DISPARITION DE DIDIER BADJI : DEPUIS LE DEBUT DE CETTE AFFAIRE, JE N’AI EU AUCUNE NOUVELLE DE LA GENDARMERIE (SON EPOUSE)
L’adjudant-chef de la gendarmerie nationale Didier Badji, en service à l’Inspection générale d’État (IGE) est porté disparu depuis le 18 novembre dernier 2022. Neuf mois après, sa femme qui est par ailleurs médecin au Sénégal, sort de son silence et réclame « un minimum » d’informations de la part des autorités sénégalaises. Sereine mais décidée à poursuivre son action, Mme Badji est déterminée à se faire entendre. Elle avait auparavant entamé une grève de faim et actuellement, fait un sit-in tous les jours, devant le consulat général du Sénégal à Paris. Last Leaks est allé l’interviewer.
Last Leaks : Depuis le début de cette affaire, la disparition de votre mari, vous êtes restée silencieuse et discrète. Qu’est-ce qui motive aujourd’hui vos actions (Ndrl ce sit-in et la grève de faim) ?
Mme Badji: Depuis cette disparition, personne ne m’a entendu en parler. Parce que je suis légaliste. J’ai voulu me conformer à la loi, à toutes les voies de recours légales. Il ne fallait pas que je prononce là-dessus n’importe comment. J’ai appris la disparition de mon mari à travers les réseaux sociaux. Sur le coup, je me suis dit qu’il fallait garder ma sérénité et attendre que l’on me donne des informations sur cette affaire. Je me disais que peut-être qu’ils allaient nous appeler, nous informer, nous mettre au courant des circonstances de cette disparition. Puis, j’ai vu un communiqué du procureur de la république qui disait qu’une enquête avait été ouverte. Puis deux mois, sont passés sans que je ne reçoive une quelconque information. Puisque la gendarmerie n’est pas venue vers moi pour me tenir informer, j’ai décidé de lui écrire pour savoir où elle en était avec son enquête. En vain. Madame la vérificatrice général de l’Etat (Ndlr Nafi Ngom Keïta) avec qui travaillait Didier a elle aussi écrit à qui de droit pour demander des renseignements. Elle n’a pass non plus eu de réponses. Donc tout ce ce temps où je suis restée silencieuse, c’est parce que j’ai foi en la justice de mon pays et à la gendarmerie de pays. Par conséquent, j’ai adressé plusieurs correspondances à qui de droit pour m’enquérir de la situation de mon mari afin d’avoir des informations. J’avais la conviction que ceux à qui j’ai adressé ces correspondances allaient me répondre. Personne n’a répondu. Neuf mois, c’est long à attendre. Aujourd’hui, puisque personne, aucune autorité ne veut répondre à mes nombreuses requêtes et à celles de la famille, il ne me reste que la grève de la faim et ce sit-in pour me faire entendre, pour manifester mon désarroi, ma douleur, cette injustice. Didier Badji est un gendarme sénégalais qui travaillait à la présidence de la république et il a disparu sans que personne ne pipe mot sur son sort. Donc pendant tout ce temps où je suis restée silencieuse, je n’avais pas été passive ou les bras croisés. J’ai fait ce que j’ai cru en mon devoir. Mme Nafi Ngom Keïta en a fait de même de son côté. Pareil pour les Droits de L’Homme. Rien n’a bougé, toujours pas d’informations. Personne ne veut répondre à mes requêtes et à celles de la famille. C’est pourquoi il ne me reste que cette solution ultime; une grève de la faim illimitée, totale, infinie et un sit-in devant le consulat.
Last Leaks : Depuis la disparition de votre mari, quelle a été mobilisation de la gendarmerie et comment s’est-elle comportée vis-à-vis de vous et de vos enfants, de la famille de Didier l’adjudant Didier Badji?
Mme Badji: Depuis le début de cette affaire, je n’ai eu aucune nouvelle de la gendarmerie. Cela nous fait très mal dans la famille parce que Didier Badji, l’adjudant chef Didier Badji a loyalement donné 28 ans de sa vie à la gendarmerie. Il a servi dignement l’Etat du Sénégal. Son travail a été bien apprécié partout où il est passé. Il a reçu plusieurs fois des lettres de remerciements et de félicitations de la part des personnes avec qui il travaillait. C’était le cas quand il est parti en Côte d’Ivoire en 2004 et quand il travaillait à la présidence de la République auprès de Mme la vérificatrice général. Tous ces documents dont je parle sont disponibles au niveau des archives à la gendarmerie. C’est vous dire, combien il était compétent et combien il était consciencieux dans son travail. Mais nous n’avons pas entendu la gendarmerie sur cette affaire. Pas un seul gendarme n’est venu à la maison ne serait-ce que pour voir les enfants ou réconforter la famille de Didier Badji.
Last Leaks : Mais alors qu’en est-il de son salaire? Est-ce vous le recevez ou l’avez jamais reçu d’ailleurs ? Une aide de l’Etat du Sénégal pour subvenir aux besoins des enfants ?
Mme Badji: Nous n’avons aucune information sur son salaire. Depuis le 18 novembre 2022 où il a disparu, nous n’avons rien perçu pour le compte de Didier Badji. Jamais. La gendarmerie ne nous a jamais rien dit à ce sujet. Pourtant, cela fait partie des sujets abordés dans nos correspondances avec la gendarmerie. J’ai demandé dans la lettre que je lui adressée, quelles sont les dispositions prévues pour prendre en charge les enfants de Didier Badji dans ce cas de figure, puisque l’enquête suivait son cours. Jusqu’à présent, je n’ai pas de réponse.
Last Leaks : Justement, en parlant des enfants de Didier Badji, que savent-ils de cette affaire ? Comment leur avez-vous expliqué la situation? Comment la vivent-ils? Quels âges ont-ils?
Mme Badji: L’ainé est âgé de 13 ans seulement, les autres sont encore petits. C’est dur pour eux, ils en souffrent, surtout le fait que cette affaire survienne et que personne ne nous informe. ça été dans tous les médias, tout le monde en parlait. Les gens en ont parlé à l’école et leurs camarades de classe aussi. C’est comme ça qu’ils l’ont apprise. Cela leur a fait très mal. Chaque jour, ils me demandent des nouvelles de leur papa. Chaque jour ils me demandent si l’enquête a révélé du nouveau. Je ne peux rien leur dire. Où en est l’enquête? Quant à la gendarmerie, elle doit savoir qu’ils sont des enfants d’un gendarme qui a servi le Sénégal pendant 28 ans. Au moins ses enfants doivent bénéficier d’une assistance psychologique. Mais nous ne voyons personne. C’est très dur pour eux et pour la famille de vivre cette affaire. Je recommande aux enfants d’endurer, d’être patients. Cependant, c’est déjà difficile et dur pour un adulte de vivre cela, à plus forte raison des enfants. Je ne sais pas quoi leur dire, quelles informations leur donner. C’est lourd pour les enfants. Cela a une répercussion sur eux. Leur père a disparu du jour au lendemain, sans que personne ne soit capable de leur donner des informations.
Last Leaks : Est-ce que Mme Badji, au fond de vous, vous avez une once d’espoir de retrouver votre mari vivant?
Mme Badji : C’est à l’enquête de le me dire. Jusqu’à la preuve du contraire, je me dis que mon mari, le père de mes enfants est encore vivant. Jusqu’à la preuve du contraire. Et, c’est à l’enquête de nous édifier sur cela; si Didier Badji est vivant ou pas. Jusqu’à la preuve du contraire, j’ai espoir qu’il vit.
Réalisé par Rokia Pédro (lastleaks.fr)