CES DEFIS QUI ATTENDENT LE REELS

13 - Avril - 2022

Après leur acte de sécession posé ce week-end, les élus de l’opposition pourraient se heurter à certaines difficultés dans leurs rapports avec l’Etat et certains de ses démembrements techniques.

Depuis le week-end dernier, la majorité a son association d’élus. L’opposition a la sienne. En principe, il n’y a, jusque-là, rien d’anormal. Chacun étant libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à une association. Mais l’acte posé par les leaders de Yewwi Askan Wi confirme au moins une chose. La logique partisane a pris manifestement le dessus sur celle républicaine. Au-delà de la ‘’fragilisation’’ des structures qui regroupaient l’ensemble des élus, opposition comme pouvoir, il faut s’interroger sur les conséquences qui peuvent découler d’une telle sécession.

D’emblée, il faut préciser que cela est en principe sans incidence sur la répartition des subventions de l’Etat aux collectivités territoriales. Président de l’Association des départements, Adama Diouf confirme et précise : ''En fait, il y a des critères particuliers sur la base desquels ces fonds sont répartis aux collectivités territoriales. Le premier, c’est la population ; le deuxième, c’est le niveau d’équipements, etc. Mais les associations d’élus n’interviennent aucunement dans ce processus de répartition des fonds entre les collectivités. Il revient aux ministères des Collectivités territoriales et des Finances de procéder à la répartition selon les critères édictés. Et ce n’est pas parce que des maires ou présidents de département se retirent des associations qu’ils ne vont pas bénéficier de ces fonds’’.

Cela dit, même si elles n’interviennent pas dans la répartition des fonds au détail, ces associations prennent part à la distribution de masse. L’expert en décentralisation explique : ‘’Les subventions qui sont données aux collectivités territoriales se font dans une instance que l’on appelle le Conseil national des collectivités territoriales. Lequel procède à la répartition en grande masse des fonds de dotation de la décentralisation et des fonds d’équipement des collectivités territoriales. Nous (les associations d’élus) sommes présents lors de cette répartition de grande masse. Mais il s’agit-là juste de dire combien est consacré aux fonds de dotation, combien pour les structures comme l’Agetip, le PNDL, l’ADL… Notre rôle se limite là.’’

C’est aussi lors de cette rencontre que l’Etat fixe le montant de la subvention dédiée aux associations comme l’AMS et l’Association des départements. Chaque année, souligne M. Diouf, dans les fonds de dotation, les associations ont une subvention au même titre que les agences de développement qui reçoivent des transferts de l’Etat pour leur fonctionnement.

Budget de l’AMS : 350 millions FCFA

Interpellé sur le budget de l’AMS, il déclare : ‘’Il y a, d’une part, les transferts financiers de l’Etat qui sont de l’ordre de 350 millions. Ensuite, il y a les contributions des collectivités dont je ne saurais vous dire le montant.’’

Le Réseau des élus locaux du Sénégal (Réel) pourrait-il bénéficier de cette subvention ? Pour Ousmane Sonko, la réponse est affirmative. ‘’L’Etat doit considérer cette nouvelle association au même titre que l’AMS dans tout ce qui devra se faire avec les collectivités territoriales. Nous allons bénéficier de subventions qui nous reviennent de droit’’.

D’ores et déjà, le leader de l’opposition enjoint aux maires de l’opposition de faire des virements de crédits pour réorienter les lignes budgétaires initialement destinées à l’Association des maires à la nouvelle entité qui regroupe les élus de l’opposition.

Toutefois, cette volonté de bénéficier des mêmes subventions que les entités jusque-là en place, pourrait rencontrer quelques obstacles. Adama Diouf : ‘’Je ne pense pas qu’il soit envisageable qu’ils puissent bénéficier de cette subvention au même titre que les entités qui existent. Ils ont décidé de mettre en place leur propre structure parallèle. C’est leur droit le plus absolu. Mais ils ne peuvent exiger à l’Etat de leur octroyer cette subvention, alors que jusqu’ici, il travaille avec une seule structure.’’

Pour en revenir aux missions des associations, elles ont pour rôle, notamment, de porter la parole des élus, de contribuer à la réflexion sur les réformes de la décentralisation, d’assurer les missions de représentation auprès de l’Etat et des institutions de la République, de défendre les élus chaque fois que de besoin, si leurs intérêts sont lésés. A ce propos, il se pose la question de savoir si la nouvelle structure mise en place par les maires de l’opposition pourrait intercéder auprès des bras armés de l’Etat en matière de décentralisation. L’ancien président du Conseil départemental de Kaffrine explique : ‘’Ce sont des structures techniques très importantes pour les collectivités, pas pour les associations. Toutes les collectivités pourront donc les saisir.

Maintenant, comme je l’ai dit, des structures comme l’AMS et l’Association des départements ont, parmi leurs missions, celle de porter la parole des collectivités territoriales auprès des structures dédiées. Nous intervenons même au niveau du ministère de l’Education, dans le cadre du budget consolidé d’investissement consacré uniquement aux salles de classe. Il en est de même pour l’AGETIP, l’ADL, le PNDL… Nous intervenons à tous les niveaux pour défendre les intérêts des collectivités.’’

Le Réseau des élus de l’opposition pourrait-il bénéficier de la même attention, comme l’exige le maire de Ziguinchor ? Rien n’est moins sûr. Selon Adama Diouf, cette scission est, en tout cas, regrettable et n’est pas de nature à renforcer les collectivités territoriales. ‘’Nous sommes, souligne-t-il, à la croisée des chemins, dans le cadre de la réforme de notre politique de décentralisation. Nous avons des défis à relever, celui de la cohérence territoriale, celui du financement du développement, la responsabilisation des acteurs territoriaux, le statut des élus locaux... Tout ça, c’est commun à tous les élus. Et c’est notre rôle de porter la parole collective. Voilà notre mission. Pas de nous affaiblir.’’

A ceux qui soutiennent que c’est parce que les élus de l’opposition étaient marginalisés que Réels a vu le jour, il rétorque : ‘’C’est vraiment un débat qui n’a pas de sens. Pour vous donner juste une idée, l’actuel trésorier général de l’AMS est de l’opposition, c’est Abdoulaye Diop du PDS. Ils ont toujours été impliqués.’’

PENSEE UNIQUE A YAW : Les accusations fracassantes de Déthié Faye

Pendant que ses leaders s’affairaient à la mise en place de leur propre Réseau d’élus locaux, la coalition Yewwi Askan Wi devra faire face à une nième dissidence, celle de CDR/Fonk Sa Kaddu, amené par Déthié Faye, par ailleurs coordonnateur des non-alignés. Ce dernier n’arrivait plus à digérer la ‘’pensée unique’’ imposée au sein de la coalition par un ‘’groupe restreint, voire clandestin’’.

Interpellé par ‘’EnQuête’’, il peste : ‘’Si nous avons pris cette décision, c’est parce qu’on a voulu, à un certain moment, conditionner les positions des entités. Il y a une volonté réelle d’uniformiser la pensée avec certains qui veulent s’attribuer, seuls, le titre de maitres à penser de tout le monde. Cela va à l’encontre de la ligne à laquelle j’ai toujours souscrit, celle du non-alignement et de l’indépendance.’’

Pour le coordonnateur des non-alignés, l’indépendance de penser et d’action doit être reconnue à chaque entité, surtout sur les questions qui n’ont pas été discutées et sanctionnées par une position commune de la coalition. Ce qui est loin d’être le cas à Yaw. ‘’Sur l’essentiel des questions, on se rend compte en réunion que tout est déjà ficelé. S’il doit y avoir des communications, avant même la réunion, chacun sait ce qu’il va faire. Les rôles sont répartis à l’avance. Pour moi, quand on a des formations politiques qui ont décidé de cheminer ensemble, il y a un principe majeur, celui de l’égale dignité des partis. C’est-à-dire que chaque entité ait la possibilité d’être au courant de ce qui se fait et de donner son point de vue. Qu’il ne soit pas permis à un groupe restreint, peut-être clandestin, d’être le seul à prendre des décisions à la place des autres.’’

Mais qu’est-ce que Yewwi a bien pu reprocher à Déthié ? C’est, selon M. Faye, d’avoir clamé dans la presse qu’il est foncièrement contre une augmentation des députés. Est-ce à dire que Yaw n’est pas contre une telle proposition ? Le dissident fulmine : ‘’C’est tout comme. En réalité, ils cautionnent, mais n’ont pas voulu le défendre publiquement. La preuve, lors de leur conclave, ils ont dit qu’ils prennent acte de l’augmentation, mais que cela n’ait pas une incidence financière. C’est de la malhonnêteté. Ils ne peuvent pas admettre que l’on augmente les députés, que l’on conserve les acquis actuels des parlementaires et demander qu’il n’y ait pas d’incidence financière. C’est une façon de cacher qu’ils sont pour l’augmentation. Ce n’est pas courageux.’’

Une chose est sûre : Yaw a reproché au coordonnateur des non-alignés ses positions publiques sur cette question. Déthié Faye précise : ‘’On a eu un débat sur les prises de position que nous pouvons avoir. Il m’a été reproché d’avoir dit dans la presse que je suis foncièrement contre l’augmentation du nombre de députés. Dans une réunion, on me l’a reproché ouvertement. Je leur ai dit que ceci est ma position, depuis 2016. Et jusque-là, il n’y a eu aucune réunion pour défendre une position commune sur la question. On ne peut donc pas me reprocher d’avoir défendu une position contraire.’’

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