Coronavirus: le Sénégal, une «success story» à confirmer

27 - Novembre - 2020

Les mesures de prévention prises rapidement au Sénégal n’expliquent peut-être pas à elles seules le fort recul du Covid-19, estiment des responsables sénégalais, qui se demandent si une immunité collective a discrètement vu le jour.

Le pays ouest-africain de 16 millions d’habitants a enregistré environ 16.000 cas et 332 décès. Seule une poignée de malades sont en soins intensifs, selon le ministère de la Santé.

Si l’épidémie avait suivi les courbes de l’Europe, le Sénégal aurait compté environ 100 fois plus de morts.

Dès les premiers cas, le Sénégal a fermé ses frontières, ses écoles et ses mosquées, et imposé un couvre-feu nocturne, dispositions aujourd’hui levées. Les patients ont été pris en charge et les cas contacts isolés dans des hôtels.

Le Sénégal, «c’est l’un des pays modèles en termes de mise en oeuvre des mesures de prévention du Covid-19 et ils en ont récolté les fruits», a récemment reconnu un responsable pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Nsenga Ngoy.

Pour Abdoulaye Bousso, un des responsables de la riposte au Sénégal, ce sont effectivement les stratégies d’endiguement qui, dans un premier temps au moins, ont permis au système de santé sénégalais de ne pas s’effondrer.

Mais depuis, une «fatigue» s’est installée et plus grand monde ne porte le masque ou ne garde ses distances.

- Effet des infections saisonnières -

Les Sénégalais ont célébré fin juillet la «Tabaski» et, deux mois après, le «Magal», autre grande fête musulmane brassant les foules.

Or, ces rassemblements n’ont pas déclenché de vagues de contamination, et c’est donc «peut-être la question de l’immunité qu’il faut mettre en avant», estime le Dr Bousso.

«On se rend bien compte qu’en Afrique en général et au Sénégal en particulier, on n’a pas les morts qu’on aurait dû avoir», confirme un spécialiste de terrain, Massamba Sassoum Diop, président de l’organisation SOS Médecins Sénégal.

L’urgentiste avance qu’une «immunité croisée» a vu le jour au Sénégal. Il l’explique par les infections respiratoires qui sévissent régulièrement à travers la population en mai-juin et septembre, périodes où les climatisations tournent au maximum.

Relativement bénignes, elles sont dues à quatre types de coronavirus. Les résidents du Sénégal développeraient donc une immunité contre cette famille de virus, qui se serait également montrée efficace lorsque le Covid-19 est apparu en mars, estime le Dr Diop.

Le nouveau coronavirus se serait ensuite répandu massivement, d’avril à août, au sein d’une population majoritairement jeune et qui n’a généralement pas développé de symptômes graves.

Sans faire de bruit, «environ 60% de la population» aurait acquis cette immunité, dit-il.

Le fait de vivre en Afrique a joué un rôle bien plus prééminent que l’origine ethnique ou la génétique, dit-il.

- Corollaire létal ? -

Il en veut pour pour preuve que les populations noires meurent de manière disproportionnée en Europe ou aux Etats-Unis, tandis que les Européens, Libanais ou Chinois vivant au Sénégal meurent beaucoup moins que dans leur pays d’origine.

L’immunité croisée ou collective a «un support scientifique en virologie et en immunologie». Elle demeure cependant une hypothèse non encore prouvée, admet-il.

Une étude sérologique en cours devrait fournir de premières indications sur sa validité dans les prochaines semaines, dit-il.

Le ministre de la Santé, Abdoulaye Diouf Sarr, se veut plus réservé.

Si les chiffres sont si bas, «nous pouvons dire sans risque de nous tromper que c’est dû à l’efficacité de la riposte parce que l’immunité collective ne peut pas être une stratégie de riposte. Si l’immunité collective était LA stratégie de riposte, le corollaire serait un nombre de morts extrêmement important parce qu’on ne ferait rien», tempère-t-il.

Pour les spécialistes sénégalais, comme pour l’OMS, pas question en tout cas de céder à l’euphorie qui pointe dans les médias locaux, ne serait-ce que parce qu’on ignore la durée d’une immunité si elle existe.

Transposer l’hypothèse à des régions où les populations sont plus âgées et plus à risque est dangereux. «Si on l’applique directement en Europe, c’est 3 ou 4 millions de morts supplémentaires, et aux Etats-Unis, peut-être 8 ou 10 millions», avertit Massamba Diop.

En attendant, le président sénégalais Macky Sall exhorte à observer strictement les gestes barrières, «seule thérapie pour l’instant contre la Covid-19». «Le virus circule encore. La bataille n’est pas tout à fait gagnée», a-t-il dit jeudi, «ne souhaitons pas avoir une seconde vague qui sera insupportable pour notre pays, pour notre économie».

afp

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle

Autres actualités

13 - Juin - 2024

Baisse du coût de la vie : Une importante annonce du gouvernement attendue tout à l’heure à 11 heures

Une annonce très importante sur le coût de la vie est attendue ce jeudi à 11 heures à la Primature. Le ministre, secrétaire général du gouvernement,...

13 - Juin - 2024

Chauffeur torturé aux ICS de Taïba : Les chinois et leur complice sénégalais placés sous mandat de dépôt

Rebondissement dans l’affaire du chauffeur Ibrahima Fall torturé aux ICS de Taïba par ses patrons chinois sous la complicité d’un de ses collègues...

12 - Juin - 2024

Gestion intergénérationnelle des revenus du pétrole : L’engagement du président Bassirou Diomaye Faye

En visite au palais de la République, ce mardi matin, les élèves de l’école Keur Mame Diarra de Pikine Aynoumadi 3 ont eu privilège de rencontrer le chef...

12 - Juin - 2024

La gendarmerie se lance une recherche de 100 véhicules de la république qui seraient entre les mains d'anciens ministres, de généraux, marabout...s

La convocation de Dr Nafissatou Diouf, ancienne directrice générale de la Société de Télédiffusion du Sénégal (TDS) est liée,...

12 - Juin - 2024

« Ces gens se foutent de nous, ils détournent l’argent de l’Etat », Cheikh O. Diagne aux patrons de presse

Le ministre-conseiller, Cheikh Oumar Diagne désapprouve la position de certains patrons de presse, qui demandent des cadeaux fiscaux suite à leur redressement par les services des...