Des artistes appelés en renfort pour propager la « véritable » histoire de l’Afrique

26 - Janvier - 2017

Chef de file d’une coalition d’artistes, le musicien Ray Lema propose d’organiser des concours de chansons et de pièces de théâtre pour sortir de l’ombre l’« Histoire générale de l’Afrique ». Ce projet scientifique est porté par l’Unesco depuis plus de quarante ans.
Cette semaine à La Havane, l’entreprise monumentale lancée au lendemain des Indépendances pour donner aux Africains un récit de leur Histoire écrit par des Africains franchira un pas supplémentaire. Les scientifiques, réunis du lundi 23 au samedi 28 janvier par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) fixeront les derniers détails qui devraient permettre au neuvième volume de l’Histoire générale de l’Afrique (HGA) de voir le jour d’ici à la fin de l’année. Composé de trois tomes de 850 pages, il viendra s’ajouter aux 8 000 pages déjà produites depuis la parution du premier volume en 1980. Il y sera question de l’histoire récente du continent et du rôle des diasporas africaines. Une mise à jour des huit prédécents volumes est également annoncée.

Parmi les éminents chercheurs qui œuvrent à la construction d’une représentation du continent « délestée des stéréotypes racistes » prendra place le musicien congolais Ray Lema. En octobre 2015, il a été désigné porte-parole de la Coalition internationale des artistes pour la promotion de l’HGA, créée pour offrir à cette somme sans précédent la notoriété dont elle n’a pas bénéficié jusqu’à présent. Car, très vite, le constat a dû être fait que les épais ouvrages auxquels ont contribué plus de 350 chercheurs dormaient dans les bibliothèques. Au risque d’enterrer le rêve des pères fondateurs du projet : redonner aux Africains la fierté de leur Histoire en montrant « leurs contributions au progrès général de l’humanité ».
Servir le panafricanisme

C’est bien aux Africains que Ray Lema veut d’ailleurs en priorité s’adresser :

« Le regard de l’extérieur est injuste, mais le regard des Africains sur les Africains me choque bien davantage. Comment les jeunes peuvent-ils se projeter dans l’avenir sans savoir d’où ils viennent, sans être conscients qu’ils sont porteurs d’une culture, d’une Histoire qui a sa dignité ? »

A Cuba, choisi pour le lien singulier qui l’unit au continent, l’artiste va suggérer aux représentants de l’Unesco que soient organisés des concours de pièces de théâtre, de chansons, de scénarios sur « quelques-uns des grands moments de l’Histoire africaine ». « Pour atteindre le peuple, nous devons passer par l’image et le son », plaide-t-il. Le musicien congolais ne sait pas dire quels seraient ces grands moments. Il s’avoue lui-même dépassé par la somme encyclopédique « à laquelle aucun artiste normal ne peut s’attaquer » sans être aidé.

L’Unesco en est consciente. « Nous sommes en train de préparer un résumé d’une centaine de pages en version électronique, une sorte d’Histoire de l’Afrique pour les nuls », explique Ali Moussa Lye, responsable de l’utilisation pédagogique du projet. L’Histoire générale de l’Afrique a déjà donné matière à des livrets d’apprentissage pour les enseignants. Elle est officiellement considérée par l’Union africaine comme la référence pour l’enseignement de l’histoire du continent et, en 2015, les gouvernements se sont engagés à puiser dedans pour élaborer leurs programmes éducatifs. « Si nous réussissons à faire cela, l’Afrique sera le premier continent où l’Histoire s’enseigne de la même façon dans tous les pays », se réjouit Ali Moussa Iye, qui voit dans cette ambition un ferment prometteur pour le panafricanisme.

Pour devenir membre de la Coalition, les artistes doivent d’ailleurs s’engager à faire « la promotion d’une identité et d’une citoyenneté panafricaine ». Jusqu’à présent, près de deux cents dramaturges, cinéastes, musiciens, chanteurs… ont rejoint le mouvement parmi lesquels les Maliens Rokia Traoré, Cheihk Tidiane Seck ou de jeunes rappeurs français comme Mokobé.
Le Brésil est le seul pays à avoir rendu obligatoire l’enseignement de l’Histoire générale de l’Afrique

Dans sa mission, Ray Lema doit aussi susciter l’éclosion d’alliances nationales en Afrique même, mais également parmi les diasporas, comme à Cuba. Fin février, la célébration annuelle du Mois de l’histoire des Noirs en Amérique du Nord devrait être l’occasion de rallier les Canadiens.
« Construire un partenariat apaisé »

Reste que l’ambitieuse entreprise butte sur le nerf de la guerre : l’argent. Si, depuis ses débuts, la rédaction de l’encyclopédie a été prise en charge bon an mal an par l’Unesco pour un montant qui avoisine au total 40 millions d’euros, il n’en est pas de même pour sa promotion. Ali Moussa Lye ne peut compter que sur des fonds extra-budgétaires. Le Brésil, qui est le seul pays à avoir traduit intégralement l’HGA en portugais et à avoir rendu obligatoire son enseignement, est l’un des plus importants contributeurs avec un don de 1,4 million de dollars (1,3 million d’euros).

Le Maroc, l’opérateur privé sud-africain MTN, l’Angola, le Burkina Faso et le Zimbabwe ont aussi répondu à l’appel. La Côte d’Ivoire a promis 100 000 dollars.

En revanche, aucun pays européen n’a jusqu’à présent souhaité soutenir la diffusion de cette autre histoire qui corrige la vision dominée par le récit des puissances coloniales. « C’est dommage, regrette le fonctionnaire de l’Unesco. Si les Européens veulent construire un partenariat apaisé avec l’Afrique, il faudra accepter la narration africaine de l’Histoire ».

LEMONDE

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