprendre à lire et à relire au besoin. Cesser de vouloir homogénéiser les perceptions. Cesser de se dresser en directeurs consciences comme si nous étions détenteurs d’une science infuse qui nous donnerait la légitimité d’être le cadreur de la société, le limeur des comportements, le ciseleur des regards.

Le totalitarisme rampant qui s’absolutise à des proportions de plus en plus inquiétantes guette tout le monde et les pourfendeurs en premier. Le totalitarisme peu importe sa forme rend aveugle et ridicule.

Ne pas lire et semer la confusion sur la base de simples préjugés, c’est laisser son esprit trempé dans la pensée par procuration. C’est soumettre son esprit à ce qu’il y’a de plus aliénant pour lui, les chaînes de l’ignorance vulgaire.

GUEYE Mafama

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