Flavie Flament : «J'écris pour toutes les victimes de viol qui se taisent»

19 - Octobre - 2016

Dans un livre publié ce mercredi, «la Consolation», l'animatrice révèle avoir été agressée par un grand photographe. Un secret enfoui dans sa mémoire pendant des années.

Apaisée mais combative. Flavie Flament nous a reçus près de RTL, où elle officie chaque après-midi dans « On est fait pour s'entendre », afin d'évoquer son récit bouleversant, relaté dans un livre publié ce mercredi, «la Consolation».

Les souvenirs de votre viol par un grand photographe de mode ont mis presque vingt-cinq ans à ressurgir...

FLAVIE FLAMENT. C'est le propre de l'amnésie traumatique. Les souvenirs refont surface avec une violence incommensurable, sans avoir été polis, apaisés par le temps. Il y a souvent un événement déclencheur, la perte d'un être proche ou même une naissance, quelque chose qui bouleverse votre équilibre psychique. Pour moi, c'était la mort de mon grand-père. J'ai dû être accompagnée plusieurs années avant d'être capable de gérer cette douleur et de prendre la parole.

Dans votre livre, vous racontez cette scène où votre futur agresseur vous ouvre la porte, nu, et où votre mère lui demande : « Je reviens la chercher à quelle heure ? » On est dans la partie naturiste du Cap d'Agde, vous avez 13 ans...

Ma mère ne voulait pas faire de moi une enfant star mais vivre des émotions à travers moi. Cet entourage défaillant, qui ne sait pas protéger, c'est souvent ce qui muselle et isole les victimes.

Lorsque vous vous êtes sentie prête à mener une action pénale, vous avez découvert qu'il était trop tard...

Aujourd'hui en France, la prescription pour un viol sur mineur, c'est vingt ans après la majorité, donc 38 ans. Pour ceux qui sont nés avant le 14 mars 1976, la prescription est de dix ans seulement... Pourquoi ne pas tenter une action civile et demander des dommages et intérêts ? Si d'autres voix s'élèvent, si d'autres femmes s'expriment, je m'engagerai auprès d'elles. Je pense que je ne suis pas sa seule victime. La couverture de votre livre, la rencontre au Cap d'Agde, les rituels autour de chaque séance photo... « La Consolation » est semé d'indices très précis sur votre agresseur, mondialement connu. Pourquoi ne le nommez-vous jamais ? Prescription oblige, si je prononce son nom, je peux être attaquée pour diffamation. C'est d'une injustice folle, c'est la double peine. Mais si à travers mon témoignage, je peux libérer la parole de celles pour qui il est peut-être encore temps d'agir, ou si je peux faire en sorte que des politiques s'interrogent sur l'absurdité de cette prescription au pénal, mon livre ne sera pas vain. Je suis une parmi tant d'autres et j'écris pour toutes les victimes qui se taisent, qui traînent le fardeau d'une agression quand elles étaient mineures, sans jamais avoir pu prendre la parole.

Après ce viol, vous racontez des agressions dans un ascenseur et dans un train, une liaison forcée avec un quadragénaire sur lequel votre mère fantasme...

La majorité des victimes d'abus sexuels convaincues que leur parole ne sera pas entendue subissent, par la suite, des assauts d'autres prédateurs, à des degrés divers. Parce qu'il y a la culture du non-dit et de la soumission, et une estime de soi réduite à néant.

Votre famille, notamment votre mère, ne vous a pas protégée. Quelles sont vos relations avec elle aujourd'hui ?

Je n'en ai plus. Ma seule famille aujourd'hui, c'est l'homme que j'aime, mes enfants, mon oncle et ma tante. Pour cheminer vers une forme d'apaisement, on est obligé de rompre avec ce qui nous tourmente. L'entourage qui ne veut pas voir, pas s'engager exerce une pression toxique vous empêchant de guérir. Je n'ai pas eu d'autre choix que de couper ces liens pour m'en sortir moi, mais aussi mes enfants et mes futurs petits-enfants. J'ai l'impression d'avoir cassé une malédiction. Les drames non formulés sont un poison pour les générations futures.

Vous terminez votre livre en écrivant que chez vous « tout est intact ». Comment est-ce possible ?

J'ai conservé au fond de moi une vraie flamme de vie, de joie qui m'a permis de passer toutes ces épreuves, notamment celles de ces sept dernières années, où l'amnésie traumatique a été brisée et où les souvenirs me sont revenus. J'ai entretenu ce qu'il y a de bon en moi et chez les autres, en soignant mes amitiés, mon amour, et en cherchant à marcher sur le trottoir côté soleil. J'ai décidé de transformer cette douleur. Je me suis consolée. Je pense aujourd'hui à tous ceux qui n'ont pas encore atteint ce stade.

Leparieien

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