Conflit ethnique de 1989 : 14 000 réfugiés mauritaniens vivent encore au Sénégal

17 - Février - 2020

En avril 1989, un différend frontalier entre la Mauritanie et le Sénégal avait dégénéré en violences intercommunautaires. Plus de 60 000 Mauritaniens avaient alors fui vers le Sénégal et le Mali. En fait, le conflit a servi de prétexte à une vaste épuration ethnique en Mauritanie. Les classes dirigeantes arabes et berbères ont expulsé manu militari la population noire d’origine peule. D’une pierre deux coups : d'une part, le pouvoir a éliminé une opposition militante bien représentée chez les fonctionnaires et, d’autre part, a mis la main sur des terres très convoitées le long du fleuve Sénégal. Un fleuve que la population noire a été priée de traverser au plus vite.

Au moment de l’exil, cette population s'est dispersée sur l’autre rive, le long de la vallée du fleuve Sénégal, sur 280 sites. De tous temps, les populations de chaque côté de cette frontière naturelle ont tissé des liens, d’où le nombre important de ces points de chute, souvent liés à des liens familiaux.

Pas de terres à cultiver
Aujourd’hui, et malgré les opérations de rapatriement, ils sont encore plus de 14 000 Mauritaniens à vivre dans des camps au Sénégal et autant au Mali.

Parmi ceux qui sont retournés au pays, des milliers vivent dans une situation très précaire, malgré l’accord de rapatriement signé en 2007. Le programme piloté par le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) a permis le retour de plus de 24 000 Mauritaniens et s‘est achevé en 2012.

Il prévoyait des actions de réinsertion "dans les domaines du logement… ainsi que dans le cadre de projets agricoles ou d’élevage et de programmes générateurs de revenus", comme l’expliquait alors le HCR. Pourtant, tous n’ont pas été rétablis dans leurs droits. Certains, notamment, n’ont pas pu récupérer de terres et vivent dans un grand dénuement.

Sans papiers
Les 14 000 Mauritaniens qui sont encore au Sénégal ne sont pas mieux lotis. Ils vivent dans des camps de réfugiés, notamment celui de Thiabakh dans la ville de Richard-Toll, au bord du fleuve Sénégal. Plusieurs milliers souhaiteraient acquérir la citoyenneté sénégalaise, ce qui n’est pas si simple, de l’aveu même du HCR. "Il s’agit de constituer les documents et c’est un problème épineux parce que la plupart d’entre eux sont arrivés sans aucun document. Certains ont aussi eu des enfants qu’ils n’ont pas déclarés", reconnaît la représentante de l’organisme onusien.

Quant à la vie quotidienne, c’est un combat de tous les jours. "Depuis que je suis enfant, je vis dans la pauvreté, sans travail, sans soutien", confie une réfugiée âgée de 30 ans à Amandla Thomas-Johnson, journaliste du site internet Middle East eyes.

Une vie de misère
Les aides de la Croix-Rouge et celles des Nations unies n’étaient pas éternelles. Et sans elles, la vie s’est très vite avérée une épreuve. Les terres ne donnaient rien. Et faute d’argent, les enfants n’ont pas été, ou très peu, scolarisés. L’engrenage classique de la misère.

Le peu de travail qu’il y a, les hommes vont le chercher dans une plantation privée à des heures de marche. Selon le bon vouloir des responsables, ils peuvent ou non, couper de l’herbe ou ramasser du bois mort qu’ils vendront pour une misère.

Régulièrement les associations de défense de ces réfugiés tirent la sonnette d’alarme. Elles réclament en particulier l’obtention de papiers pour tous. Beaucoup sont en effet en situation irrégulière et ne peuvent donc pas chercher un travail. Quant à ceux qui veulent rentrer en Mauritanie, faute de papiers, leur citoyenneté ne leur est pas reconnue.

FI

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

25 - Juillet - 2024

Ouverture du procès en appel de l'affaire Boffa Bayotte: L'avocat de la défense, Me. Ciré Clédor Ly démontre les violations de l'enquête de la gendarmerie et du juge d'instruction.

Le procès en appel de l'affaire dite Boffa Bayotte, marquée par la mort de 14 explotants forestiers, froidement exécutés en janvier 2018 par un commando armé non...

25 - Juillet - 2024

Neuf policiers arrêtés: Ils ont détourné de l’argent saisi, 200 millions F CFA au total

Une affaire rocambolesque secoue la police nationale. Neuf policiers ont en effet été arrêtés par leurs collègues de la Division des Investigations Criminelles...

25 - Juillet - 2024

René Capain Bassène nie toute appartenance au Mfdc et est confirmé par un spécialiste qui affirme qu'on peut manipuler une boite mail de quelqu'un

Au deuxième jour du procès de la tuerie de Boffa Bayotte, René Capain Bassène était encore face au juge, Gaoussou Diop qui dirige les travaux. Et il est...

24 - Juillet - 2024

Demande d’intervention d’urgence : Le Collectif des victimes du régime de Macky Sall saisit le Haut Commissariat des Nations Unies

Le Collectif des Victimes du régime du Président Macky SALL a pris une initiative majeure en saisissant le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH),...

24 - Juillet - 2024

Politique d’accès aux logements : La CDC s’engage à accompagner le président Faye

La Caisse des Dépôts et Consignations entend accompagner de manière dynamique le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Diakhar Faye qui a indiqué lors de la...